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  • Isabelle Verneuil

    Y_a_pas_problème.jpgUn jour, nous aurons à justifier notre incapacité à accueillir et à défendre les droits humains... Migrer n'est pas nécessairement un choix. C'est même, souvent l'inverse. C'est une obligation pour défendre sa vie, pour espérer avoir un toit et vivre dignement tout simplement. Nous n'imaginons pas ce que ces adultes mais aussi ces mineurs (dits isolés) ont traversé. Les nuits sans sommeil, l'absence de nourriture, la violence des passeurs, la peur constante d'être attrapés par les uns ou les autres. La mort le long des chemins. Le froid, la poussière, l'extrême chaleur... Et cette phrase de Nelson Mandela qui résonne : « Priver les gens de leurs droits humains revient à contester leur humanité même. » 

    Notre monde est-il devenu fou ? Dans les pays occidentaux, l'expérience ultime semble être la survie dans des conditions dites extrêmes : des candidats s'affament pour courir après un totem, d'autres nous montrent comment survivre en pleine jungle (comme si, demain, nous allions être parachutés à un endroit inconnu). Pire, nous regardons ces personnes faire des épreuves de survie pour un sac de riz, nous regardons sans penser à ceux qui sont là au pied de notre immeuble, au coin de notre rue. Combien de kilos de riz aurions-nous pu envoyer, donner le temps de ces émissions de télévision ? 

    Contrairement à cette introduction le livre d'Isabelle Verneuil n'est pas une leçon de morale, c'est une ode à la vie. Elle rend vivante la situation des mineurs isolés. Un instant d'une vie, d'une tentative de régularisation, ces mineurs se retrouvent dans une famille qui les accueille. Mais comment échanger ? Comment parler ? Comment rassurer ? C'est un apprentissage dans les deux sens. Il faut trouver les mots justes, les mots universels, au départ, pour se comprendre, pour s'apprivoiser. 

    Y a pas problème est un livre qui se lit avec délectation littéraire ou plus exactement avec humanité. Nous entrons dans les trajectoires de ces jeunes : Amir (syrien), Zyane (syrienne), Metsi (burkinabaise), Yonas (érythréen), Mina (afghane), Nazélie et son frère (Arménie), Kymia (congolaise), Waris (somalienne)...

    Isabelle Verneuil a une plume littéraire, vagabonde et précise. Elle se joue des temps, des enthousiasmes et des pleurs. Elle relate avec audace et malice, les respirations, les découvertes, les oublis, les tentatives administratives répétées, les premiers émois, les sourires, les joies, les tristesses... Avec elle, nous entrons au coeur de ses familles qui livrent cette bataille d'une humanité partagée, souriante, accueillante. Nous sommes, à table, nous écoutons les premiers mots de français. Nous écoutons les silences des blessures. Musicalité des mots et des engagements.

    Derrière chacune de ces histoires, de ces rencontres, résonnent, pour moi, les mots de Desmond Tutu : « Ne laissez jamais personne vous dire que ce que vous faites est insignifiant. »

    Pour être honnête, j'ai été surprise de recevoir le manuscrit d'Isabelle Verneuil. Surprise mais heureuse.

    • Surprise, car Isabelle Verneuil est une auteure, au sens plein du terme, elle a publié de nombreux ouvrages. Sa vie est un engagement de mots, de forces littéraires. Écrivaine engagée, elle a la rage des mots pour percer notre (in)humanité. 
    • Heureuse car son texte venait frapper mes expériences personnelles et résonner en ma sensibilité. Noyée dans les engagements scolaires et les désespoirs des confinements, j'ai mis du temps avant de le publier. 

    Ce livre est un récit qui vient corroborer les essais d'ethno-psychologie de Claude Mesmin et de Francine Rosenbaum. Il n'y a pas de hasard, si sous le doux nom de Route de la Soie - Éditions, je cherche à questionner les récits de notre monde, à collectionner les regards sur les migrations, à interroger ce qui fait de nous des êtres humains, et, à promouvoir des auteurs sensibles, humanistes. Ils constituent une grande famille, dans laquelle, l'humanité se regarde, se devine, s'envisage, s'engage... Avec Isabelle Verneuil et son ouvrage Y a pas problèmec'était évident. Nous retrouvons, chez elle, les mots de Martin Luther King : « La moindre injustice, où qu’elle soit commise, menace l’édifice tout entier. » Avec Isabelle, avec ses mots, son phrasé incisif et doux, nous nous (r)éveillons, nous nous engageons à rallumer les Lumières

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