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La folie

C'est un matin comme les autres ou pas. Un grain de folie s'est glissé au coeur de l'horloge. Rendez-vous pris à l'Esplanade de la Défense, en plein vent, en plein froid, afin de découvrir un parcours constitué de soixante-neuf oeuvres d'art.

Nous pourrions nous attarder sur le cheminement intérieur qui m'a fait associer la thématique "la folie" à ce lieu aussi complexe qu'étrange qu'est la Défense. Quel(s) lien(s) pouvons-nous faire entre les deux ? 

Revient en mémoire cette phrase de Michel Foucault : "Jamais la psychologie ne pourra dire sur la folie la vérité, puisque c'est la folie qui détient la vérité de la psychologie"(cf. Maladie mentale et psychologie).

Dans l'histoire des humanités, la folie est associée à la raison (elle est son opposée). La folie est antérieure à toutes les révélations scientifiques ou tous les écrits psychiatriques. Il y a donc toujours eu des "fous" ! Mais qu'est-ce qu'un fou, si ce n'est celui qui est hors norme ? C'est ce que souligne Serge Carfatan dans sa leçon n°89 intitulée Raison & Folie.  Nous crions souvent "mais tu es fou/folle" ! Et nous désignons ainsi une crainte face à une action, un comportement qui se décale de la norme. 

Petite liste des folies "répertoriées" : Folie furieuse, Folie circulaire, intermittente, périodique, Folie communicante, communiquée, simultanée, Folie morale, Folie raisonnante, Folie chaude, érotique, mélancolique, mystique, utérine, Folie du doute, des grandeurs, de la persécution, Folie générale, folie collective...

Et puis, il y a ces folies plus "acceptables" : Folie douce, Folie de son corps, Grain de folie, un brin de folie...

Dans son ouvrage Histoire de la folie à l'âge classique, Foucault note que la folie est repose sur l'équilibre de deux éléments : un élément tragique et un élément critique. La folie serait-elle le miroir inverse de la normalité ? Selon, l'histoire de la philosophie, le fou ne peut penser. Sa raison est empêchée. Il est donc impossible que la pensée soit folle. La pensée est une certitude puisqu'elle est immédiatement présente à elle-même. La pensée est indubitable. Elle se saisit par elle-même, au moment même ou la raison pense. Le fou devient alors celui qui déraisonne, il ne peut se penser et penser les autres.

Finalement notre compréhension de la folie a-t-elle changé ? Pas vraiment. Le fou est toujours une figure qui dérange.

La folie est-elle liée à l'excentricité ? D'un point de vue topographique, s'excentrer c'est quitter le centre. Ici nous sortons de Paris, nous nous excentrons. Mais il y a aussi l'excentricité des comportements... Faut-il s'assoir au milieu de l'esplanade pour en mesurer l'exactitude ?

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Joan Miró, nous rappelle que nous nous fions trop au principe de réalité. Ses animaux fantastiques nous invitent à nous plonger dans l'au-delà de nos perceptions. Cherchez ici le regard. Décalez-vous...  

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Quant à Calder, que croyez-vous qu'il apporte avec son araignée rouge ? Pour certains c'est tout sauf une araignée. Qui aurait donc l'idée de décrire une araignée vide et aussi rigide ? 

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L'araignée se métamorphose, elle tisse sa toile des milliers de personnes qui passent là, chaque jour. Voient-ils encore cette bête dessiner l'horizon ? Qui dans sa folie du quotidien oublie les Olympes ?

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De construction en déconstruction ou bien l'inverse, où se perd notre humanité ? 

Pour être dans la norme, faut-il toujours suivre la trace de nos pères, selon l'oeuvre éponyme de Joseph Jankovic ? Et si justement nous nous détachions de cette succession ?

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“Un peu de folie est nécessaire pour faire un pas de plus ” écrivait Paulo Coelho  (dans son Manuel du guerrier de la lumière). Dans ce froid, ce matin, il a fallu mon sauvetage inespéré par deux de mes étudiants, partageant un peu de leur petit déjeuner. Dans ce froid et cette architecture, on perd vite la notion de couleurs et d'asymétrie. 

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Dans ses Essais, Montaigne écrit "la plus subtile folie se fait de la plus subtile sagesse ". De cette tour colorée appelée Le Moretti à la sagesse de la danse de Shelomo Selinger, il n'y a qu'un pas. 

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Et en un renversement de perspective, la monstruosité apparaît.

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“Qui vit sans folie n’est pas si sage qu’il croit" écrit François de La Rochefoucauld dans ses Maximes. Le Point Growth de Lim Dong-Lak illustre assez bien cette vision. Ce point de croissance, donne-t-il naissance à la perspective ?

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Comment conclure sur cette thématique de la "folie" ? Certains sont partis dans les galaxies des galléries marchandes où des oeuvres les attendent, d'autres ont exploré l'architecture, les déplacements... Certains ont renvoyé leurs croyances, en dessinant des arts variés, des sculptures imaginaires dans les espaces offerts entre les trottinettes électriques comme abandonnées dans cet immensité. Quelle photographie pour illustrer la folie ? Et bien ce sera la première prise sur place. La plus saisissante, la plus révélatrice aussi de cette dualité de la folie : le tragique et la critique. 

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"Dans ton oeil (me disait un ami photographe), il y a toujours du rouge". Il a encore une fois raison. Cette  photographie (presque étrange), nous donne les deux aspects de la folie : le tragique de l'illusion (sommes-nous encore capable de sauver notre humanité en mettant l'environnement et son double le social comme priorité(s) ?), la critique (un autre regard est obligatoire pour panser le XXI° siècle). 

Je terminerai sur les mots de Marguerite Yourcenar (cf. Les yeux ouverts), car ils sont une magnifique bouteille à la mer que l'on peut lancer pour la nouvelle génération : “il faut toujours un coup de folie pour bâtir un destin".  

Commentaires

  • Très beau texte, dans un univers approprié. A cette occasion, je découvre que le Pseudo ne parle jamais de Raison, ni de Folie. Entre les deux y aurait-il une voie qu'il ne connait pas mais dont il parle sans cesse?

  • Votre beau texte m'a renvoyé aux perplexités dans lesquelles les mots me plongent . Envie-janus: envie qui dit le bien après s'être enorgueilli de dire le mal; les mots ne cessent de s'échapper et quand on les rattrape, ils ne sont plus reconnaissables. Certains vieillissent mal, d'autres à force d'avoir traîné dans des endroits peu recommandables ont changé de sens, capables de porter le contraire de ce pour quoi ils avaient été conçus. Coupables d'être devenus des criminels quand ils annonçaient la paix.

    En lisant votre texte sur l'envie, un souvenir m'est venu,

    Le Poème

    En introduction aux citations extraites du Poème de Parménide, j’écris : « Les citations qui suivent sont issues d'un des textes les plus difficiles de la pensée grecque.

    L'idée n'est pas d'entrer dans les débats des spécialistes sur la genèse de l'œuvre, le sens des mots, leur restitution sachant que le langage employé est sujet à interprétations...

    Comme les scribes du Moyen Age recopiant les auteurs anciens, j'aurais envie de me dédouaner en écrivant "graecum est, non legitur".

    Pourtant, je reprends les vers qui m'ont le plus frappé. Qu'y ai-je compris? Peu importe. Ce sont des paroles et nous sommes tous fils et pères de la parole, des mots dont elle se sert. Sans elle que nous avons inventée et bâtie, nous serions des singes, encore accrochés aux branches des arbres.

    Il est étrange d’essayer de tirer des « citations » d’un texte qui est présenté comme très complexe dans sa formulation et d’une approche très difficile dans son sens. Je pense qu’il y a des textes « attracteurs » comme il est des œuvres d’art qui marquent, des musiques auxquelles on ne peut pas échapper, des lieux qui paraissent envoûtés…

    Il est des auteurs que j’ai du mal à pénétrer. Leurs écrits me paraissent infranchissables. Les mots semblent au-delà de tous sens. Et pourtant, victime d’une étrange fascination, je ne cesse de m’y plonger pour rien ou fort peu. J’y reviens un peu plus tard, ayant trouvé d’autres textes qui leur sont apparentés. Il m’arrive de trouver le moyen de circuits de pensée décalés, souterrains, autorisant les entrées latérales, par les petites portes, par les chemins dérobés. Parfois j’ai le sentiment de pénétrer par effraction dans une pensée, un mot, une phrase. Il m’arrive de découvrir un sens par les traces laissées sur le sillage d’un mot, comme si faute de pouvoir comprendre en bosse, je découvrais que c’est possible en creux, qu’on peut suivre des empreintes, découvrir des contraires loquaces.

    Tout ceci pour quoi ? Pour les mots et leur sens, pour le langage et la parole. Parce que sans eux que sommes-nous ? Les singes évoqués plus haut.

    Je crois aussi à une fonction ruminante du cerveau. Je crois que c’est Nietzsche qui l’a évoquée. Les mots avalés, ingérés après une première et primitive mastication, disparaîtraient dans quelque repli, s’y entasseraient en compagnie d’autres victimes du même processus, se combineraient peut-être à raison de chimies compatibles et reviendraient à nouveau se faire mastiquer ….

    Alors, une partie du jeu des mots serait de les bien choisir, comme il faut bien choisir les raisonnements en sorte que les associations possibles soient plausibles… Choisir…je ne suis pas sûr finalement ! il faudrait simplement s’obstiner à regarder, lire, sentir, penser, s’astreindre à l’éveil, à la lucidité pour apporter à la rumination les ingrédients nécessaires à une bonne nourriture de la pensée et de l’esprit.

    Donc ces citations de Parménide pour leur sens immédiat, pour leur musique si le sens n’est pas perceptible, pour la mastication dans tous les cas de figure.

  • "La Grammaire n'est pas légion"... Ou peut-être que si finalement les mots sont les cadres de notre pensée, ils nous programment. Ils sont ceux qui enferment nos intentions cognitives. La question est pouvons-nous les dépasser ? Un au-delà des mots pour comprendre à la Wittgenstein le monde. Car le monde est tout ce qui arrive. C'est donc bien que le réel ne se limite pas aux mots que nous utilisons pour le décrire. Nous devons aujourd'hui encore plus qu'hier comprendre l'origine des mots pour dépasser les maux de notre humanité. Nous devons prendre le temps de ce dépassement pour aller plus loin et porter les utopies nouvelles.

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