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  • La rentrée en Art à la Galerie "La main de fer"

    Dernier jour du mois d'août, la rue de la Révolution Française à Perpignan se pare de ses rousseurs automnales. Fin de journée, les rayons de soleil caressent les briques des immeubles de la rue. Une douceur estivale s'efface pour la ferveur de la rentrée de septembre. Loin de la rentrée scolaire, c'est bien de la rentrée des arts qu'il s'agit à la Galerie de la Main de Fer.  

    "CE QUE TU VOIS EST-IL CE QUE JE SUIS ?" tel est le titre de cette exposition qui rassemble deux artistes Olivier Diaz de Zarate et Thierry Genay.

    Une interpellation sur les désordres de nos visions  (sur le monde), sommes-nous des miroirs de l'autre ou bien de simples subjectivités ? Inversion des mondes et regard en miroir, voilà ce que nous propose Géraldine Torcatis dans sa galerie. 

    Olivier Diaz de Zarate, Galerie main de fer, Géraldine Torcatis, exposition, Art

    Olivier Diaz de Zarate nous invite à une introspection profonde à travers sa maîtrise de la figuration concrète. En simulant la réalité avec une perfection presque troublante, il ne se contente pas de reproduire le monde qui nous entoure, mais il nous pousse à questionner la nature même de cette réalité. En dévoilant l'âme, il nous rappelle que la vérité est souvent plus profonde que ce que l'œil peut percevoir.

    Sa virtuosité dans l'utilisation des codes classiques de la peinture est indéniable. Il se joue ainsi de nos sensations et de nos attentes en matière de classicisme. Pourtant, loin de se cantonner à une simple répétition du passé, son travail est résolument moderne. Il est le fruit d'une recherche picturale intense, d'une préparation méticuleuse qui met en lumière l'acte de peindre lui-même. Le support, couvert de ce qu'il décrit comme du "divin", est un hommage vibrant à l'héritage des classiques et à la « Scientia Pictoris ».

    Aujourd'hui, il vit et travaille à Narbonne. Son œuvre est marquée par une recherche profonde de l'identité personnelle, explorant les notions d'intimité et d'émotion. Il utilise le miroir comme un outil pour permettre au spectateur de se voir d'une manière immédiate et instinctive. Inspiré par des maîtres tels que Caravage, Chardin, Fragonard et Veermer, Olivier Diaz de Zarate combine les codes classiques de la peinture avec une approche contemporaine. 

    Thierry Genay, Galerie Main de fer, Géraldine Torcatis

     

    Thierry Genay, élégance du regard, grandeur de la retenue, nous offre une vision renouvelée de la photographie. Ses clichés épurés sont un véritable miroir de l'âme, transformant la nature morte en une œuvre d'art contemporain. L'influence de la peinture flamande est palpable, créant un pont entre passé et présent, entre tradition et modernité. Thierry Genay joue avec les contrastes : entre le plein et le vide, entre ce qui est visible et ce qui reste caché. Il nous présente une vision du monde où chaque élément est en équilibre, où chaque détail compte.

     

    La galerie La Main de Fer, nichée au cœur de Perpignan, est l'écrin parfait pour cette exposition en miroir. Deux artistes, deux visions, une double interrogation démultipliée par les spectateurs. 

    Ouverte du mardi au samedi, elle offre aux visiteurs un espace où l'art et la réflexion se rencontrent. Géraldine Torcatis, la curatrice, est disponible sur rendez-vous pour ceux qui souhaitent approfondir leur expérience.

     

    CE QUE TU VOIS EST-IL CE QUE JE SUIS ? est plus qu'une simple exposition. C'est une invitation à la réflexion, à la découverte de soi à travers l'art. Olivier Diaz de Zarate et Thierry Genay, chacun à sa manière, nous rappellent que l'art est un miroir de l'âme, un reflet de notre propre vérité.

  • Pourquoi devenir éditrice ?

    Route de la soie, éditions, livre, métiers éditions, éditrice, lectures, idées, ponts, culturesMille réponses sont possibles à cette question. Par où commencer ? Par où dire cette indicible histoire ? 

    Lire ou courir, faut-il choisir ? 

    Je pourrais faire le choix de narrer en détails mes expériences, mes trajectoires, mes errances dans certaines entreprises, mon refus de lire dans l'enfance. Il ne fallait pas gâcher mon agitation. Je dormais en lisant Zola, que dire de Maupassant ? Bref, la littérature classique semblait loin de mes préoccupations. Mais Marguerite Yourcenar a retenu mon souffle... Ses Nouvelles orientales déjà appelaient mon lointain. Je jouais sur les cartes détaillées du National Geographic. Mon esprit divaguait en détail sur la carte du pôle nord et sur celle de l'Himalaya. Je me voyais déjà partir en suivant le fil de certaines longitudes. le coeur palpitant sur les mots de Radiguet, de Cocteau, de Théophile Gauthier, Romain Gary... Et puis toujours la poésie... ses mots cachés, ouverts, dormants, rêveurs, noirceur de beautés, ornement de notre inhumanité. Une phrase ouvrant sur l'infini. Une mélodie de l'imagination. Rien, pourtant, ne calmait mon agitation, il fallait toujours courir, aller au-delà, saisir le présent dans sa totalité, conquérir les arbres de haute lutte, contourner la marne, escalader les montagnes, toujours aller plus haut avec le trapèze du jardin.

    Renversement avec Samuel Beckett qui supprime le corps et renverse la parole. Les mots en roue libre... Serions-nous uniquement des mots ? 

    Puis Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra. Que faut-il comprendre de notre totalité ?  

    Puis il y eut Louis Althusser Sur la philosophie. Une claque l'année du baccalauréat scientifique (D à l'époque), où tout le monde pariait sur mon zéro en mathématiques mais évidemment non j'ai toujours été plus proche du vingt lors des examens en mathématiques. Bref, cette rencontre unique d'un livre, d'unilingue, d'un champ d'investigation. Un moment de vertige. Il y a donc bien un au-delà de la langue. Faut-il pour autant parler d'un universalisme ? 

    Le goût des mots des autres

    Pendant des années, j'ai fait le choix d'étudier les mots des autres, dans cet immense réservoir à idées qu'est la philosophie de Plotin à Husserl, en passant par Kant, Galilée, Aristote, Heidegger, Peirce, Malebranche, Spinoza, Locke, Platon, Descartes, Bergson, Putnam, Leibniz, Frege, Nietzsche et tant d'autres... Les mots, les langues, les siècles deviennent des volutes, des morceaux de concepts et finalement le réel se fragmente au profit d'une lecture ou d'une re-lecture, de points de vue irréconciliables (selon Deleuze). De l'université de béton à la rue d'Ulm, tout se joue de fragiles équilibres perceptifs. 

    Comment faire entendre sa propre expérience de pensée pour ne pas dire sa voix sans ce tumulte des années 1990 ? Il fallait oser en passer par le questionnement de ce désordre occidental pour se frayer un chemin au sein de son propre chaos. Là naît l'expérience de la revue Res Publica, philosophie et scènes humaines. Elle sera éditée par les PUF.  Première confrontation au fait que la pensée ne se vend pas, qu'elle est trop complexe pour nos contemporains qui lui préfèrent le marketing de la pensée ou les récits de soi au travers du prisme du coaching... Mais je n'abandonne pas facilement...

    Le cheminement des expériences littéraires 

    Finalement aujourd'hui je m'aperçois que mes expériences littéraires sont finalement nombreuses et jalonnent mon parcours : secrétaire d'édition d'un quotidien,  pigiste pour d'autres, magasinière dans l'ancienne BNF (où l'on apprend les formats des livres - le format folio, par exemple, n'est pas un livre de poche- où les kilomètres s'enchaînent pour trouver la perle rare pour le chercheur en salle et le dédale des odeurs, des formats, des siècles, etc.), nègre pour des discours, des textes...

    Voyager au fil de l'eau du monde 

    Il m'a fallu balancer un peu tout cela pour éprouver les mots ailleurs, en semelle de vents, au travers de voyages, de rencontres et de renversement culturels. Jouer avec les arts que j'aime : l'image fixe (la photographie) posée comme une éternité dans la fragilité des souvenirs. Voir le monde en face. Prendre conscience que le savoir occidental n'est qu'une infime partie du savoir humain, et remettre en question la certitude du savoir acquis. Poursuivre, essayer, tomber à nouveau, recommencer... Faire, défaire... au milieu d'un monde en ébullition. 

    Dessiner de nouvelles perspectives en images fixes et colorées, comme toujours... Et plier aux ordres de la poésie, à en dévorer les pages, à les tordre dans mes carnets. 

    Donner la parole aux autres 

    Puis un jour, au milieu de cette avenue étrange qui conduit aux Champs-Élysée, rendez-vous avec la tête que je devais chasser pour ce qu'il convient d'appeler un "beau poste" dans la finance. Rien ne s'est passé comme prévu. C'est ce qui fait le charme de la vie. Pascal Ordonneau me voyant en errance argumentaire et ne voyant absolument pas l'intérêt de ce poste proposé, ni même ce que je faisais là dans un monde qui n'était pas le mien, finit par m'expliquer que désormais il voulait écrire. Miroir tendu. Les mots me revenaient, comme de lointains cousins. Une sorte de familiarité poétique. Que faisais-je ici ? À ce poste au milieu d'un monde qui ne s'intéresse qu'au coût moyen pondéré du capital ? Il faut le voir pour le croire. 

    Finalement j'ai préféré chasser un éditeur pour Pascal Ordonneau et c'est ainsi que j'ai rencontré Jacques Flament. Maître artisan des mots, il oeuvre pour créer et faire lire les auteurs, tenace il n'abandonne rien, il avance, il cherche, il déniche des mots, des trajectoires, des fenêtres poétiques. Renversement des codes, exploration du monde. Une maison idéale pour poser mes valises (je ris ici en me disant que certains pensent que travailler dans l'édition c'est faire fortune - donc non je n'étais pas salariée et non je n'ai pas gagné de quoi me faire plus qu'un dîner chez moi tranquille). Mais ceux qui me connaissent, savent que ce n'est pas l'enjeu. L'idée consiste à faire avancer cet engrenage magnifique qui s'appelle le monde, ou l'humain... Jacques Flament a touché cette corde sensible, en moi, en parlant de "rallumer les réverbères". Pousser le curseur des idées, au travers de la création artistique, poétique... 

    Repartir encore (ou en corps)

    L'Himalaya ce vieil ami familier revenait, puis la Chine, le Népal, l'Inde, Java puis les kilomètres, les kilomètres, les kilomètres, les poussières, les ethnies... Et toujours mon moteur "qu'est-ce que dire ?"... Puis un jour au milieu de mes pensées chaotiques, dans un carnet, alors que Jacques Flament me disait vouloir arrêter sa maison, je me suis dit et si j'essayais ? 

    Créer la Route de la Soie - Éditions 

    En revenant de kilomètres passés dans le Xinjiang, en traînant encore un peu dans les poussières de désert. Et en refusant la fin de Jacques Flament Éditions. J'ai décidé de me consacrer pleinement aux mots des autres, de leur donner un écrin pour questionner notre réel, et tisser des liens entre les cultures. Nos univers sont-ils irréconciliables ? Ou bien pouvons-nous nous servir des arts pour créer des passerelles de compréhension ? L'exploration de l'humanité qui me tient à coeur, toujours... Comprendre, comprendre, toujours comprendre, ce lien qui nous unit, certains parlent de file de soie. Alors oui j'ai plongé et le titre était tout trouvé. 

    J'ai laissé en chantier mes carnets, mes textes, mes dessins... au profit des mots des autres... Ils sont là avec moi... Ils parcourent les kilomètres, les étoiles en lumières nocturnes... 

    Mettre en lumières les mots des autres !

    Évidemment je ne peux citer l'ensemble de ma presque soixantaine d'auteurs (et donc largement plus d'une centaine de titres publiés). Cependant la Route de la Soie - Éditions a débuté avec Fan Zhang et William Lochner. Deux univers différents et pourtant si proches. D'un côté une étudiante chinoise en France qui découvre qu'il faut renverser sa pensée, la France n'est pas si romantique ou féérique et de l'autre un reporter de guerre qui dans un dialogue avec Rimbaud, cet autre lui-même nous pare du renversement de sa psyché. Le poids des guerres, les mots en hypothèse de délivrance. Entre une tentative poétique avec Pascal Ordonneau qui se jouait de ma prise de vue systématique du Panthéon. Panthéon au carré ou un drôle de livre à considérer comme une friche. Véronique Terrassier m'a laissé coller ses mots et ses oeuvres, là encore Ville & nature suspendues est un premier livre qui ouvre la voie aux artistes. 

    Rencontres avec Michel Piriou, un incontournable de la maison, il vous entraînera sur les routes maritimes, au coeur d'intrigues historiques ou non. Une plume, un voyage, une sincérité. Chacun de ses livres est une oeuvre à part entière. Mais c'est aussi la clef pour un immense puzzle sur la nature humaine. Attention, c'est aussi un poète, un rêveur, un "partageur" d'étoiles. Et c'est ce qu'il fait en donnant sa plume aux magnifiques peintures de Chantal Célibert.  

    Discrète mais néanmoins grande écrivaine de la nature humaine, Ophélie Grevet  arrive dans la maison avec un premier roman, mais surtout ses pièces de théâtre et surtout son dernier Un chien dans la ville (qui a obtenu le prix du roman). Elle m'a aussi rappelé que la philosophie est ma maison, me faisant publier Pierre Michel Klein. Cette philosophie qui se veut réflexive, lente, progressive, exigeante. Bref celle qui désobéit au marketing. Voilà ça c'est de la philosophie. C'est dur, c'est complexe, cela fait appel à cette longue tradition de la mise en abimes des savoirs. Dans quelques temps, la réponse sera publiée de Pierre Jakob, là encore, ce n'est pas un livre qui se prend et s'oublie. Il faut justement la contrainte de s'extraire de la rapidité fuyante de notre époque. 

    Dans le cheminement, de la rencontre avec l'Autre et cette figure qui n'est pas tout à fait la nôtre mais un peu quand même, il y a Claude Mesmin sans laquelle la maison n'aurait pas fait des bons de géants. Confrontation des idées, discussions sur le sens du monde et écoute. Claude sait me pousser dans mes retranchements pour trouver d'autres portes, d'autres auteures, prolonger la réflexion. Comme avec Francine Rosenbaum, quelle claque quand j'ai découvert ses travaux et l'audace de ses recherches notamment avec Le chemin du Fa. 

    Au milieu, de toute cette pensée en mots, en perplexité de concepts, il y a Patrick Bonjour qui se joue des mots, comme des traits des caricatures. Ses livres sont drôles, sont d'une finesse à l'égard de notre époque mais aussi de l'histoire de l'art.  C'est un magicien, un joueur des couleurs. 

    Et comme tout magicien, il fait se rencontrer les arts. Sébastien Quagebeur arrive comme pour saluer un autre monde, comme pour nous dire "regardez tout est possible, il suffit juste d'ajuster quelques couleurs". Entre peintures, collages, montages en musique. Sébastien Quagebeur est un festival poétique. 

    Et que dire de la poésie de Roland Giraud ? Un mot, une clarté. Une résonance magnétique. les mots claquent, vibrent, esquivent, dévissent, le souffle s'arrête, puis repart. 

    Évidemment, la poésie coule dans mes veines, même si jamais je n'ai osé, en écrire. Dernière strate de langage, proche de l'absolu, selon moi, elle est comme le lieu de tous les lieux où s'origine le langage. Un magnifique acheminement à la parole. Alors oui, il fallait publier l'amour des mots, des cultures de Tahoura Tabatabaï-Vergnet

    De la poésie à l'exil, et inversement, il y a les témoignages celui de Marcela Paz-Obregon, et ceux magnifiques portés par Isabelle Verneuil. Là encore je retrouve ce que je défends : l'accueil, notre humanité. 

    Partage, humanité, accueil, c'est aussi cela que l'on retrouve chez Jennifer Bondon. Une force de la nature. Une générosité, ses livres viennent du coeur. Portes ouvertes sur la bonté, elle me fait espérer et renouer avec mon idéalisme. 

    Tout récit, est récit de quelque part où de quelque chose de notre monde. De ma rencontre avec Barthélémy Courmont est née l'idée de la collection sur la géopolitique "Mondes Actuels". Deux livres, deux visions sur deux régions du monde bien différentes : l'Australie et la Slovénie. Deux enjeux de puissance et de volonté d'existence. 

    Mais au-delà de la vision des enjeux de territoires, il y a le combat pour l'essentiel : la démocratie. Et c'est ce que nous rappellent d'une part Dominique Motte avec son ouvrage intitulé De la démocratie Suisse et, d'autre part, Reza Guemmar et Lachémi Belhocine avec leur ouvrage sur la constitution de l'Algérie. 

    Comprendre la société dans laquelle nous vivons c'est en observer les comportements et pourquoi pas en rire avec les oeuvres de Francis Denis ? C'est aussi jouer à questionner l'amour, à le saisir à corps ouvert avec notamment Frédéric Margnani. Puis jouer avec les fenêtres du temps des confinements avec Denis Martin

    Et puis que serait la maison, sans ce questionnement permanent sur notre méta-cognition et la belle collection Méta de Choc (éponyme du podcast) dirigée par Élisabeth Feytit

    Comprendre notre cognition, c'est comprendre notre rapport au monde, c'est aussi créer du dialogue avec les civilisations. D'où la revue Dialogue Chine -France qui permet de saisir davantage ce monde obscur qu'est la Chine, son histoire, ses mutations, son présent et ses liens intrinsèques avec la France et l'Europe. C'est aussi ce que montre le récit de Laurent Cibot sur son ancêtre qui a vécu au XVIIIe siècle à la cour de l'empereur de Chine. Comprendre que le regard des autres peuvent blesser une civilisation comme avec le fabuleux ouvrage de Chao YeLa Chine en 100 notions. C'est aussi soulever avec Maxime Vivas des doutes sur les discours. Serions-nous trop habitués à des propagandes pour ne pas voir le cynisme de notre réalité ? 

    La réalité, quelle est-elle ? Au fond nous cherchons, tous, à dire notre humanité au travers des mots, nous les taillons, pour qu'ils soient le plus précis possibles. Dire, tel est l'enjeu. Dire, pour amener à la prise de conscience.

    C'est ce que fait Chloé Joos, dans son ouvrage où nous avons laissé la porte ouverte à une interprétation grammaticale pour mettre en évidence l'effacement permanent des femmes par la grammaire. Ne serait-ce pas là la première violence sociale ? 

    C'est ce que nous confirme le magnifique essai de Anne Bergheim-Nègre. Son Histoire de l'inégalité, nous entraîne dans les coulisses de la construction même de l'inégalité. Nous luttons pour l'égalité, mais comment se rendre aux racines de cette inexistence ? C'est donc bien qu'elle a été pensée, instruite, inculquée au fil des siècles. Sans doute faut-il nous méfier des mots et de leurs constructions, sans doute nous faut-il les changer pour faire émerger de nouvelles possibilités. Ou bien peut-être peuvent-ils être des tremplins même avec leur défaillance pour se rappeler qu'ils ont un passé encombrant mais qu'ils peuvent si on en saisit l'épaisseur nous servir de bases pour questionner et construire une société soucieuse du bien commun. Mon réalisme ressort à grande vitesse, mais c'est un peu, en creux, le projet de la revue Diplômées de l'AFFDU. Questionner l'actualité, ses grandes thématiques et faire connaître la voix des chercheuses de notre temps. 

    Financer les livres

    Au départ, je ne me suis pas posé la question. Emportée par mon idéalisme de donner à voir, à entendre d'autres points de vue. Puis le choc des prix des impressions, de la distribution, etc. Pour ceux qui pensent que l'éditeur gagne de l'argent en créant des livres, et bien vous apprendrez qu'il n'en est rien ! Donc à ceux qui pensent que je suis derrière mon ordinateur à me la couler douce à lire des manuscrits toute la journée, je les invite à parcourir plus de 100 kilomètres de vélo par semaine, à donner des cours dans plusieurs établissements universitaires, à corriger des textes, à subir les foudres des auteurs, des libraires, l'ironie des distributeurs (qui font semblant de livrer)... Bref, il y aurait beaucoup à dire, à raconter... Pourtant je ne baisse pas les bras, j'imagine la suite pour donner de la visibilité aux auteurs, à les encourager à poursuivre, à faire entendre leurs idées... Chaque jour le moteur de la maison se fait entendre, un peu plus "l'impossible recule face à celui qui avance"... Merci Ella Maillart. 

     

     

     

  • Je suis le Corps-Soleil

    Patrick Bonjour, Sébastien Quagebeur, Route la soie - éditions, livre, poésie, dessins, illustrations, art

    Savez-vous ce qu'est le corps-soleil ? Un lieu ? Une mythologie ? Et de loin en loin, le bruit d'écume, nous fait sentir la vie, ses couleurs, ses métissages. Nous sommes en bonne compagnie, avec cet ouvrage. Les mots sont ceux de Sébastien Quagebeur, les dessins ceux de Patrick Bonjour

    Nous circulons dans le temps du bleu, de l'ocre... C'est la douceur d'un été, la promesse d'une caresse. Nous entrons en musicalité douce :

    "éblouis-moi

    de tes accords désenchantés

    Piano sans couleur qui traîne dans un troquet"

    C'est un poème parmi les dessins. Ou bien un dessin parmi les poèmes. J'aime les mots de Sébastien Quagebeur, légers, doux comme une saveur d'écume. D'une justesse à éblouir Victor Hugo. Par instant, sauvages comme la cote rocheuse qu'ils décrivent. Écorchures d'un présent, d'une translation, d'une médiation, d'une rive à l'autre.

    C'est bien de Marseille dont nous parlons. Cette ville aux mille soleils, aux nuits sans sommeil. Cette ville qui vibre au rythme des vagues et des haltes de navires. Cette ville aux mille vies. Nous allons dans les calanques. Nous sommes accrochés à la roche. Nudité d'une femme. Est-ce une sirène ? Un mythe bleu ? 

    "J'aperçois le rivage,

    étendu

    je flotte et je glisse

    surface miracle de vie"

    Patrick Bonjour, Sébastien Quagebeur, Route la soie - éditions, livre, poésie, dessins, illustrations, art

    Ce livre est une inspiration, une respiration. J'ai aimé m'y plonger, le faire, le défaire, le fabriquer. C'est un peu comme enlacer une personne que l'on aime. Il y a quelque chose qui se met à l'unisson. Serait-ce une joie ? Une suspension ? Une éternité flotte...

    Dans ce livre, nous mêlons notre respiration à celle des auteurs. Nous jouons des rêves, des arts. Ici un ciel. Ici une bouche. Ici un trait. Là une étoile. Encore là des pointillés. Serait-ce un baiser ?

    Dans cet ouvrage, dans cette oeuvre, je m'y jette pour respirer. Oxygène conservé d'une bouteille à la mer. Sable de lune ou bien de méduses. J'ai soif des couleurs de ce livre, portées par les mots ou les traits devenus si doux que la vie devient belle. La vie est art... La vie un poème... Ainsi je deviens le corps-soleil...

  • Jean-Louis Bonafos : sculpteur des imaginaires

    IMG_6130.pngÉcrire est, avant tout, une musique retrouvée. Un son qui confirme les mots volants dans l'écume de mon esprit. Et puis il y a les images. Ces images fortes qui viennent frapper ma conscience, ma mémoire... Sensation instantanée.

    C'était un matin tôt, la rue de la Révolution était baignée de cette lumière d'automne encore chaude de l'été. Je revenais de ce lointain désert du Taklamakan. J'avais ce sentiment d'apaisement d'une rue calme, sans désordre que celui des couleurs et des silences majestueux. Arrivée au niveau de la Galerie de la Main de fer (ou Can Cago), les habitués savent qu'ils entrent en territoire imaginaire. Territoire d'art. Lieu de remise à plat du présent, des futurs. Une myriade de couleurs s'attardent pour saluer l'espace des passages. Semelles de vent.

    C'est ce matin là. Précisément, au moment de cette lumière, les barques enchevêtrées de Jean-Louis Bonafos sont apparues. Sont-elles échouées ? Quelle écume rencontrent-elles, a-t-elle pu les faire chavirer ? Sont-elles parties en Sardane ? Bateaux bleutés, chavirés, suspendus. Était-ce leur immensité ? Était-ce leur couleur ? Était-ce, ce silence qui précède la foule et ses bruits ? 

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    Et ce poème de Jacques Prévert qui revient : 

    "L'amiral Larima
    Larima quoi
    la rime à rien
    l'amiral Larima
    l'amiral rien."  

    (Paroles, 1945)

    Partir en mots, en recherche, en imaginaire... Laissez-vous porter par les légendes que vous racontera Jean-Louis Bonafos. Maître des lieux, coeur ouvert sur les arts. Il n'y a pas de rue de la Révolution sans Jean-Louis. S'il vous arrête pour un café à sa table des arts, ne fuyez pas, rangez votre timidité et savourez cette suspension. 

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    Nappe bleue, mais souvent rouge. Toujours à carreaux et toujours avec des délices venues de toute part. Entrez dans ce monde, laissez-vous entraîner... Un peu comme la journaliste Edith Atlas de France Bleue en 2018.

    Toujours en blouse, en tenue d'atelier ou d'artiste, vous découvrirez Jean-Louis. Au-delà du personnage qui vous livrera sa recette des haricots à l'ail, il y a l'artiste. Un immense artiste qui sculpte le fer pour lui donner les formes combatives. 

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    Samouraï protecteur, défenseur des rêves. Il fend l'armée des ombres, à hauteur d'homme. Équilibre fragile entre le vent et ses musicalités. La tramontane ne peut le faire valser. Il tient face aux désordres.

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    Comme dans ce poème de José-Maria de Heredia (le Samouraï) : 

    "Ce beau guerrier vêtu de lames et de plaques,
    Sous le bronze, la soie et les brillantes laques,
    Semble un crustacé noir ; gigantesque et vermeil."

    Sculpteur des démesures. Jean-Louis a créé des oeuvres pour des maisons entières qui s'ouvrent ainsi sur la puissance du fer, la maîtrise du feu, la force des contorsions. 

    Ne vous fiez pas à cette entrée en matière. Le feu, la forge, la fusion, il faut se brûler les ailes pour comprendre la démesure de cet art. La sculpture du fer ou la force de la matière. Il y a du volcanique dans l'esprit de l'artiste, de la matière en fusion à laquelle il faut donner un corps, une forme d'expression... Et quelle serait la figure mythique à questionner ? En fer, en coups de marteau pour tordre ses rêves ? Dans la pénombre apparaît, fatigué par tant de siècles d'utopies...

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    Sur son fidèle destrier, le monde à ses pieds... Don Quichotte (rappelez-vous du titre original de l'oeuvre de Miguel de Cervantes El ingenioso hidalgo don Quixote de la Mancha). L'ingénieux a traversé les siècles pour venir jusqu'à nous. Forgé, sculpté, dépoussiéré par Jean-Louis Bonafos. Il n'est plus simplement un mythe... Il est parmi nous.

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    Il vient des lointains souvenirs de nos lectures, ou de nos jeux d'enfance. Don Quichotte à la fois ri et admiré. Oublié et pourtant si présent. Et tant de justes maximes nous reviennent en mémoire : "qui s’attache à un mauvais arbre reçoit mauvais ombre, et qui se met à l'abri sous la feuille se mouille deux fois, et qui se couche avec des chiens se lève avec des puces. Quelque petit que je sois, je tiens mon rang dans le monde ; chaque fourmi a sa colère ; chaque cheveu fait son ombre sur la terre, et chaque coq chante sur son fumier".

    art,jean-louis bonafos,sculpture,perpignan,révolutionParfois en "habit de lumières" comme pour nous tendre un miroir, et nous réveiller de nos endormissements... Don Quichotte trône, regarde la rue de la Révolution. Nous rappelant que nous devrions nous mouiller un peu plus pour nos rêves... "Il n’existe pas de joie comparable à celle de retrouver sa liberté perdue."

    Sur un air de Karl Jenkins me revient cet autre passage tellement criant de notre actualité "Maintenant que je suis sûr que personne ne nous écoute en cachette, je vais pouvoir répondre sans aucune difficulté à ces questions, madame, et à toutes celles que vous voudrez me poser. Je tiens à dire tout d'abord que mon maître don Quichotte est fou à lier, bien qu'il lui arrive de raconter de ces choses qui, à mon avis, et de l'avis de tous ceux qui l'écoutent, sont tellement sensées et tellement bien amenées que Satan en personne ne ferait pas mieux. Et pourtant, moi je suis sûr qu'il a complètement perdu l'esprit. Et comme on ne me l'ôtera pas de la cervelle, je n'hésite pas à lui faire croire des choses qui n'ont ni queue ni tête". 

    Don Quichotte un personnage central de l'oeuvre de Jean-Louis Bonafos, sans doute même le moteur de son regard sur le monde. Mais il n'en demeure pas moins en lien avec l'actualité et notamment celle du photo-journalisme (Visa pour l'image).... Pourquoi regarder le monde ? Pourquoi créer tant d'images ? Pour dire quoi ? "Que voulez-vous dire du monde vous qui l'habitez ?" semble nous dire l'artiste... Puis, en malice, il pourrait vous lancer : "êtes-vous sûr d'avoir compris ?" 

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    Et compris quoi ? Regardez-vous, vous-même ! Au milieu de tout regard, il y a la subjectivité d'un individu... Qui donc êtes-vous ? Vous qui, au milieu du monde, croyez saisir l'instant ? L'instant de quelque chose ? de quoi ? Décortiquez... Enlevez chaque appareil, chaque objectif... Revenez au coeur du sujet : les impressions de sensation, les désordres... pouvons-nous être objectifs dans un monde en mouvement ? L'impermanence peut-elle se saisir, se figer ? 

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    En creux, il y a du Epictète dans l'oeuvre de Jean-Louis Bonafos : “ne sais-tu pas que la source de toutes les misères de l’homme, ce n’est pas la mort, mais la crainte de la mort ?”...

    Passez au coeur de la rue de la révolution, vous y découvrirez les oeuvres à ciel ouvert de Jean-Louis Bonafos, mais aussi de Roxanne (dont j'ai parlé dans un précédent article). Avant ou après les avoir rencontrer, entrer dans la Galerie Can Cago...

    Et surtout, été, comme hiver, en passant, ou en repassant, par la rue des Arts (si bien nommée rue de la Révolution), n'oubliez pas les mots de Cervantes "Garde toujours dans ta main la main de l'enfant que tu as été".

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    Pour plus de renseignements : 

    Galerie Can Cago

    2 rue de la révolution française
    66000 Perpignan
    Ouvert du lundi au samedi de 9h30 à 19h
    Mail: Can.cago.66@gmail.com