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Géopolitique(s)

  • Et si on questionnait la démocratie ?

    Dominique Motte, démocratie, Suisse, route d cela soie - éditions, essai, philosophie, idéesIci, j'ai déjà écrit sur la démocratie, sur l'utopie qui la sous-tend. Spinoza écrivait, avec justesse : "la démocratie est l’union des hommes en un tout qui a un droit souverain collectif sur tout ce qui est en son pouvoir".

    Bizarrement, nous vivons une époque où les moyens d'expression sont démultipliés, nous laissant penser que nos voix sont entendues pourtant le sentiment d'insatisfaction grandi. Comme le note Cynthia Fleury, les pathologies de la démocratie sont nombreuses. Il y a comme un paradoxe : quand on défend l'individualisme alors la démocratie s'éloigne. En d'autres termes, la démocratie ne peut pas être une somme d'individus isolés. Cependant elle doit garantir la liberté de tous ses membres.   

    C'est là que nous devons prendre conscience, comme le souligne Dominique Motte qu'il n'y aura pas de démocratie en France (ni ailleurs dans le monde) sans de fortes transformations sociales. Il est donc temps de questionner les entrailles même de la démocratie et de son fonctionnement. Dans un livre de 800 pages aux couleurs suisses, Dominique Motte, interroge le modèle démocratique suisse. Comme il le souligne dans un magnifique sous-titre "vous ne vivez pas en démocratie, et vous ne le savez pas..." Il est donc temps de prendre conscience  du fonctionnement suisse et de voir ce qu'il peut nous apporter. 

     

    Qu'est-ce la confédération suisse ?

    La Confédération suisse a été fondée en 1291. Elle est l’aboutissement d’un processus de rapprochement entre des cantons, différenciés les uns des autres par leurs langues puis par leurs religions, mais unis dans leur opposition à des voisins puissants. État fédéral depuis 1848, sa structure constitue un modèle singulier, considéré comme la clé du succès national. Sa politique interne se caractérise par la recherche du consensus dans les affaires communes. La nature des institutions politiques du pays souligne cette volonté de prévenir les tensions internes : les singularités locales sont défendues par un fédéralisme garantissant d’importantes prérogatives aux 26 cantons. Il s’agit d’un système politique à trois niveaux : la Confédération, les cantons et les communes.

     

    La démocratie selon la Suisse

    L'intérêt du livre de Dominique Motte c'est que nous pouvons choisir de poser notre regard sur un ensemble de mots, de principes de façon précise. Donc si nous regardons au mot "Démocratie", nous trouvons l'explication de la "démocratie directe" : "Le peuple prend part aux décisions politiques du pays par le droit de vote, mais il peut également soumettre ses idées et modifier des lois par l’initiative populaire, le référendum facultatif et le référendum obligatoire (obligation de soumettre à une votation, mais le peuple n'a pas d'obligation de voter (sauf dans le canton de Schaffhouse). Ce système fonctionne donc à tous les niveaux fédéral, cantonal et communal" (p. 197)

    Dans ce système tout repose sur le référendum. Mais ce n'est pas un référendum une fois tous les siècles, bien au contraire puisque les citoyens sont invités à proposer des questions, des problèmes à résoudre. "Le référendum facultatif permet aux citoyens de demander qu’une loi votée par l’Assemblée fédérale soit soumise au vote populaire. 50 000 signatures doivent être récoltées dans les 100 jours qui suivent la publication de la loi pour passer devant le peuple" (p.608)

     

    Le référendum en Suisse 

    L'une des plus grande transformation sociétale que la France doit connaître c'est celle de la participation de la population aux prises de décision. Et il est évident que regarder le fonctionnement suisse en la matière est très éclairant. 

    "Le référendum se divise en 2 catégories distinctes : le référendum facultatif et le référendum obligatoire. Le référendum facultatif est une démarche populaire ; il faut récolter 50 000 signatures en 100 jours pour se prononcer sur des décisions du Parlement. Le référendum obligatoire est une démarche du Parlement ; c’est une obligation de soumettre au vote certaines des décisions prises par ce dernier" (p.608). 

    Je ne reviens pas sur le référendum facultatif évoqué plus faut. Le référendum obligatoire concernent certains actes votés par le Parlement, notamment les révisions de la Constitution, sont obligatoirement soumis au vote du peuple et des cantons ; les révisions de la Constitution n’entrent en vigueur que si la majorité du peuple et des cantons les acceptent en votation (cf. Art. 140 de la Constitution fédérale - Actes soumis au vote (référendum obligatoire) )

    Dominique Motte nous invite ainsi à questionner les mots clefs de notre époque, (y compris le "Covid-19") en fonction de nos envies, de nos réflexions. À la fin de son ouvrage, tous les lecteurs sont invités à répondre à un questionnaire qui nous permet de mesurer notre "indice démocratique". C'est un outil pertinent particulièrement au moment des élections françaises. 

    Le livre vient renforcer un dispositif plus intuitif qui est son site swiss-poc.ch. Chaque jour, vous pouvez questionner l'histoire Suisse, son fonctionnement démocratique sur des grands thèmes.  Ce site est mis à jour régulièrement pour suivre les avancées législatives, les débats. C'est un travail titanesque. 

    En ces temps de déploiements autoritaires, ce projet de Dominique Motte ne peut que me séduire tant il nous place au coeur même de la démocratie à savoir son expérimentation collective.

    Un livre doublé d'une expérimentation permanente qui nous plonge dans le processus, dans la remises à plat d'un système et nous permet d'interroger notre conception même de la démocratie.  Conclure est impossible tant je devrais rechercher, confronter tous les mots, mais je veux souligner cette incroyable exploration qui nous permet de questionner avec joies les failles de notre système et découvrir qu'autre chose est bien possible et surtout réalisable. Je prends pour finir ce bref article une judicieuse citation placée au début du livre "le plus grand danger pour la démocratie est de croire qu'elle est acquise" Wolfgang Schäuble (2018).

    Dominique Motte, livre, essai, démocratie, suisse, transformation sociale, la route de la soie- editions

  • Pourquoi faut-il relayer l’appel à la solidarité avec les victimes de viols en RDCongo ?

    À l’initiative de l’Alliance des Femmes pour la Démocratie et des éditions des femmes-Antoinette Fouque  un appel à la solidarité internationale avec les victimes de viols en RDCongo a été lancé.  

    Alliance des femmes, éditions des femmes

    Ce qui est fascinant dans cet espace numérique qui va trop vite, où une information chasse l’autre, c’est qu’immédiatement des voix ce sont élevées pour dire « mais il n’y a pas que là-bas qu’il y a des victimes de viols ». Qui mieux que l’Alliance des femmes ou les Éditions des femmes ou encore l’AFFDU (que je représente) connaissons cette triste réalité ? Depuis des années, nous entendons, recueillons, défendons des témoignages des violences faites aux femmes, nous enseignons, partageons les consignes de défenses des femmes…  Rappelons que nous demeurons attentives aux chiffres alarmants en France puisque, en 2021, la France a connu une moyenne de 67 viols par jour…

    Mais là n’est pas la question. Il ne s’agit pas de jouer avec des échelles d’intensité, de douleurs, de drames. Cet appel est une alerte ! Les femmes d’où qu’elles soient ne sont pas des variables d’ajustement. 

     

    Pourquoi cet appel ? 

    La République démocratique du Congo (RDC) est le deuxième plus grand pays d'Afrique avec une population totale de 67,8 millions d'habitants, dont 51% de femmes et 48% de la population totale est âgée de moins de 15 ans. Nous pourrions dire avec de tels chiffres tout semble aller d’un point de vue démographique, enfin, comme je le signale dans mes interventions n’oublions pas de questionner le paradoxe de Simpson quand on nous présente des chiffres.  

    Et ces chiffres s’éclairent d’une toute autre façon quand on écoute et quand on lit le témoigne de Tatiana Mukanire Bandalire. Dans son livre intitulé Au-delà de nos larmes, elle livre son témoignage sur ce qu’elle a subi et sur toutes les violences subies par les femmes depuis 1996, année où la République démocratique du Congo (alors appelée Zaïre) bascule dans la guerre. Le viol est alors utilisé comme une arme de guerre, une arme de déshumanisation. 

    C’est seulement, depuis 2008, que le Conseil de sécurité des Nations Unies reconnaît le viol comme un crime de guerre et crime constitutif d’un génocide. Génocide, comme celui, oublié, de la province du Kivu, dans l'est de la République démocratique du Congo, car ne bénéficiant pas de la reconnaissance comme tel de la part de la communauté internationale. 

    Comment se reconstruire si la communauté internationale demeure dans le déni ? Où chercher des appuis ? Tatiana Mukanire Bandalire, coordinatrice nationale du Mouvement national des survivantes des violences sexuelles en RDC, le docteur Denis Mukwege, Prix Nobel de la Paix, avec d’autres, se battent sans relâche pour que cessent ces massacres. Deux choix pour ses femmes victimes de ces barbaries : se taire pour éviter d’être rejetées, ou parler au risque d’en perdre la vie. 

    Là on découvre tout l’intérêt de cet appel à la solidarité ! Donner à voir, à entendre toutes les voix de ces femmes si longtemps oubliées. Il s’agit de leur donner un porte-voix de soutenir leurs démarches de reconstruction. Comme le souligne  Tatiana Mukanire Bandalire « Nous avons en nous cette envie de vivre. Nous l’avons prouvé en nous battant pour notre survie, en nous accrochant à la vie. Nous avons été esclaves sexuelles, nous avons été enterrées vivantes quand nous ne pouvions plus satisfaire les besoins de nos ravisseurs. Nous avons été ligotées à un arbre au fond de la forêt. Nous avons été violées presque chaque heure. Nous avons perdu connaissance. Plusieurs fois, nous nous sommes crues mortes, mais au fond de nous subsistait l’espoir de respirer à nouveau et de revivre. »

     

    Signons, faisons circuler cet appel pour que plus aucune femme victime de viol ne soit assignée au seul silence. 

    Pour signer l'appel

  • Macron & la Chine

    Nous vivons un monde hautement paradoxal, où la vitesse de passage sur l’actualité nous fait trop vite oublier les évènements passés. L’actualité retenue par la presse française en ce moment, en dehors des voeux, c’est la visite d’Emmanuel Macron en Chine du 8 au 10 janvier 2018 (1).

    Que devons-nous retenir de cette annonce ?

    La première sans doute c’est la brièveté de cette visite en Chine. Deux jours pour comprendre l’immensité, la diversité, la force de la Chine, c’est impossible. Deux jours pour se saisir d’une philosophie de la durée. C’est incompréhensible.
    En France et dans le monde, Emmanuel Macron se présente comme « le maître les horloges »(2), mais en Chine il va découvrir qu’il n’est pas le maître du temps. En effet, si en France les annonces sont faites pour rester dans le monde des mots et n’avoir aucune portée collective ou temporelle, à l’inverse en Chine les objectifs sont énoncés clairement. Dans ses vœux XI Jinping a rappelé tous les efforts entrepris, il a aussi souligné : “Nous avons fait la promesse solennelle que la population défavorisée sorte de la pauvreté en 2020. Une promesse vaut mille pièces d’or. Il ne nous reste que trois ans avant 2020. Toute la société doit se mobiliser”.
    En Chine, personne ne doit être oublié sur le chemin du progrès, et les mots engagés ne le sont pas au niveau individuel ou simplement financier.

    La seconde ​chose que nous devrions retenir et que les médias français ne font pas ressortir, c’est qu’en Chine les enjeux sont collectifs et non individualistes. À nouveau, je rappelle les voeux de Xi Jinping : “nos acquis du développement reviennent à la population, et doivent lui profiter. Je sais que le peuple est préoccupé par divers problèmes, tels que l’éducation, l’emploi, les revenus, l’assurance sociale, les soins médicaux, les services aux personnes âgées, le logement et l’environnement. Les acquis sont nombreux, les soucis également. Notre travail pour le bien-être est encore long, ce qui nécessite de consolider le sens de notre devoir et de notre responsabilité, et de parachever le travail profitant à la population.
    La population est au coeur des préoccupations du gouvernement chinois, le bien-être, les objectifs à 2020 et à 2050 sont clairs et le chemin est tracé, il se poursuit, il se perpétue.

    La troisième ​chose que nous devons retenir de cette annonce, c’est ce qu’elle masque. Si on regarde les propos tenus par Emmanuel Macron lors de sa campagne électorale, alors nous devons nous souvenir que la Chine posait
    problème. En tant que ministre de l’économie, il voulait lui imposer des règles. Dans son programme de campagne, il écrit “la présidence de Donald Trump inquiète nos concitoyens et bouleverse les équilibres mondiaux, au profit de la Chine”. Attention aux mots employés où l’on voit clairement se dessiner non une amitié mais une guerre des législations, car si l’économie américaine continue de chuter l’Europe dépendante des États-Unis doit trouver d’autres partenaires.
    Un peu plus loin sur son site de campagne, il écrit : "la Chine est un acteur fondamental avec lequel la France et l’Europe doivent renforcer et équilibrer leurs relations dans les domaines sécuritaires, commerciaux et écologiques. Nous lancerons dans cet esprit avec nos partenaires européens une initiative globale pour négocier un accord transversal avec la Chine". Cette phrase est très intéressante, car on voit que l’on ne peut pas faire sans la Chine. La Chine est incontournable, il veut établir un partenariat en faveur de l’Europe. En réalité, l’Europe n’a jamais eu autant besoin de la Chine. À nouveau cela montre combien, il va s’engager sur le plan commercial et financier. Mais ce ne sera pas au profit de la population française et encore moins européenne.

    La quatrième chose à retenir est celle que les médias effacent ou soulignent comme étant de la “realpolitik” : sa rencontre avec le Dalaï-Lama "J'ai vu le visage de la bienveillance” écrit-il sur son compte twitter le 12 septembre 2016. Nous pourrions longuement argumenter sur le mot “bienveillance”...

    Enfin la cinquième chose à retenir est lié au contexte. Emmanuel Macron bénéficie du fait que l’Allemagne peine à trouver un gouvernement, que l’Italie ne peut s’affirmer... Donc il se proclame comme étant le porte-parole de l’Europe. Cependant, ce n’est pas la population européenne qui le met à cette place. Donc attention aux effets d’annonce.

    Comme je l’ai déjà écrit dans mon article intitulé Le sens de l’avenir (3), les médias occidentaux véhiculent une image négative de la Chine. Cette image passe par l’emploi de certains mots. Aujourd’hui l’annonce de cette visite fait rejaillir cela et l’opposition philosophique fondamentale entre deux pays, d’un côté une pensée de la durée (la Chine) de l’autre une pensée de l’instantanéité. Le paradoxe occidental consiste à avoir fait des mots, des pièges, des illusions où les imaginaires se précipitent, et où ils sont déchus tout aussi vite. Tout langage est écart de langage en occident.

  • Trump, la Chine et ses voisins

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    Ce matin a eu lieu la conférence Donald Trump face à la Chine. Rendez-vous pris au café Le Procope à Paris pour écouter et rencontrer notamment : Pascal Abb (chercheur au German Institute of Global and Area Studies), Emmanuel Dubois de Prisque (chercheur associé à l'Institut Thomas More), Yannick Mireur (directeur de Nexus Forum, politologue spécialiste des Etats-Unis) et Benoît de Tréglodé, (directeur de recherche à l'IRSEM). 

    Chacun a écrit un article dans le numéro 48 de la revue Monde Chinois. Dans l'éditorial co-signé Emmanuel Dubois de Prisque et Jean-Yves Heurtebise, il est indiqué "par coïncidence dont l'Histoire a le secret, le 9 janvier 2017, quelques jours avant l'investiture de Donald Trump décédait le philosophe juif polonais, naturalisé britannique, Zygmunt Bauman, qui dans son oeuvre démontra à quel point la société postmoderne qui est la nôtre est marquée par un brouillage de toutes les distinctions qui restaient fondatrices de la modernité". 

    Pour ma part, ce brouillage est très intéressant, car il est créatif. Il est comme le déséquilibre permanent de la marche. En ce sens, il nous fait revenir à ce que l'humanité a oublié d'elle-même : le nomadisme. 

    La revue se propose de résoudre une équation nouvelle "quel type d'influence l'administration de Trump pourra-t-elle exercer dans des pays situés dans la proximité immédiate de la Chine, où Pékin semble vouloir avancer ses pions de façon résolue, dans un contexte d'interrogations profondes sur la présence américaine ?"

    Ce sont en suite quinze articles qui sont proposés aux yeux du lecteur attentifs. Des articles pointus, longuement muris de recherches et de confrontations. Ce matin, quatre auteurs ont présenté les grandes lignas de leurs articles. Yannick Mireur propose une mise à plat explicite de la stratégie chinoise en mer de Chine afin de clarifier des enjeux commerciaux avec les Etats-Unis. Pascal Abb pose habilement la question de l'élection de Trump dans les yeux chinois. Résonne quelque part un "mais comment est-ce possible ?" Emmanuel Dubois de Prisque  propose un regard différent en partant de l'analyse de certains discours de Xi Jinping, il propose de s'interroger sur le côté législatif ancestral de la Chine. Cet aspect serait-il un empêchement pour la Chine d'avancer librement pour prendre la place de numéro un mondial ? Enfin Benoît de Tréglodé nous dessine la politique vietnamienne avec comme facteur la Chine. A-t-elle plusieurs possibilités ? Doit-elle valoriser ses échanges avec les États-Unis ou bien tenter un équilibre dangereux entre deux puissances ?  

    Evidemment, il ne faut pas résumer en une phrase ces interventions. Les articles proposent des éclaircissements sur une situation complexe. Chacun laisse la possibilité de s'interroger sur le rôle de l'Europe dans le futur équilibre du monde. 

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    Lors de la discussion, un invité soulève la question de la "critique" et pose comme équation que "la Chine n'aime pas être critiquée"... puis prend pour exemple des sujets du type "la censure, le Tibet, etc." et que "lors de sa visite, tous ses mails ont été lus"... 

    Nous sommes en France et à nouveau ces sujets...

    Pauvre pensée française... 

    Il est intéressant d'opposer déjà que l'ensemble de nos mails sont lus par Google, Facebook, etc. Que nos téléphones sont des espions formidables. Bref donc pas besoin d'être en Chine pour que nos messages soient vus. 

    Je vais ici davantage revenir à cette notion "d'esprit critique". Je ris, je ris, je ris... Sommes-nous capables de critiquer la France ou le pays d'où nous venons avec autant de force que lorsque nous évoquons la Chine ? 

    La réponse est non (voir mon article sur Shaoyo Liu)... 

    Pourquoi ? Car nous sommes, depuis notre tendre enfance, bercés dans une pensée occidentales. Celle-ci est faite d'hégémonie et donc de domination. Les occidentaux colonisent, dominent, domptent, imposent... Comme autour de cette table, finalement, les invités chinois n'ont pas pris la parole. Très peu, à la fin, certes. Mais reprenons, nous sommes, intolérants, voilà ce que nous sommes. Des donneurs de leçon. Je m'inclus, malgré moi, car j'appartiens à cette culture occidentale. Cette culture qui me limite, ferme mon regard. Cette culture dont je dois sans cesse repousser les limites pour voir autrement. 

    A chaque débat sur la Chine, il y a toujours cette crainte sous-jacente de la domination du monde par la Chine (voir mon article sur les craintes occidentales).

    C'est amusant, la Chine représente la plus vieille civilisation. Elle a tout vu, tout vécu, inventé mille techniques (que nous avons pillé par la suite)... et aujourd'hui, nous ne sommes pas capables de prendre des leçons de la Chine. A nouveau, au lieu d'écouter pour essayer de comprendre, d'appréhender, nous voulons imposer nos certitudes. Ne serions-nous pas devenus trop prétentieux ?

    Comment pouvons-nous croire que notre système de pensée est-il encore juste ? L'élection de Trump montre à quel point, nous sommes arrivés au bout de ce dernier. Il est à bout de souffle. Au lieu de nous asseoir pour en imaginer un de nouveau, nous souhaitons le poursuivre, le prolonger jusqu'à explosion complète de notre planète. Et le mieux, c'est que nous avons un coupable tout désigné en cas d'implosion de notre système : la Chine. 

    Cette pensée est bel et bien enracinée en tous les occidentaux. Le regard fixé contre l'ennemi. Là encore, j'insiste, nous devrions remercier Emmanuel Kant (pour sa leçon géographique de la philosophie), ou même les premiers jésuites venus en Chine pour la christianiser. Les difficultés qu'ils notèrent c'est qu'ils n'arrivaient pas à faire comprendre les concepts. Et oui, comment faire entendre une pensée enracinée à des esprits qui pensent mouvement, flux, système ?

    Des siècles plus tard, nous retrouvons les mêmes barrières. Les mêmes schémas mentaux. Sauf que comme à son habitude, la Chine écoute, cherche à intégrer, pendant que les occidentaux cherchent à imposer, un rythme, une pensée. D'un côté la Chine embrasse, pendant que l'Occident oriente, ferme, segmente. 

    Parler de la Chine c'est subsumer 56 ethnies, un territoire immense, varié. Donc, ne devrions-nous pas ouvrir nos yeux, nos oreilles et apprendre ? Pouvons-nous seulement appréhender une telle diversité ? 

    Pour qu'il y ait équilibre du monde, nous devons apprendre à voir autrement. A saisir le monde de façon plus poétique (dans le sens de son mouvement). Le monde est organique, vivant, mouvant...Il suffit de s'intéresser quelque peu à l'histoire de l'écriture chinoise, pour voir que la Chine l'a bien compris.

    Voilà ce que je retiens de cette rencontre : à nouveau notre rationalité doit être interrogée. Nous devons reconnaître les limites de notre culture, analyser nos propres défaillances. Ce n'est qu'à ce prix, que nous pourrons inventer un nouveau système inclusif, coxistentiel. Notre société ne sera réellement post-moderne que si nous acceptons de sortir de la modernité en re-formatant les lumières. 

     

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    Pour vous procurer la revue, rendez-vous sur le site des Éditions EKSA!