Le pari chinois de la paix : pour une gouvernance mondiale fondée sur le dialogue
Et si nous écoutions enfin ce que la Chine a à dire ? Non pas pour l’approuver, mais pour comprendre. Non pas pour la contredire, mais pour dialoguer. Non pas pour la craindre, mais pour imaginer ensemble un monde autrement gouverné.
Dans un monde saturé de récits anxiogènes et de postures belliqueuses, le livre Gouvernance mondiale : ce que dit la Chine (La Route de la Soie – Éditions, mai 2025) prend le contre-pied absolu. Il ne hurle pas, il n’invective pas, il n’érige pas de murs. Il écoute, expose, tisse. Il donne à lire, pour la première fois en France, une pluralité de voix chinoises sur les défis planétaires. Oui, une pluralité : car la Chine ne parle pas d’une seule voix, mais en polyphonie responsable.
Ce recueil, fruit d’un partenariat inédit avec l’Academy of Contemporary China and World Studies (ACCWS), rassemble les contributions d’intellectuels de haut rang : économistes, diplomates, juristes, stratèges. Ensemble, ils affirment une conviction profonde : il n’y aura ni paix durable, ni stabilité mondiale, sans dialogue sincère entre les civilisations. C’est là l’axe central du projet chinois de gouvernance mondiale.
Contre l’unilatéralisme, la responsabilité partagée
Dans un monde fragmenté par les crises et les logiques de bloc, où les élans de solidarité sont souvent absorbés par la gravité des intérêts géopolitiques, ce livre prend position : il faut renouer avec le multilatéralisme, non comme posture, mais comme architecture. Loin de tout angélisme, il dénonce la paralysie de l’OMC, le recul de la coopération technologique, les dérives de la militarisation des normes. Mais il ne se contente pas de constater : il propose, articule, structure une pensée alternative du monde.
Cette pensée n’est ni naïve ni idéologique. Elle rappelle que la paix ne se décrète pas par la force, qu’elle ne s’impose pas par les sanctions, qu’elle ne naît pas dans l’ombre des bombes intelligentes. La paix, selon la tradition chinoise évoquée dans plusieurs textes, est un processus, une dynamique, une quête. Elle exige le respect mutuel, l’interdépendance assumée, la confiance tissée. Elle suppose de sortir de l’obsession du "gagnant-perdant" pour entrer dans une logique de "bénéfices mutuels", concept récurrent dans l’ouvrage.
Le socle de la stabilité : écouter l’Autre
L’une des forces de ce livre est sa capacité à conjuguer lucidité politique et profondeur civilisationnelle. On y croise des analyses fines sur les fragilités du système financier mondial, sur l’innovation technologique comme levier de coopération plutôt que d’exclusion, ou encore sur la transformation numérique comme espace d’une nouvelle fracture ou d’une nouvelle promesse.
Mais derrière les chiffres, les concepts et les stratégies, transparaît une philosophie politique enracinée dans la longue durée : celle d’une civilisation qui a appris que le conflit mène rarement à l’éveil, et que l’ordre n’est pas une imposition mais une harmonie. La gouvernance mondiale, dans cette perspective, n’est pas un simple "rééquilibrage" du pouvoir — c’est une refondation des liens.
Le dialogue n’y est pas ornemental : il est fondamental. Car sans compréhension mutuelle, il ne peut y avoir de paix ; sans paix, aucun développement n’est soutenable ; sans développement, la stabilité n’est qu’un mirage.
Rebâtir un avenir pensable
Ce livre n’impose rien. Il invite à penser. Et cela, dans un monde saturé de certitudes criardes, est déjà un acte de résistance. Il rappelle que gouverner le monde ne peut se faire dans la langue unique d’un empire déclinant. Que les routes de la parole, comme autrefois celles de la soie, doivent être empruntées dans les deux sens.
À celles et ceux qui veulent bâtir un monde de justice, de coopération, de paix réelle – pas celle des vainqueurs, mais celle des vivants – ce livre tend une main. Il ne demande pas l’adhésion. Il appelle à la lecture.
Et dans les pages les plus fortes de ce volume, on entend résonner une vérité simple, tissée de philosophie ancienne et d’urgences contemporaines : la guerre est une défaite de l’imagination.
Il est temps d’imaginer autrement.