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Lecture(s) indispensable(s) - Page 7

  • Laurent Mauduit : Main basse sur l'information

     

    médias,manipulation,finance,indépendanceDepuis que j'ai commencé à travailler sur le langage, il y a bien longtemps en arborant fièrement un t-shirt avec des phrases de Samuel Beckett en seconde année de fac, ou encore dès le lycée en écoutant les conneries de mes camarades. Bref, j'ai attendu bien longtemps un livre comme celui-là. 

    Après le livre d'Ingrid Riocreux, je suis dans mon mois de lectures chanceuses. C'est vrai ! Enfin tout le monde s'y met, l'armure de la médiation se craquelle, les langues se délient.

    Et si concernant l'essai d'Ingrid Riocreux je partage bon nombre d'analyse, je dois faire remarquer que le consentement ne se fabrique plus. Il s'entretient. C'est fini, l'accès au mass média, à la culture de masse qui redemande des "ça pleut" ou des "télé-réalités où Nelson Mandela se confond avec un acteur américain", prolongent le consentement. On ne se demande plus "si on doit accepter les conditions d'utilisation de son smartphone". Cela commence là... 

    Bref, revenons au livre fabuleux de Laurent Mauduit. Hier, je ne l'ai pas lâché, je l'ai lu d'une phrase à l'autre en soulignant les passages truculents... Et il y en a tellement que j'ai eu la nausée. La nausée de ce monde que j'ai vu arriver, contre lequel je bataillais avec mes mots, choisissant constamment l'indépendance et son prix à payer : la précarité. 

    Qui détient les lignes téléphoniques, détient l'information ! En cours j'ai toujours dit aux étudiants qui détient l'information est le roi... Cela signifie aujourd'hui, comme évoqué dans l'article sur l'indépendance des médias, que tout média est possédé. Le terme possédé est ici très intéressant. 

    Qui possède le média, dénonce sa ligne éditoriale, change les équipes, balance des bons mots sur des livres à défendre (normal, ils appartiennent au même groupe)...

    Laurent Maudit me livre ici le complément d'information qu'il me manquait. L'ancrage dans l'histoire de la finance. Comme il le souligne à propos de Patrick Drahi (SFR) "Mais quiconque cherche à démêler l'invraisemblable lacis de holdings, groupes, sociétés, filiales ou sous-filiales de l'empire Drahi se perd dans un organigramme d'une infinie complexité, qui passe par d'innombrables pays et paradis fiscaux, et qui fait l'objet d'incessantes modifications" (Cf. p. 117).

    Pour moi c'est exactement cela, mais je n'ai jamais regardé à quel point tout n'est qu'entrelacs. Pourtant, j'aurais dû m'y pencher dès que j'ai mis un pied au secrétariat de la rédaction de l'Humanité. Simple remplaçante, mais tout était déjà visible. Le jeu des cartes déjà abattues. J'avais mis cela sur le compte de mon idéalisme, de ma jeunesse "rebelle"... 

    Mais que dire de Pierre Bergé au Monde ? "Tout le naufrage d journal est contenu dans ce pied de nez de l'histoire : Le Monde croqué par celui dont il a révélé jadis les manigances financières"(Cf. 240)

    Un peu plus loin Laurent Mauduit nous révèle les jeux d'influence de Matthieu Pigasse, Alain Minc, DSK, Xavier Niel et de tout ce petit monde de Euro-RSCG (Havas)... N'oublions pas Anne Hommel au milieu de cet univers. N'oublions pas non plus que souvent leur plume est Gilles Finchelstein (directeur de la Fondation Jean-Jaurès - dont le but consiste à « favoriser l’étude du mouvement ouvrier et du socialisme international, de promouvoir les idéaux démocratiques et humanistes par le débat d’idées et la recherche, de contribuer à la connaissance de l’homme et de son environnement, de mener des actions de coopération économique, culturelle et politique concourant à l’essor du pluralisme et de la démocratie dans le monde »). 

    Cette bonne blague !

    Et puis, évidemment, arrive dans quelques pages le chouchou des médias. Le "jeune loup", vous ne voyez toujours pas, attention, il porte rarement des cravates et est "en marche"... Et oui tout ne serait pas parfait sans cet autre banquier : Emmanuel Macron. 

    Le livre de Laurent Mauduit est plein de belles histoires nauséabondes à souhait. Mais son travail ne serait pas parfait s'il ne citait pas des auteurs qui ont fait l'histoire. De Hugo, à Blum en passant par Jaurès et cette phrase de Mirabeau "mais je soutiens que l'existence d'un bon livre ne doit pas plus être compromise que celle d'un bon citoyen ; l'une est aussi respectable que l'autre ; et l'on doit craindre également d'y attenter. Tuer un homme, c'est détruire une créature raisonnable, mais étouffer un bon livre, c'est tuer la raison elle-même" (Cf. p. 310).

    Il nous rappelle un peu plus loin que le même Robespierre (qui avait déclaré "la Liberté de la presse doit être entière et indéfinie, ou elle n'existe pas. Je ne vois que deux moyens de la modifier : l'un d'en assujettir l'usage à de certaines restrictions et à de certaines formalités, l'autre d'en réprimer l'abus par des lois pénales ; l'un et l'autre de ces deux objets exigent la plus sérieuse attention" (Cf. p. 316)) amende ses propres convictions le 19 avril 1793 en rétablissant la censure...

    Une respiration avec cette citation de Victor Hugo "permettez-moi, messieurs, en terminant ce peu de paroles, de déposer dans vos consciences une pensée qui, je le déclare, devrait selon moi dominer cette discussion : c'est que le principe de la liberté de la presse n'est pas moins essentiel, n'est pas moins sacré que le principe du suffrage universel" (Cf. p.319).

    Cet document fera date, c'est un travail minutieux. Je ne partage malheureusement pas sa conclusion optimiste, les rassemblements de journalistes, les nouvelles formes de résistances... Non... L'heure est malheureusement à l'écrasement des consciences, à l'oppression encore plus grande, au prolongement du consentement... Avant la refonte des médias, avant le réveil des plumes engagées, il y aura un long moment d'asservissement moderne. Un esclavage qui ne dit pas non nom : celui des esprits.

     

     

  • Ingrid Riocreux : La langue des médias

    Langue, médias, manipulation, consentement, obéissance, influence, opinion, foule« La désinformation n’est pas l’objet du présent ouvrage : ce qui compte pour nous, c’est la manière dont le Journaliste met en scène le réel pour qu’il entre dans les cases préconçues de sa pensée. Il regarde le monde avec des lunettes qui le lui montrent tel qu’il veut le voir ».

     

    Avant de commencer, je dis MERCI. Voilà un ouvrage que j'attendais depuis fort longtemps. Il complète mes recherches et mes démarches. 

    Survivre aujourd'hui face au délitement des opinions réelles, survivre face à la quête des Pokémon de l'information. 

    Ingrid Riocreux a pris de nombreuses notes devant des émissions de télévision ou en écoutant la radio. Mais pourquoi me direz-vous ? C'est simple, vous entendez cette langue devenue si banale ? La langue des médias, sans vous apercevoir elle vous dicte vos comportements, vos compréhensions du monde, l'effet de sidération c'est elle, vos colères, vos déceptions aussi. J'exagère juste un peu. Mais reprenons, et délectons-nous : le mécanisme est simple. Prenons le mot "migrant" ce mot n'est jamais défini... Pourtant il s'agit de personne, d'être humain. Tel que l'on nous présente les informations aujourd'hui, nous avons l'impression de voir des zombies passés d'un endroit à un autre. Des personnes sans papier, en situation irrégulière cela a un nom des "clandestins". Aïe. Mais si on recherche un peu le mot "migrant" se trouve catégoriser et même subdiviser en sous-catégories 'migrant régulier' - 'migrant forcé'... Etc. Mais bon il est vrai que les titres de journaux seraient plus compliqués à trouver si on commençait à bien circonscrire un fait ou un lieu. Nous pourrions prendre l'exemple de Mossoul (cette ville n'est que très rarement située - la plupart des gens pense qu'elle est en Syrie or elle est bien en Irak).

    Attention bientôt, je vais être traitée de "-phobe" (homophobe, islamophobe, etc.), ah non encore mieux de complotiste (celui-là depuis le début c'est mon préféré).

    Comme je le répète depuis des années, un mot c'est un mot. Plus on a de mots et plus notre univers est vaste. Ce n'est pas pour rien que Duras avait écrit que si elle devait aller en prison, elle emporterait avec elle un dictionnaire. 

    Mais revenons au fabuleux travail de recherche de Ingrid Rriocreux. Car il est plus que facile d'afficher l’inculture générale des journalistes, de leur maniement plus qu’approximatif de la langue française, de leur attitude inquisitoriale à l’égard de leurs « invités » lorsque ceux-ci essayent de démontrer les idées reçues et leur art consommé du mensonge et de la désinformation.

    L'auteur démontre avec force qu'au-delà des imperfections de langage qui ne sont que le reflet de l’abaissement général du système éducatif, les Journalistes sont au service d’une idéologie, celle de la pensée dominante. Ils sont « les gardiens du Code ». Et pour cela, elle fait usage d'une très belle image : celle de Winston de 1984 de Gorge Orwell. Comme elle l'écrit "on ne s'intéresse guère à la similitude entre le travail de nos journalistes et le métier de Winston, le personnage principal dans ce roman : il travaille au Commissariat aux archives du Ministère de la Vérité. Sa tâche consiste à "rectifier" des informations anciennes afin qu'elles correspondent aux vérités nouvelles. Les ennemis d'hier sont devenus des amis, il convient donc de "corriger" les articles de journaux qui justifiaient la guerre contre cet ennemi."

    Tel est le métier des journalistes. La Vérité change avec le vent (comme déjà dit ici les vents sont soufflés par des actionnaires, ou des lobbys, etc.). Attention, n'allez pas me traiter à nouveau d'amoureuse des complots. Je vais le dire une fois pour toute. Le complot c'est trop facile, trop évident... Il faut comprendre que le pigiste qui est là pour défendre sa place, ne va pas rechigner à changer son angle, à arrondir ses axes de réflexion. Il en va de même à tous les niveaux. 

    Ingrid Riocreux affirme que les journalistes sont eux-mêmes manipulés par des forces qui les dépassent. Il faut trouver l'équilibre entre les annonceurs qui apportent la manne publicitaire, les grands groupes financiers et économiques qui possèdent une bonne partie de la presse écrite et audiovisuelle, l’Etat sont des acteurs avec lesquels il faut compter, et qui véhiculent l’idéologie libérale-libertaire elle-même au cœur de la pensée dominante. 

    C'est au travers de tout ce prisme que naît cette langue des médias, véritable mise en scène du réel, qui va de proche en proche conduire l’auditeur ou le téléspectateur à se persuader que « c’est vrai puisqu’ils l’ont dit à la télé ».

    La dernière phrase de cet essai est un régal, un délice... je vous la livre brute : "le système qui, par son oeuvre éducatrice (scolaire et médiatique), se targuait d'engendrer des personnes libres et responsables, pétries des idéaux les plus nobles, s'écroulera donc sous les coups de ce qu'il a lui-même produit, en réalité : un gibier de dictature". 

    Evidemment, j'aurais aimé continuer le dialogue avec cet essai, et le prolonger dans une distinction entre le langage et la langue. Une langue n'est que le prolongement d'un langage (qui lui comprend le corps, l'environnement social)... Mais une chose est sûre, c'est que le système en place produit une dictature qui ne dit pas son nom et des êtres qui, même en colère, restent obéissants ou plus exactement soumis à des normes restreintes. 

    Pour moi, le langage des médias n'est désormais plus qu'un rouage, d'un mécanisme plus large, qui fonctionne en écho ou en écosystème avec les nouvelles technologies. La création de la cybernétique de Norbert Wiener est fondée sur ce pilotage (comme son nom l'indique). Il avait clairement écrit dans son essai éponyme qu'il s'agissait de piloter les esprits... Quoi de mieux que la répétition des messages ? Et lorsque l'on regarde de plus près on découvre les fabuleuses machinations d'Edward Louis Bernays : "La manipulation consciente, intelligente, des opinions et des habitudes organisées des masses joue un rôle important dans une société démocratique. Ceux qui manipulent ce mécanisme social imperceptible forment un gouvernement invisible qui dirige véritablement le pays" (Cf. Propaganda, p.31).  

     

  • Pascal Ordonneau : "La désillusion / Abécédaire décalé de la banque et de la finance"

    finance,pascal ordonneau,livre,abécédaire,analyseQuelle drôle d'idée que cet ouvrage. Revenir sur ce livre, c'est important car c'est un document qui pèse lourd. D'abord c'est un livre de plus de 1000 pages. Mais rassurez-vous son auteur s'amuse des mots de la finance et de la banque. Il joue sur leurs histoires. Ancien banquier, ancien financier, il nous livre ici les mots, leurs trahisons dans un monde qui semble nous gouverner. Un monde dans un monde.

    Pascal Ordonneau semble nous dire "bienvenue dans mon jargon". Venez donc comprendre des mots d'un monde dit "affreux" qui souffre d'une notoriété assez mauvaise... Qui ne pense pas au trader fou et drogué ?

    Au travers de 365 entrées, allant par un curieux hasard du fameux AAA (pour la lettre A) à Zone euro (pour la lettre Z), l'abécédaire de Pascal Ordonneau revisite les termes de la finance, en y apportant des éclairages teintés d'humour, souvent en lien direct avec l'actualité économique. 

    Publié au fil des jours dans les colonnes des Echos.fr, ce dictionnaire est un projet pharaonique. Mais c'est aussi de l'aveu même de son auteur "un vieux projet, celui de commenter, exposer les mots de la Banque et de la Finance, ne pas taire les réflexions critiques sur la Banque et la Finance et quelques plaisanteries aussi. Parfois, il vaut mieux en rire ". 

    Comme tout joueur de mots, Pascal Ordonneau, nous fait rire au fil des histoires, au fil de sa vision décomplexée. Avec lui on accepte plus facilement de rires et de rêver à un changement de paradigme. Et si la Finance était à la portée de tous ? C'est simple il suffit de se saisir des définitions et d'en rêver d'autres... Ce livre est la pierre de touche de tout changement... Foncez... Cliquez ici !