Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

genre

  • Questionnons le(s) "genre(s)"...

    Genre, féminisme, droit des femmes, égalité, LGTBQI, trans, homosexualité, droit des femmes, AFFDU, DiplôméesLa Revue Diplômées est une revue de l’Association Française des Femmes Diplômées des Universités (AFFDU). Revue scientifique à comité de rédaction, elle a pour vocation de promouvoir la recherche et la visibilité des femmes chercheuses en Europe.

    Une fois cela posé, il nous faut nous demander pourquoi ce numéro de la revue Diplômées est un indispensable... voire même un incontournable. 

    Pourquoi un tel thème pour ce numéro ? L’Association, en 2020, a eu cent ans et deux numéros nous ont permis d’aborder l’histoire des femmes avec les Pionnières (n°270-271) puis avec le numéro 100 ans de luttes pour l’égalité (n°272-273). Mais au fur et à mesure de la constitution de ces numéros ainsi que du suivant sur les Passions (n°274-275), nous nous sommes retrouvé.e.s face à un océan de nouveaux questionnements autour  du « genre » et de ses intersections pluridisciplinaires. 

    Raisons pour lesquelles, nous faisons aujourd’hui un numéro autour du « genre ». Comme champ de recherche, on évoque les « études de genre » (traduction littérale de l’anglais gender studies). Ces études se définissent de façon très large comme « l’ensemble des recherches qui prennent pour objet les femmes et les hommes, le féminin et le masculin ». 

    Mais que faut-il entendre par cet ensemble de recherches ? Sommes-nous en quête de la compréhension de comment le « genre » se forme, se caractérise puis s’encre définitivement dans la structure psychique individuelle et/ou collective ? 

    Le concept de genre aurait-il été construit pour étudier la façon dont « nos » sociétés pensent, organisent, arrangent, hiérarchisent la différenciation des sexes ? Est-ce aussi questionner les normalisations des comportements sexuels ?

    Nous le voyons « le genre » interroge les catégories de femmes, d’hommes, de sexe, de sexualité, d’intersexuation, de féminin, de masculin, de féminité, de masculinité. Le genre les regarde comme des constructions sociales. Pour répondre à nos interrogations sur le genre nous devons donc convoquer l’ensemble des disciplines en sciences humaines et sociales mais également les sciences du vivant, l’architecture, la politique, la géographie. 

    Dans l’Introduction aux études de genre, on peut découvrir que ce concept de « genre » repose sur quatre dimensions fondamentales.

    La première dimension est une évidence : le genre est une construction sociale. Une attribution qui nous plonge dans des habitudes mentales et sociétales telles qu’il est souvent difficile de les déconstruire.

    La deuxième dimension pose le genre comme un processus relationnel. Ici nous pourrions penser aux travaux de Christine Delphy (cf. L’ennemi principal). Elle proposait une approche des relations hommes/femmes en termes de rapports sociaux de production – un féminisme matérialiste.

    La troisième dimension fait du genre un rapport de pouvoir. Cette dimension serait-elle mise en évidence par les « Queer studies » ? Marie-Hélène Bourcier qui traduit littéralement « Queer » par « ordure, taré, anormal, gouine, trou du cul, malsain, vraiment bizarre » (cf. Queer Zone, éd. Balland, 2001). Pour sortir de ce rapport de pouvoir Marie-Hélène Bourcier propose une boîte à outils qui n’est pas purement universitaire, au sens traditionnel du terme, puisqu’il y a dedans « le cul ».  

    Et c’est là que nous pouvons prendre conscience que la question du genre s’imbrique dans d’autres rapports de pouvoir. 

    Quatrième dimension du genre, cette imbrication dans tous les états de nos vies sociales. Là nous devons prendre conscience que le genre est relié aux enjeux de pouvoirs liés au sexe, aux identités sexuées et aux sexualités. Nécessairement questionner le genre c’est mettre en évidence des formes d’inégalités et de discriminations.

    Autant de questions auxquelles nous souhaiterions vous inviter à investiguer. Quel que soit votre champ de recherche, questionnons ensemble « le genre » dans tous ses états…

     

    Ont participé à ce numéro : Nicole Mosconi, Marie Buscatto, Yanick Ripa, Sonia Bressler, Véronique Perry, Annie Crépin, Claire Viennet, Corinne M. Belliard, Nicole Fouché & Évelyne Nakache, Anne-Sophie Coppin & Émilie Gapaillard, Maude Delabarre, Evelyn Campos Acosta, Chantal Morley et Carmen Gordon-Nogales, Mérabha Benchikh, Natacha Quiniou, Isis Castaneda et Daniela Jacob, Claude Mesmin, Isabelle Béné, Alex.ia Tamécylia.

    Genre, féminisme, droit des femmes, égalité, LGTBQI, trans, homosexualité, droit des femmes, AFFDU, Diplômées

     

  • Le corps situé en réponse à Pascal Engel

    egalité,philosophie,sexe,femme,corps,pensée,identité,genre

    Une fois n'est pas coutume, je vais répondre "à chaud" à un article... Pas n'importe lequel, celui de Pascal Engel paru sur le site de Libération le 6 novembre à 16h41, intitulé "le fantôme d'une philosophe". 

    Où étais-je donc à cette heure, ce jour ? Sans doute au coeur d'une salle de classe pour narrer une problématique bien particulière à des étudiants médusés : "qu'est-ce que la violence ?"

    En faisant des recherches, il n'est pas difficile de tomber sur la définition donnée par l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) de la violence. Elle se définit comme "l'utilisation intentionnelle de la force physique, de menaces à l’encontre des autres ou de soi-même, contre un groupe ou une communauté, qui entraîne ou risque fortement d'entraîner un traumatisme, des dommages psychologiques, des problèmes de développement ou un décès". Là, il n'est fait mention que de "force physique". 

    Poursuivons, selon l’Article 1112 du Code civil : « Il y a violence, lorsqu'elle est de nature à faire impression sur une personne raisonnable, et qu'elle peut lui inspirer la crainte d'exposer sa personne ou sa fortune à un mal considérable et présent ».

    Ici dans ce qui constitue "notre" Code Civil (soit le ciment de notre société), il est bien mentionné "qu'il y a violence lorsqu'elle est de nature à faire impression sur une personne raisonnable"

    Pourquoi faire un si un grand détour avant de considérer votre texte en lui-même ? Sans doute parce que je suis pour la "pensée située". Une pensée située ne se résume pas à une géographie ou une cartographie dessinable et/ou dessinante. Elle part d'un corps (mince celui-ci est rattaché à un sexe, mais en même temps bien que de sexe féminin, je peux me considérer comme un homme, mince encore, nous pouvons parler d'identité glissante - certains parlent encore de "genre" - mais c'est dépassé tout cela - notamment avec les progrès technologiques).

    Donc à loisir j'écris, je pense à partir de ce corps qui peut être un tremplin mais aussi et  souvent un empêchement (la contrainte de la fatigue, par exemple). Mon écriture est située dans mon rapport au monde (Merleau-Ponty). Elle est même prise dans ses habitudes (Bergson).

    Le point aveugle, dont parle si bien Merleau-Ponty, ne serait-il pas justement le corps, ou encore plus précisément, le sexe des philosophes ? Ne répétons-nous pas à loisir que Simone de Beauvoir est arrivée seconde à l'agrégation de philosophie derrière Jean-Paul Sartre ? Pourquoi donc cette précision ? Ne serait-ce pas parce qu'il s'agit d'une femme ?

    Revenons à la notion de violence. Selon Aristote, il y a violence quand on contrarie la force naturelle d’une chose. Si donc nous admettons qu’il est naturel à l’humain de se déterminer lui-même, il y a violence dès qu’on use de contrainte sur autrui pour infléchir sa volonté. Voyez-vous où je veux en venir ?

    Non ? Je vais vous aider en vous citant "j’étais heureux de retourner à Cambridge. J’aurais aimé loger à Trinity, mais on ne m’avait trouvé de chambre qu’à Girton College, le premier collège, en 1871, à avoir accueilli des femmes". En théorie de la communication, nous dirions que vous plantez ainsi le décor de votre crédibilité. Je traduis : "je suis un homme" " je suis invité à Cambridge" (soit pas n'importe où) "je suis donc important", et en plus je vais vous parler "histoire des femmes"... Cependant ici je vous remémore Samuel Beckett "tout langage est écart de langage"... La crédibilité dans la communication est parfaitement réversible. N'oubliez pas la rétroaction de Norbert Wiener (dont l'enjeu consiste à justement piloter les esprits). 

    Vous dites "Ma chambre était un peu vétuste, mais confortable. Vers minuit, les boiseries se mirent à craquer, et j’entendis des pas. Or j’étais ce soir-là, censément, le seul hôte". Là cela me remémore les contes fantastiques de Théophile Gautier, où un petit grincement nous fait entrer dans un décor où le fantastique vient rencontrer le réel du lecteur. 

    Vous écrivez : "une forme blanchâtre se profila. Une dame très digne, imposante, parut. «Je suis Susan Stebbing, dit-elle. Je suis morte en 1943. J’ai fait mes études dans ce collège.» Auriez-vous ici l'amabilité de me dire ce que signifie pour vous "une dame très digne, imposante" ? Voulez-vous parler du physique de Susan Stebbing ? L'auriez-vous fait pour le fantôme de Charles Sanders Peirce ? Faisons une traduction "un homme très digne, imposant, avec sa grande barbe"....

    Vous êtes-vous demandé, un seul instant, pourquoi avoir eu besoin de faire parler le fantôme d'une philosophe en lieu et place de votre argumentation personnelle ? 

    Enfin vous dites "Contrôlant mon effroi face à ce visage qui portait des ans l’irréparable outrage, je posai une question stupide : «Mais pourquoi revenir ?» - «Je serais mieux dans ma tombe, en effet, mais tant qu’on ne m’aura pas rendu justice, je serai là.» 

    N'est-ce pas l'inverse, êtes-vous sûr de contrôler votre "effroi" ? La tournure théâtrale de votre phrase, laisse à entendre que vous n'êtes pas sûr de vous sur ce point. Qui le serait face à un fantôme ? Mais ne s'agit-il pas davantage de l'effroi d'un philosophe face à une tribune de femmes philosophes ? Face à des femmes qui rappellent que le "langage" (le logos) est essentiellement dominé par les hommes depuis la nuit des temps. Nul besoin de relire l'histoire de la philosophie pour le comprendre. Partons de Platon, Aristote... et jouons à mots cachés, couverts, dressons ensemble des arbres de vérité pour nous amuser de la logique située de la philosophie. Relisez Marija Gimbutas juste pour le plaisir !  

    Combien de femmes étudiées tout au long de mon cursus ? Aucune ! Paradoxalement j'ai eu les plus grandes professeures de philosophie devant moi pendant des années ! Dans leurs notices bibliographiques, elles ne mentionnaient même pas leurs propres ouvrages. En avaient-elles conscience ? Je ne pense pas.

    "Avoir conscience" signifie justement avoir la possibilité d'un regard épistémique. Nous avons donc bien besoin du temps (dans sa durée et non son instantanéité) et de l'histoire pour, dans l'épaisseur du monde, réapprendre à nous situer. À bien y regarder, je me remémore le fait qu'aucune d'elles ne se définissaient publiquement comme "philosophe" mais bien comme "historienne de la philosophie".  

    Vous allez me dire quel lien avec la violence ? N'est-ce pas là la plus grande violence que ne de pas être capable de questionner ce point aveugle de la philosophie ? Pour vous poser cette question, nul besoin de faire appel au fantôme du grand logicien Jean Largeaut. L'effacement est une violence. 

    D'où s'origine la violence ? Dans un instinct d’agressivité d’essence animale (selon Konrad Lorenz), dans des conflits d’intérêts économiques (selon Marx), dans l’extériorisation d’une pulsion de mort (selon Freud). De fait, la violence oblige à une double réflexion à la fois politique & philosophique.

    Mais je m'écarte de vos propos, vous citez ensuite les mots de Susan Stebbing «Mais comment peut-on penser "en tant qu’homme" ou, en la circonstance, en tant que femme ? Jamais, de toute ma vie, je n’ai écrit en tant que femme. J’ai fait de la logique, discipline certes pratiquée avant moi presque exclusivement par des hommes, mais jamais il ne me serait venu à l’esprit que je devrais penser ou raisonner en tant que femme, pas plus que si j’étais venue d’un milieu ouvrier ou paysan, je ne me serais sentie tenue de penser comme ouvrière ou paysanne. C’est non seulement confondre la nature de la pensée avec les origines des personnes qui la pratiquent, une forme de sophisme génétique, mais c’est aussi confondre l’intellectuel et le social : si l’on m’a refusé un poste à Cambridge, c’est sans doute une injustice envers mon sexe, peut-être une injustice sociale, et même une faute morale, mais cela n’est pas une injustice épistémique. " 

    Comme dit, plus haut, pour être capable de dire qu'il ne s'agit pas d'une "injustice épistémique", il faut se situer dans la même temporalité que Susan Stebbing. Mais au regard de notre époque, nous pouvons mesurer ce qu'elle a enduré comme critiques ou comme choix philosophiques imposés. Une femme rappelons-le, à l'époque ne doit pas parler de la polis (de la cité - soit de la politique), elle doit s'efforcer à l'exercice de l'abstraction soit la logique. S'abstraire, n'est-ce pas s'effacer ? N'est-ce pas là, sans doute, se retirer d'une pensée située ? Notons que la philosophe Edith Stein a choisi de faire l'inverse d'où sa souffrance... 

    Pour conclure votre article, vous citez un passage de Thinking to Some Purpose (1939). "La tolérance n’est pas l’indifférence, et elle est incompatible avec l’ignorance. Je suis raisonnablement parvenue à mes conclusions pour autant que j’aie été capable d’échapper à mes préjugés, d’admettre les effets déformants des vôtres, de rassembler les preuves pertinentes et de les peser en accord avec les principes logiques".

    Je citerai un autre passage dans sa version originale : "My ignorance made me unfree. To feel thus unfree is not pleasant. Out of this feeling may arise the temptation to give up thinking about the problem or to delude oneself into the belief that it is settled as soon as we can talk about the problem in terms of vague and unidentified abstractions…He alone is capable of being tolerant whose conclusions have been thought out and are recognized to be inconsistent with the beliefs of other persons."

    Croyez-vous donc que le problème soit réglé ?