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Trump, la Chine et ses voisins

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Ce matin a eu lieu la conférence Donald Trump face à la Chine. Rendez-vous pris au café Le Procope à Paris pour écouter et rencontrer notamment : Pascal Abb (chercheur au German Institute of Global and Area Studies), Emmanuel Dubois de Prisque (chercheur associé à l'Institut Thomas More), Yannick Mireur (directeur de Nexus Forum, politologue spécialiste des Etats-Unis) et Benoît de Tréglodé, (directeur de recherche à l'IRSEM). 

Chacun a écrit un article dans le numéro 48 de la revue Monde Chinois. Dans l'éditorial co-signé Emmanuel Dubois de Prisque et Jean-Yves Heurtebise, il est indiqué "par coïncidence dont l'Histoire a le secret, le 9 janvier 2017, quelques jours avant l'investiture de Donald Trump décédait le philosophe juif polonais, naturalisé britannique, Zygmunt Bauman, qui dans son oeuvre démontra à quel point la société postmoderne qui est la nôtre est marquée par un brouillage de toutes les distinctions qui restaient fondatrices de la modernité". 

Pour ma part, ce brouillage est très intéressant, car il est créatif. Il est comme le déséquilibre permanent de la marche. En ce sens, il nous fait revenir à ce que l'humanité a oublié d'elle-même : le nomadisme. 

La revue se propose de résoudre une équation nouvelle "quel type d'influence l'administration de Trump pourra-t-elle exercer dans des pays situés dans la proximité immédiate de la Chine, où Pékin semble vouloir avancer ses pions de façon résolue, dans un contexte d'interrogations profondes sur la présence américaine ?"

Ce sont en suite quinze articles qui sont proposés aux yeux du lecteur attentifs. Des articles pointus, longuement muris de recherches et de confrontations. Ce matin, quatre auteurs ont présenté les grandes lignas de leurs articles. Yannick Mireur propose une mise à plat explicite de la stratégie chinoise en mer de Chine afin de clarifier des enjeux commerciaux avec les Etats-Unis. Pascal Abb pose habilement la question de l'élection de Trump dans les yeux chinois. Résonne quelque part un "mais comment est-ce possible ?" Emmanuel Dubois de Prisque  propose un regard différent en partant de l'analyse de certains discours de Xi Jinping, il propose de s'interroger sur le côté législatif ancestral de la Chine. Cet aspect serait-il un empêchement pour la Chine d'avancer librement pour prendre la place de numéro un mondial ? Enfin Benoît de Tréglodé nous dessine la politique vietnamienne avec comme facteur la Chine. A-t-elle plusieurs possibilités ? Doit-elle valoriser ses échanges avec les États-Unis ou bien tenter un équilibre dangereux entre deux puissances ?  

Evidemment, il ne faut pas résumer en une phrase ces interventions. Les articles proposent des éclaircissements sur une situation complexe. Chacun laisse la possibilité de s'interroger sur le rôle de l'Europe dans le futur équilibre du monde. 

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Lors de la discussion, un invité soulève la question de la "critique" et pose comme équation que "la Chine n'aime pas être critiquée"... puis prend pour exemple des sujets du type "la censure, le Tibet, etc." et que "lors de sa visite, tous ses mails ont été lus"... 

Nous sommes en France et à nouveau ces sujets...

Pauvre pensée française... 

Il est intéressant d'opposer déjà que l'ensemble de nos mails sont lus par Google, Facebook, etc. Que nos téléphones sont des espions formidables. Bref donc pas besoin d'être en Chine pour que nos messages soient vus. 

Je vais ici davantage revenir à cette notion "d'esprit critique". Je ris, je ris, je ris... Sommes-nous capables de critiquer la France ou le pays d'où nous venons avec autant de force que lorsque nous évoquons la Chine ? 

La réponse est non (voir mon article sur Shaoyo Liu)... 

Pourquoi ? Car nous sommes, depuis notre tendre enfance, bercés dans une pensée occidentales. Celle-ci est faite d'hégémonie et donc de domination. Les occidentaux colonisent, dominent, domptent, imposent... Comme autour de cette table, finalement, les invités chinois n'ont pas pris la parole. Très peu, à la fin, certes. Mais reprenons, nous sommes, intolérants, voilà ce que nous sommes. Des donneurs de leçon. Je m'inclus, malgré moi, car j'appartiens à cette culture occidentale. Cette culture qui me limite, ferme mon regard. Cette culture dont je dois sans cesse repousser les limites pour voir autrement. 

A chaque débat sur la Chine, il y a toujours cette crainte sous-jacente de la domination du monde par la Chine (voir mon article sur les craintes occidentales).

C'est amusant, la Chine représente la plus vieille civilisation. Elle a tout vu, tout vécu, inventé mille techniques (que nous avons pillé par la suite)... et aujourd'hui, nous ne sommes pas capables de prendre des leçons de la Chine. A nouveau, au lieu d'écouter pour essayer de comprendre, d'appréhender, nous voulons imposer nos certitudes. Ne serions-nous pas devenus trop prétentieux ?

Comment pouvons-nous croire que notre système de pensée est-il encore juste ? L'élection de Trump montre à quel point, nous sommes arrivés au bout de ce dernier. Il est à bout de souffle. Au lieu de nous asseoir pour en imaginer un de nouveau, nous souhaitons le poursuivre, le prolonger jusqu'à explosion complète de notre planète. Et le mieux, c'est que nous avons un coupable tout désigné en cas d'implosion de notre système : la Chine. 

Cette pensée est bel et bien enracinée en tous les occidentaux. Le regard fixé contre l'ennemi. Là encore, j'insiste, nous devrions remercier Emmanuel Kant (pour sa leçon géographique de la philosophie), ou même les premiers jésuites venus en Chine pour la christianiser. Les difficultés qu'ils notèrent c'est qu'ils n'arrivaient pas à faire comprendre les concepts. Et oui, comment faire entendre une pensée enracinée à des esprits qui pensent mouvement, flux, système ?

Des siècles plus tard, nous retrouvons les mêmes barrières. Les mêmes schémas mentaux. Sauf que comme à son habitude, la Chine écoute, cherche à intégrer, pendant que les occidentaux cherchent à imposer, un rythme, une pensée. D'un côté la Chine embrasse, pendant que l'Occident oriente, ferme, segmente. 

Parler de la Chine c'est subsumer 56 ethnies, un territoire immense, varié. Donc, ne devrions-nous pas ouvrir nos yeux, nos oreilles et apprendre ? Pouvons-nous seulement appréhender une telle diversité ? 

Pour qu'il y ait équilibre du monde, nous devons apprendre à voir autrement. A saisir le monde de façon plus poétique (dans le sens de son mouvement). Le monde est organique, vivant, mouvant...Il suffit de s'intéresser quelque peu à l'histoire de l'écriture chinoise, pour voir que la Chine l'a bien compris.

Voilà ce que je retiens de cette rencontre : à nouveau notre rationalité doit être interrogée. Nous devons reconnaître les limites de notre culture, analyser nos propres défaillances. Ce n'est qu'à ce prix, que nous pourrons inventer un nouveau système inclusif, coxistentiel. Notre société ne sera réellement post-moderne que si nous acceptons de sortir de la modernité en re-formatant les lumières. 

 

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Pour vous procurer la revue, rendez-vous sur le site des Éditions EKSA! 

 

Commentaires

  • Comme toujours brillant!
    Pourquoi les Chinois n'ont-ils pas parlé?
    Pourquoi parlons-nous tant?
    Peut-être une raison: avant, en tant qu'Occident, une conviction puissante dans la force au moins de l'âme européenne. Aujourd'hui, une inquiétude latente sur l'évaporation européenne.
    Et surtout, une grande difficulté à refonder la notion d'Humanité.
    Il faudrait casser les monolithes qui encombrent nos regards, ces pensées que le temps a sédimenté en construction trop solides.
    En revenir à ceci de simple:
    Fissure, mot pour imager l’inimaginable : le temps
    Il ne nous en reste plus beaucoup.

  • Cher Pascal, oui vous avez raison... Le temps mais pas celui qui se mesure en espace. Celui de la durée. La Chine est profondément dans la durée, nous sommes dans l'espace, le "compartimentage" ou segmentation du temps... Plus rien ne semble amoureux, tout ici est compté, comptable, quantifiable... Nous ne sommes plus capables de qualité. Ou du moins, elle nous fait peur... Revenons donc à une vision moins duale des choses. Une vision plus amoureuse disait Deleuze...

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