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  • Les mots en partage : une passerelle vers demain

    Il est des rencontres qui, loin des effets d’annonce ou des artifices du spectacle littéraire, creusent un sillon profond dans l’esprit de ceux qui y assistent. Le matin du 11 avril, dans le cadre du Salon des Livres de Paris, une telle alchimie s’est produite. Trois auteurs français publiés chez La Route de la Soie – Éditions, Alexandre Arditti, Frédéric Vissense et Sébastien Quagebeur, ont dialogué en public avec trois figures majeures de la littérature chinoise contemporaine : Mai Jia, Liu Zhenyun et Zhao Lihong (publié également par La Route de la Soie – Éditions).

    Ce fut moins une joute qu’un échange sensible, un entrelacs de regards, d’images, de questions profondes. À rebours des slogans, les six auteurs ont évoqué ce que signifie, aujourd’hui, écrire dans un monde fracturé, traversé d’ombres et d’élans. Ce que signifie prendre le temps du mot juste, de l’observation précise, du récit qui relie plutôt que qui sépare.

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    L’observation comme philosophie

    S’il fallait dégager une ligne de force, un fil rouge de cette matinée, ce serait sans doute la puissance de l’observation — non pas l’observation froide du scientifique, mais celle, vibrante, du poète ou du romancier : celle qui saisit une main qui tremble, un silence entre deux phrases, un battement d’aile au-dessus d’un champ de ruines.

    Frédéric Vissense a évoqué, à travers ses écrits, le rôle des machines dans notre monde : non pas comme entités techniques, mais comme révélateurs de notre rapport au pouvoir, à la norme, au fantasme de contrôle. À ses côtés, Alexandre Arditti a insisté sur la mémoire, les nœuds familiaux, les cicatrices intimes que seule l’écriture permet d’éclairer sans brutalité. Sébastien Quagebeur, quant à lui, a mis en avant le langage comme forme d’engagement existentiel, comme manière d’habiter le monde dans sa complexité.

    La littérature comme pont entre mondes

    Face à eux, les auteurs chinois n’ont pas simplement répondu — ils ont prolongé les questions, les ont nourries d’une sagesse venue d’ailleurs. Mai Jia, célèbre pour ses romans où l’espionnage devient terrain de réflexion sur l’identité et la vérité, a rappelé que « le silence est parfois plus chargé de sens que mille mots ». Liu Zhenyun, avec son humour tranchant et son sens du rythme, a évoqué la façon dont la parole populaire peut renverser les logiques du pouvoir. Zhao Lihong, poète aux images subtiles, a parlé de la lumière qui persiste dans les interstices du quotidien, même dans les périodes les plus sombres.

    Sébastien Quagebeur, Zhao Lihong, La Route de la Soie - Éditions, Grand Palais, salon des livres Paris, 2025

    Tous, dans leur diversité de style et de parcours, ont insisté sur la nécessité de penser l’écriture comme un geste de reliance. Écrire, ce n’est pas seulement dire ; c’est relier : le passé au présent, le proche au lointain, le soi à l’autre.

    Tisser des liens vers l’avenir

    Dans une époque saturée d’informations, de messages instantanés, de discours figés, ces écrivains nous rappellent que le mot est un acte, un acte de lenteur, de justesse, de résistance même. L’écriture devient ainsi un chemin vers un autre type de futur : un futur où les différences ne font pas peur, où le dialogue ne se résume pas à une traduction automatique, mais devient une forme d’écoute active, une quête partagée de compréhension.

    La Route de la Soie – Éditions, en orchestrant cette rencontre au côté du CNPIEC, a montré qu’il est encore possible de bâtir des ponts sincères entre les cultures, à travers ce que l’humanité a de plus précieux : sa capacité à dire le monde, à le réinventer par les mots, à y inscrire des rêves sans frontières.

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  • La poésie, flamme insoumise : Zhao Lihong, Adonis, Siméon à Paris

    Zhao Lihong, poésie, résistance, Adonis, Jean-Pierre Siméon, La Route de la Soie-ÉditionsLe 8 avril 2025, au Centre Culturel de Chine à Paris, une rencontre rare se tiendra sous le signe d’un feu discret mais ardent : celui de la poésie. Trois grandes voix du monde — Zhao Lihong, Adonis, Jean-Pierre Siméon — incarneront, chacune à leur manière, la puissance transformatrice du poème dans un monde désorienté. Ce rendez-vous ne sera pas une simple lecture. Ce sera un moment d’interstice, une faille dans le tumulte, où l’esprit peut, enfin, respirer autrement.

    Poésie illimitée : un manifeste silencieux de la Route de la Soie - Éditions

    Déjà lors du salon des livres de Francfort, j'avais fait le choix pour le lancement du livre de Zhao Lihong Métamorphose(s) d'apposer le titre  – Poésie illimitée – à l'évènement. Ce titre résonne comme un oxymore à l’époque des algorithmes et de la rationalisation généralisée. Qu’est-ce qu’une parole illimitée, sinon celle qui refuse les clôtures du sens préfabriqué, les frontières identitaires, les assignations marchandes ? Comme le disait Paul Celan, "la poésie est un rendez-vous dans le temps, avec quelqu’un qui n’est pas là". Or ce 8 avril, ces absents seront, paradoxalement, très présents : Rûmî, Laozi, Hölderlin, René Char. Tous ceux qui ont fait de la parole un passage entre le visible et l’invisible.

    Zhao Lihong : la sagesse en mouvement

    Zhao Lihong est né à Shanghai, ville carrefour entre la Chine ancestrale et la modernité tremblante. Sa poésie est traversée d’un double souffle : celui du silence contemplatif des sages et celui du bruissement intense de la vie. Dans Métamorphose(s) ou Cheminements, récemment publiés par La Route de la Soie - Éditions, on entend la lenteur de la feuille qui tombe, le chant de l’enfance encore vibrant dans le tumulte adulte.

    Sa vision du monde ne cherche pas à expliquer. Elle cherche à faire sentir. À éveiller. Ce n’est pas un hasard si son écriture dialogue avec les paysages, les pierres, les arbres. Comme chez Zhuangzi, c’est le vent qui parle à travers la porte entrouverte de la poésie. L’acte poétique devient ainsi un acte ontologique : dire, c’est habiter l’infime. Dans ses vers, on retrouve cette idée de Heidegger selon laquelle « la parole est la maison de l’être ». Zhao, par sa délicatesse, nous montre que cette maison n’a pas de murs, mais un jardin intérieur.

    Adonis : le feu de la pensée critique

    Face à la mystique calme de Zhao, Adonis apporte la tension. Il est le poète de la fissure, celui qui fait éclater les formes figées, les dogmes, les illusions. Pour lui, la poésie n’est pas un refuge : elle est un instrument de démolition — et de libération. Dans sa pensée, on perçoit l’écho de Nietzsche : "Il faut porter en soi un chaos pour accoucher d’une étoile dansante".

    Adonis est un rebelle lucide, qui fait de la poésie un outil de désacralisation. Il écrit contre les enfermements religieux, contre les habitudes mentales, contre les pactes du silence. Mais sa violence est une ouverture. Car, comme Artaud, il sait que le vrai poème n’est pas une décoration, mais un acte de chair et d’esprit mêlés.

    Jean-Pierre Siméon : la reconquête du sensible

    Jean-Pierre Siméon, quant à lui, a toujours affirmé que la poésie n’est pas un luxe, mais une nécessité. Il n’en fait pas une profession littéraire mais un projet existentiel. Dans La poésie sauvera le monde, il appelle à une reconquête du sensible, une forme de résistance par l’attention à la fragilité du vivant.

    Ce poète engagé – mais jamais dans le sens réducteur d’un message – rappelle à la tradition des poètes philosophes : Rainer Maria Rilke, Antonio Machado, mais aussi Simone Weil. Pour lui, la poésie est lucidité. Et la lucidité, dans un monde anesthésié, est une subversion.

    Penser avec la poésie

    Ce que nous propose cette rencontre, ce n’est pas un retour au lyrisme, mais une pensée poétique : une façon d’envisager l’humain dans toute sa complexité, sans l’amputer de son mystère. Dans un siècle dominé par les logiques de production, de calcul et de contrôle, ces voix poétiques – venues de Chine, de Syrie, de France – s’unissent pour rappeler que la parole est encore un lieu de liberté. Peut-être le dernier.

    Zhao Lihong nous invite à voir autrement ; Adonis à penser autrement ; Siméon à vivre autrement. Ensemble, ils nous tendent un miroir, non pas pour nous reconnaître, mais pour nous interroger.

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  • Et si nous avions tout oublié ? À propos de la sagesse chinoise appliquée au management

    Hervé Azoulay, sagesse, management, chine, France, essai, lecture, livreLire Hervé Azoulay, c’est entendre une question ancienne remonter doucement : pourquoi avons-nous cessé d’écouter les sages ?

    Dans son essai La sagesse ancestrale chinoise est-elle applicable au management ?, l’auteur ne se contente pas de juxtaposer des citations orientales aux théories de l’organisation moderne. Il propose un retournement. Une invitation à reconsidérer les fondations mêmes de notre rapport au pouvoir, à la hiérarchie, au collectif.

    Ce livre ne parle pas simplement de management. Il parle de notre manière d’être au monde. Il parle du déséquilibreque nous avons érigé en système, de notre obstination à vouloir contrôler, planifier, imposer. Et il propose, en filigrane, un autre chemin.

    Réapprendre à faire avec, non contre

    La pensée chinoise ne sépare pas l’homme du cosmos. Elle ne cherche pas à dominer la nature, mais à s’accorder à ses rythmes. Le management inspiré de cette tradition devient alors un art subtil, non plus de la performance, mais de l’harmonie. Non plus de l’autorité, mais de la justesse.

    Le wuwei taoïste – le non-agir – est ici revalorisé : il ne s’agit pas d’inaction, mais d’un agir sans forcer. D’un agir qui prend soin de l’équilibre, qui attend le moment, qui écoute les signes. À mille lieues du mythe du manager héros, toujours actif, toujours conquérant.

    Et si notre époque avait besoin de ce retrait ? D’un regard plus lent, plus profond ? D’un retour au silence intérieur comme condition d’une action véritable ?

    Les proverbes comme miroirs de notre oubli

    Le livre d’Azoulay se clôt par une sélection de proverbes chinois, traduits avec précision et sensibilité. Ce ne sont pas des aphorismes figés, mais des échos. Chaque phrase semble nous dire : tu savais déjà. Comme ce vieux conseil de Confucius : « Gouverner, c’est rectifier les noms. » Redonner à chaque chose, à chaque être, son juste nom, sa juste place. Voilà une tâche de sagesse — et peut-être la seule révolution durable.

    Une philosophie du soin et de la durée

    Face à l’usure de nos modèles de gouvernance, à la fuite en avant techniciste, ce livre propose une brèche. Il ne donne pas de recettes, mais il ouvre un espace. Celui d’un management qui serait d’abord une forme d’attention. Une écoute du temps long. Une conscience que l’humain est un nœud de relations, pas un simple rouage.

    Il y a dans cette sagesse chinoise une lumière que notre monde épuisé pourrait choisir de suivre. Non pas pour imiter, mais pour réapprendre à penser avec le vivant. Réapprendre à être humble. Et à faire du pouvoir un lieu de transformation intérieure, non de domination.

  • Cheminements : l’écho des poètes de Zhao Lihong – quand la poésie devient passage

    Zhao Lihong, poésie, Route de la Soie Éditions, livre, littérature, chine, FranceAvec Cheminements : l’écho des poètes, publié aux éditions La Route de la Soie, Zhao Lihong nous convie à une traversée à la fois intérieure et culturelle. Ce livre, pensé comme un pont entre la Chine et la France, entre l’univers du poète et notre propre sensibilité, est une invitation à ralentir, à écouter, à ressentir.

    Ce n’est pas un simple recueil de poèmes. C’est un espace de respiration, un chemin à parcourir, pas à pas, dans le silence habité de la lecture. L’idée de cet ouvrage est née d’un désir commun : celui de rapprocher davantage encore le monde poétique de Zhao Lihong du lecteur français, après la publication de Métamorphose(s). Ici, la démarche s’intensifie. Elle se fait intime, complice. Ce n’est plus seulement une rencontre : c’est une marche partagée.

    Zhao Lihong n’est pas un poète parmi d’autres. Il est de ceux qui écrivent après avoir longuement écouté le monde. Dans Cheminements : l’écho des poètes, cette écoute devient partage, et le silence, langage. Le livre se présente comme un carnet sensible, une forme hybride entre le journal d’un promeneur éclairé et le recueil méditatif d’un penseur en éveil. Chaque page semble vouloir nous souffler : « prends ton temps ».

    Les illustrations du livre sont signées Zhao Lihong lui-même. Elles accompagnent les textes comme des souffles de lumière, comme des instants suspendus. À l’encre ou à l’aquarelle, elles révèlent une autre facette du poète, celle du peintre de l’âme. Elles ne décorent pas, elles expriment. Elles prolongent les émotions des poèmes avec pudeur et intensité. Ce double langage, visuel et poétique, tisse un univers d’une cohérence rare, où chaque page devient un monde.

    Le mot cheminement n’est pas anodin. Il contient l’idée de mouvement, mais sans fracas, sans urgence. On ne « court » pas avec Zhao Lihong. On marche, on s’arrête, on observe un oiseau, une feuille, une pensée. Ce mouvement lent est un acte de résistance, une façon de reprendre possession de son temps intérieur. Dans la modernité qui broie les rythmes naturels, ce livre propose un retour au souffle, à la lenteur habitée. C’est une posture d’existence. C’est refuser la vitesse et l’efficacité au profit de l’écoute, de l’observation, du lien. Zhao Lihong écrit avec une attention presque sacrée aux petites choses : une feuille qui tombe, une lueur dans le ciel, un geste ancien. Il redonne aux détails leur puissance symbolique. Il ouvre une brèche dans le vacarme du monde contemporain.

    Les thèmes traversés sont multiples, mais toujours reliés par cette attention délicate au vivant. Zhao Lihong parle de la nature comme d’un miroir de l’âme : le chant des cigales, la lumière sur le lac, les collines embrumées de son enfance – tout cela devient langage. Mais il évoque aussi les blessures de l’Histoire, les fantômes qui hantent encore les mémoires, et cette tension constante entre mémoire et oubli, entre douleur et résilience.

    Ce qui frappe, c’est la capacité du poète à dire les choses graves sans lourdeur, à évoquer la souffrance sans la figer. Il y a dans ces poèmes une sagesse douce, une lucidité sans amertume. Un art de la nuance, si rare aujourd’hui, où tout semble polarisé, tranché, réduit à l’opinion. Zhao Lihong nous montre qu’il est encore possible d’habiter le monde poétiquement, selon le mot de Hölderlin, et que cette habitation poétique est une forme de veille : un éveil à soi, aux autres, à l’invisible.

    Le livre résonne comme une musique ancienne, une mélodie intérieure qui nous reconnecte à l’essentiel. Il ne cherche pas à séduire, encore moins à convaincre. Il propose. Il laisse advenir. Et c’est cette générosité silencieuse qui en fait un ouvrage précieux. Un compagnon de route pour celles et ceux qui, dans le tumulte contemporain, cherchent encore les sentiers où penser et sentir peuvent se rejoindre.

    Dans un monde fragmenté, où les algorithmes dictent les goûts et où le mot “poésie” semble relégué à une forme de luxe inutile, Cheminements affirme doucement mais fermement : la poésie est nécessaire. Elle est un espace de vérité nue, sans posture. Elle est une manière d’habiter le monde autrement, en cherchant non pas à le conquérir, mais à le comprendre, à l’aimer dans ses failles.

    La poésie de Zhao Lihong n’est jamais absconse. Elle n’a pas besoin de masque. Elle va droit au cœur, par sa sincérité, sa douceur, son humanité profonde. Mais elle n’est pas naïve. Elle connaît la violence du siècle, les douleurs de l’Histoire, les blessures intimes. Simplement, elle choisit de ne pas s’y enfermer. Elle choisit la lumière — une lumière fragile, oui, mais tenace. Celle qui guide les pas dans l’obscurité.

    Ce livre est aussi un geste de dialogue. Il fait le pari d’une entente possible entre les cultures, non dans la dilution ou la confusion, mais dans la résonance. En lisant Zhao Lihong, le lecteur français ne pénètre pas dans un exotisme lointain. Il retrouve quelque chose de lui-même, dans la délicatesse d’un mot, dans l’intuition d’une image. C’est cela que permet ce cheminement éditorial : une proximité nouvelle, un fil tendu d’un cœur à l’autre.

    Cheminements : l’écho des poètes est un ouvrage qui ne crie pas. Il chuchote. Il n’assène pas, il propose. Il n’enferme pas dans un sens, il ouvre des sentiers. C’est un acte de confiance en la lecture, en la lenteur, en la beauté encore possible.

    J’ai rêvé de ce livre, comme d’un acte de lumière. Il nous rappelle que dans l’invisible, dans les marges, dans la lenteur, résident encore les clés d’un monde habitable. Et que parfois, le plus subversif est de marcher lentement, à rebours de l’agitation, en prêtant l’oreille à l’écho des poètes.