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numérique

  • Pascal Ordonneau : Crypto-Yuan

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    Dans l’univers des monnaies cryptées, une nouvelle compétition vient de s’engager et la Chine vient d’en prendre la tête. Elle entend devenir la première nation à lancer la première monnaie cryptée souveraine du monde. Après l’explosion des monnaies cryptées, dites libres et anonymes, s’imposent, les uns après les autres, ces projets de monnaies cryptées d’un nouveau genre : les monnaies cryptées souveraines. Elles ont déjà un acronyme : CBDC (central banks digital currency).

     

    Pascal Ordonneau, ancien banquier, passionné par les questions économiques et monétaires, a écrit de nombreux livres, articles et chroniques dont deux ouvrages sur les nouvelles monnaies cryptées, la blockchain et les Initial coins offerings. Il a participé aux études lancées par l’Institut de l’Iconomie sur l’Intelligence artificielle et le projet de monnaie, la Libra, initié par le créateur de Facebook. Avec le présent livre, Pascal Ordonneau entame une réflexion sur les monnaies cryptées souveraines.

    Pascal Ordonneau, Crypto-Yuan, monnaie, cryptée,numérique,

    • Genre : Essai
    • Parution : Avril/Mai 2020
    • Format : 12 x 19
    • Nombre de pages : 232
    • ISBN : 979-10-97042-48-6
    • Prix : 16 euros
  • Notre capacité d'attention est-elle soumise ?

    Prenons une profonde respiration. Regardons par la fenêtre. Que voyons-nous ? Sommes-nous, comme dans Les Méditations Métaphysiques de Descartes, dans l'impossibilité d'affirmer que ce sont bien des humains qui marchent dans la rue ? « Que vois-je de cette fenêtre, sinon des chapeaux et des manteaux, qui peuvent couvrir des spectres ou des hommes feints qui ne se remuent que par ressorts? Mais je juge que ce sont de vrais hommes, par la seule puissance de juger qui est en mon esprit, ce que je croyais voir de mes yeux ».

    Nous ne sommes plus à l'époque de Descartes, nous sommes au XXI° siècle. Nous avons été percutés de plein fouet par la technologie. Mais quelles sont les conséquences de cette "percussion" sur notre mode de fonctionnement. Aujourd'hui, grâce à Méta de Choc, je vous donne le choix suivant : écouter mes propos via deux épisodes (le temps d'un marathon) - n°1 & n°2 -  ou lire cet article jusqu'au bout de votre attention... Tout en sachant que l'article et les podcasts vont ensemble. Ils se complètent parfaitement.


    À quoi notre capacité d’attention est-elle soumise aujourd’hui ?

    D'abord nous devons chercher à définir notre "attention". Elle se définit par la tension de l'esprit vers un objet à l'exclusion de tout autre. Selon William James elle se définit comme la « Prise de possession par l’esprit, sous une forme claire et vive, d’un objet ou d’une suite de pensées parmi plusieurs qui semblent possibles [...] . Implique le retrait de certains objets afin de traiter plus efficacement les autres » (Extrait de The Principles of Psychology, Vol. 1, Chap. 11, « Attention », pp. 403-404).

    Notre capacité d'attention peut se définir comme le temps que nous nous accordons à la tension de notre esprit vers cet objet. Est-il possible de tordre notre capacité d'attention en la détournant ? En la soumettant à autre chose ? Ici quand on dit "à quoi est-elle soumise", je vais recentrer sur la "soumission librement consentie". Cette expression recouvre la traduction de Robert-Vincent Joule et Jean-Léon Beauvois (1987) d'un concept de psychologie sociale (Compliance without pressure) introduit par Jonathan L. Freedman et Scott C. Fraser en 1966.  Elle décrit la conséquence d'un procédé de persuasion qui conduit à donner l'impression aux individus concernés qu'ils sont les auteurs de certaines décisions. Cette « responsabilisation » a pour objectif de conduire une personne à prendre plus rapidement et plus facilement une décision qui peut ou non lui être bénéfique mais qui est surtout favorable à celui qui use de cette méthode.


    D'où vient cette soumission librement consentie ?

    Pour répondre, nous devons adopter le regard de l’épistémologue et mettre en regard différentes évolutions technologiques et scientifiques (y compris les sciences humaines).
    Le fil de l’histoire entre nouvelles technologies depuis la cybernétique, en passant par l’ingénierie du consentement (fantastique remplacement de la propagande via Edward Luis Bernays). La systématisation des esprits, l’automatisation des prises de décisions va avec le développement des techniques de marketing. Équation simple d’une société qui a besoin de reconstruire son économie à la suite de la seconde guerre mondiale. Il faut faire entrer l’idée qu’une démocratie fonctionne que si les individus consomment des produits, des biens, des services….

    Norbert Wiener, en 1947, (au même moment que l’ingénierie du consentement de Bernays…) développe la théorie de la cybernétique formé à partir du grec κῠβερνήτης « pilote, gouverneur », apparaît dans la classification des sciences proposée par André-Marie Ampère et désigne « la science du gouvernement des hommes ». C'est en 1947 qu'un nouveau sens pour la version anglaise de ce mot est choisi par le mathématicien Norbert Wiener. Son but était de donner une vision unifiée des domaines naissants de l'automatique, de l'électronique et de la théorie mathématique de l'information, en tant que « théorie entière de la commande et de la communication, aussi bien chez l'animal que dans la machine ».

    De son côté, E.L. Bernays écrit : "La manipulation consciente et intelligente des habitudes et opinions des masses est un élément important dans une société démocratique. Ceux qui manipulent ce mécanisme secret de la société constituent un gouvernement invisible qui est le vrai pouvoir dirigeant de notre pays. Nous sommes gouvernés, nos esprits sont modelés, nos goûts formés, nos idées suggérées pour la plus grande part par des hommes dont nous n'avons jamais entendu parler" (cf. Propaganda).

    Si nous devons citer quelques mécanismes, alors nous allons comprendre leur simplicité évidente :

    • les insultes (ou attaque ad hominem) : coco, fasciste, youpin, clodo, terroriste, anti-sémite, conspirationniste, complotiste, radical...
    • les généralités accrocheuses : civilisation, démocratie, la religion, patriotisme, l'amour, la santé...
    • les euphémismes : "dommage collatéral" au lieu de l'expression "victimes civiles", "TSPT (trouble de stress post-traumatique) au lieu de "névrose des tranchées"
    • le transfert d'autorité : user de l'autorité ou du prestige d'un symbole comme l'église (la croix), la démocratie (la statue de la liberté), la nation (l'oncle Sam) pour soutenir un programme ou une campagne. Également la médecine ou la science qu'on utilise pour renforcer un concept : par ex. "De plus en plus de médecins fument des Camel..."
    • utiliser les témoignages : citer une source respectable (par exemple : New York Times), une célébrité (Angelina Jolie) ou une figure du sport (Mohammed Ali) pour promouvoir par association d'idée un produit ou un concept.
    • Jouer avec la peur ou le sentiment de catastrophe / catastrophisme : la guerre froide est de retour, 11 septembre = peur du terrorisme.
    • Le prisme du sondage : utilisé pour changer un programme ou un concept mais les résultats peuvent être faussés selon les paramètres et les questions. Il est aussi facile d'utiliser les études corroborées par un comité d'experts.

    E.L. Bernays écrit : « l'ingénierie du consentement est l'essence même de la démocratie, la liberté de persuader et de suggérer » (cf. The Engineering of Consent, 1947).

    En 1962,  Jacques Ellul distingue deux types de propagande la propagande politique, très ancienne et dont on connait globalement aujourd'hui les modes de fonctionnement, et un nouveau type de propagande, la propagande sociologique : « La première (celle des gouvernements, partis et groupes de pression) se distingue de la seconde qui, moins visible, se rapproche de la socialisation, que l’on peut définir elle-même comme "processus d’inculcation des normes et valeurs dominantes par lequel une société intègre ses membres". Ellul oppose le caractère direct, délibéré et coercitif de la propagande politique (que l’on trouve en priorité dans les régimes totalitaires) au caractère "plus vaste", "plus incertain", idéologique, "diffus", inconscient et spontané, de la propagande sociologique. Celle-ci, que l’on répugne à désigner sous le terme de propagande dans nos démocraties pluralistes, agit "en douceur", par "imprégnation". Il s’exprime par la publicité, le cinéma commercial, les relations publiques, la technique en général, l’éducation scolaire, les services sociaux... En partie non intentionnelle, cette propagande repose sur ces activités multiples qui agissent de façon concordante comme un ensemble pour inculquer un certain mode de vie"  (source site de l'Association de Jacques Ellul "la propagande" par Patrick Troude-Chastenet, 2006)

    Pour comprendre cette évolution des mécanismes de l'influence, et donc de la torsion de notre attention. Nous devons prendre en considération, l'émergence de la publicité et de son "ombre" : le marketing.


    Le marketing de l’attention 

    Dans ce contexte, l'attention consiste à se mettre en position ou capacité de recevoir des informations dans le but de le traiter et prendre une décision. L'objectif d'un publicitaire consiste à déclencher l'attention de sa ou ses cibles par différents procédés. Capter l'attention pour déclencher un comportement et ou une intention comportementale sont les enjeux du marketing.

    Cette expression "marketing de l'attention", dans un sens restrictif, désigne un principe par lequel des individus sont rémunérés pour accorder de l’attention, lire, recevoir, ou réagir à des messages publicitaires. La rémunération est proposée par un éditeur de base de données qui loue sa base à des annonceurs, elle peut être monétaire ou se faire en offrant le support de réception des messages publicitaire (fax, tel mobile, accès Internet,etc.). L'autre expression également employée est "l’économie de l’attention".

    Nombreux modèles issus du marketing de l'attention n'ont pas connu de larges succès. Le surf rémunéré sur Internet ou les communications téléphoniques sponsorisées furent des exemples typiques de modèles d’économie de l’attention ayant rencontré l’échec. Au début des années 2000, des projets de distribution gratuite d’ordinateurs financés par la publicité furent même sérieusement évoqués et projetés. Et comme le site Elisabeth Feytit il y a eu des rémunérations proposées par Facebook à de jeunes internautes en échange de leurs données. 

    Maintenant, dans un sens plus large le "marketing de l’attention" fait également référence aux techniques publicitaires classiques qui cherchent à capitaliser sur l’attention apportée à un support publicitaire pour que celle-ci se transforme en attention portée au message publicitaire.

    Pour comprendre cela, il faut se remémorer le modèle dit AIDA :

    • A = attirer l'attention
    • I = susciter l'intérêt
    • D = provoquer le désir
    • A = inciter à l'action

    La hiérarchie des effets publicitaires est un modèle théorique d’explication de la persuasion publicitaire dans le cadre duquel plusieurs étapes doivent se succéder pour aboutir à la persuasion. Il existe plusieurs hiérarchies des effets publicitaires. La plus connue est probablement celle des chercheurs Lavidge et Steiner publiée en 1961.

    Les étapes de ce modèle sont les suivantes : notoriété > connaissance > attitude > préférence > conviction > achat.

    Mais finalement dans un monde où nous sommes percutés à chaque instant de messages (pas seulement publicitaires, les alertes d'informations, les messages personnels, les alertes concernant des jeux, des réseaux...), comment être certains que nous soyons attentifs ? Le marketing semble évoluer, depuis quelques années, vers la notion "d'intention".

    Du marketing de l’attention à celui de l’intention
    Le marketing de l’intention regroupe les techniques marketing basées sur la détection d’un signal d’intention. Ce dernier est ensuite utilisé pour soumettre un message marketing ou publicitaire dont la vocation est de transformer l’intention en action réalisée au profit de l’annonceur. Le plus souvent, le marketing de l’intention vise à exploiter la détection d’intentions plus ou moins directes d’achat, mais il peut également s’agir de détecter des intentions afin de tenter de les « décourager » comme par exemple dans le cadre de la prédiction du churn ou du retargeting on-site.

    Le marketing de l’intention regroupe donc de nombreux usages marketing :

    • usage des liens commerciaux ou du SEO pour cibler des requêtes « intentionnistes »
    • retargeting (la consultation d’une fiche produit est à priori un signal d’intention)
    • retargeting on-site (détection d’une intention de sortie)
    • relance panier
    • achat de fichiers d’intentionnistes ou de données intentionnistes

    La notion de marketing intentionniste est souvent liée à celle de marketing prédictif. C'est là qu'interviennent l'ensemble de nos datas que nous libérons gratuitement, spontanément partout. Là interviennent les nouvelles "customers data platform", les plateformes de récoltes des données clients. Elles savent tout de vous et bien plus (vos préférences horaires, sémantiques, vos trajets, votre carnet d'adresses, vos achats, etc.).

    Un instant nous pourrions nous croire protéger par cette masse de données (numériques ou non). Nous pourrions nous sentir en confiance, ce que nous faisons assez naturellement, puisqu'il nous est impossible de penser à tout cela, à chaque instant de notre existence. Nous pourrions également croire que finalement, nous ne sommes pas tant que cela attentifs aux publicités. Nous avons appris à vivre avec, à ne plus les voir... En sommes-nous si sûrs ?


    Attention publicitaire
    Dans le monde du marketing, nous parlons de l’attention publicitaire. Cette expression "d'attention publicitaire" recouvre l'un des grands facteurs d’efficacité publicitaire. Elle correspond au « A » du modèle A.I.D.A. Elle se traduit par l’attention apportée au message et constitue un préalable à la mémorisation. La notion d’attention publicitaire est complémentaire de celle de visibilité publicitaire.

    Selon les médias et supports publicitaires pris en considération, l’attention publicitaire est influencée par de nombreux facteurs :

    • disponibilité du contact exposé (un spectateur assis dans une salle de cinéma est plus disponible qu’un piéton)
    • implication à l’égard de l’univers produit
    • encombrement publicitaire
    • techniques d’accroche publicitaire utilisées


    Le potentiel d’attention publicitaire dépend notamment fortement du média publicitaire utilisé. L’attention publicitaire sur les formats display Internet est par exemple souvent limitée par le phénomène de « banner blindness ». L’attention publicitaire est également de plus en plus impactée par l’utilisation des smartphones et notamment par les pratiques de second écran en ce qui concerne la publicité TV.

    Pour certains médias et supports, l’attention publicitaire peut se mesurer par le biais d’études d’eye tracking ou par le biais d’indicateurs spécifiques tel que l’Alpha de l’attention. (Attention cependant à cette expression . Car « L’alpha d’attention » est un indicateur d’attention publicitaire développé par l’agence My Media en 2018 et destiné notamment à mesurer l’attention publicitaire potentiellement « accordée » aux différents médias publicitaires. Selon cette agence

    attention,méta de choc,soumission,data philosopher,numérique,internet,publicité
    Bien que les données de cette étude soient potentiellement intéressantes, il convient de noter que l’usage du terme Alpha (en lien avec le Bêta de mémorisation ou Le Bêta de Morgensztern) pourrait laisser à penser que ces valeurs sont issues d’études qualitatives / quantitatives menées sur le long terme alors qu’elles proviennent d’une « simple » étude déclarative ponctuelle réalisée par Harris Interactive auprès de 4.000 Français âgés de 15 ans et plus en Octobre 2018.


    Comment définir le concept  "d’économie de l’attention "?

    Les ressorts de la captation de notre attention sont toujours plus ou moins les même : l'habitude, la diversion, la réassurance...

    L'expression "économie de l'attention" a commencé à être utilisée en 1996. Son origine remonte à un article de l’économiste et sociologue américain Herbert Simon, publié en 1971, qui oppose les sociétés du passé, caractérisées comme « pauvres en informations », à nos sociétés actuelles, « riches en informations ».

    La différence tient à ce que nous avons tous désormais accès à une quantité d’informations pertinentes (voire indispensables pour nos pratiques) bien supérieure aux capacités attentionnelles dont nous disposons pour en prendre connaissance. Il convient donc de mettre au premier plan de nos analyses une nouvelle rareté : l’attention.

    En 1969, le chercheur Herbert Simon formule le concept en des termes plus précis : « Dans un monde riche en information, l'abondance d'information entraîne la pénurie d'une autre ressource : la rareté devient ce que consomme l'information. Ce que l'information consomme est assez évident : c'est l'attention de ses receveurs. Donc une abondance d'information crée une rareté de l'attention et le besoin de répartir efficacement cette attention parmi la surabondance des sources d'informations qui peuvent la consommer ». Pour les plus curieux, je vous renvoie à l'article de Stéphanie Arc dans le journal du CNRS et à l'essai de Yves Citton intitulé L’Économie de l’attention. Nouvel horizon du capitalisme ?

    Vous y découvrirez le fait que la différence entre ces deux périodes tient donc à ce que nous avons tous désormais accès à une quantité d’informations pertinentes (voire indispensables pour nos pratiques) bien supérieure aux capacités attentionnelles dont nous disposons pour en prendre connaissance. 

    L'économie de l'attention est une nouvelle branche des sciences économiques et de gestion. Elle a pour fonction de traiter l'attention comme une ressource rare en prenant appui sur les théories économiques afin de problématiser, comme le souligne Daniel Kaplan,  « le fonctionnement de marchés dans lesquels l’offre est abondante (et donc économiquement dévalorisée) et la ressource rare devient le temps et l’attention des consommateurs ». 

    Je n'ai pas ici évoqué les biais cognitifs ce que j'avais fit lors de mon précédent article sur la notion d'attention. Cependant ce petit tour de notre attention n'est pas là pour vous faire peur, mais bien pour tenter de vous inciter à méditer sur la seule attention qui vaille : celle à soi-même. Il ne s'agit pas de dénoncer des mécanismes, il s'agit d'en prendre conscience afin de mieux interagir avec eux et d'essayer de se dessiner un "espace à soi". Un territoire de l'intime qui pour le moment semble s'émietter, voire même à disparaître. Cet espace mérite de renaître, afin de ne pas parachever la création de ce que Marcus appelait l'homme unidimensionnel ou encore de ce que Musil appelait l'homme sans qualités. Mes recherches sont des invitations, des ponts jetés par dessus bord. " Un rêve sans étoile, est un rêve oublié" disait Paul Eluard, évitons de nous oublier nous-mêmes : redonnons de l'épaisseur qualitative à l'humain.

     

     

  • Qui contrôle nos cerveaux ?

    Pourquoi changeons-nous de voiture, de destination, de médecins, d’amants, etc. ?Sans doute pour des raisons qui nous semblent nous appartenir, puisque notre comportement nous semble parfaitement imprévisible. Pourtant d’autres l’ont pensé pour vous. Non, je vous rassure, il ne s’agit pas d’un complot ! Il s’agit juste de principe de circularité et de tautisme. Partout des choix s’offrent à nous, cette multitude loin de nous proposer une liberté nous enferme, nous contraint. C’est ce que l’on nomme le paradoxe du choix. Plus il y a d’offres, moins nous sommes libres de choisir. Plus il y a d’informations, plus nous sommes passifs.Comment sortir de ce système ?
     

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    La France debout, assise ou en marche… Tout cela ne signifie rien d’autre qu’un immobilisme cérébral profond. Nous pourrions saluer le fait qu’il s’agit d’une tentative, d’un début de quelque chose. Comme tout début cela n’a pas de forme ou plus exactement c’est informe.

    Et si je vous dis que ceci n’est rien ? En fait j’ajouterai même qu’il s’agit d’un simple prisme médiatique pour donner à penser autre chose que le “ça va mieux” d’un Président en exercice qui ne sait pas où est sa place.

    Déjà je vous vois moins rieurs, moins enjoués après ces quelques lignes. Vous soulignerez certainement “mais pourtant des intellectuels reconnus y sont allé”. Ils ont mis des mots, donné un regard sur la situation. Mais revenons aux premiers jours de cette place, d’abord il y a l’association Droit au logement, puis quelques personnes avec des associations du type “Paris à 30 kilomètre heure”, des anti-téléphones portables et Momo le vendeur de brochettes.

    La place de la République dessine des histoires, des trajectoires. Chacun est dans son coin, et puis certains tentent de faire du lien, évidemment les choses débutent ainsi… Et puis la la faune de la Place de la République fera le reste. J’y suis allé plusieurs fois, en passant pour tenter de distribuer le questionnaire de la Forêt des âmes de Julien Friedler. C’est amusant ce questionnaire, six questions, six mises en danger. Personne ne s’y intéresse, quelques regards étranges, quelques bousculades. Or ce questionnaire a la force du témoignage, du regard sur les choses, il est libre à chacun ses réponses. Il est un indice pas seulement au niveau individuel, il témoigne aussi de l’esprit, des mentalités d’une époque.

     

    Mais reprenons, à qui appartient la Place de la République ? C’est un symbole fort. Une place, une république. Cette année cette Place a repris ses droits dans le jeu politique. Elle est le lieu des résistances citoyennes (après les attentats de Charlie Hebdo) et de la démonstration politique. Le symbole serait donc aujourd’hui récupéré par la population qui souhaite laver son linge sale en public. Et c’est là que c’est intéressant, chacun est invité (en cinq minutes) à prendre la parole, à dire ce qu’il a sur le coeur, à crier sa colère… Plusieurs fois, je me suis demandée mais à quoi au juste assistons-nous ? à un défouloir collectif ?

    Ici il n’y a de rêve que les slogans. Les frustrations sont trop fortes, les idéologies étroites pour que cela fasse sens. A l’heure où j’écris cet article, un compte Facebook, un Twitter et j’imagine Instagram et autre ont été mis en place. C’est intéressant pour un groupe soit disant sans leader, sans forme…

     

    Et puis je me suis souvenu des premiers jours, la nuit du 31 mars. C’est la première nuit debout qui répond à l’injonction syndicale de “convergence des luttes”... C’est bien, bien dit si je devais croiser le communiquant qui a pensé cela, je lui dirai bravo, bel réutilisation des principes de Psychologie des foules de notre ami Gustave Le Bon.

     

    Toujours se demander : “à quoi assistons-nous ?”

    Nous pourrions ici évoquer l’affaire des Panama Papers. Le 17 avril dernier, La Commission internationale des journalistes d’investigation (ICIJ) qui a rendu public le scandale des Panama Papers a publié un clip dénonçant les conséquences sociales des sociétés pratiquant l’évasion fiscale. Prostitution d’orphelins mineurs en Russie, approvisionnement en carburant occulte de l’aviation syrienne, soustraction au fisc d’un pays ravagé par la pauvreté.

    Dans ce film, réalisée avec le Centre Pulitzer, nous pouvons y voir le cas d’une des sociétés clientes du cabinet d’avocats Mossack Fonseca (qui organise des centaines de sociétés-écrans et a déjà été impliquée dans le grave scandale d’État brésilien Petrobras), une compagnie pétrolière en Ouganda. Pour éviter de payer 400 millions de dollars d’impôts, le pétrolier a mandaté Fonseca pour réaliser une simple formalité : déplacer l’adresse de la société d’un paradis fiscal à un autre. “Dans un pays où une personne sur trois vit avec moins d’1,25 dollar par jour, 400 millions de dollars représentent plus que le budget annuel pour la santé”.

    Je passe également sur la traite humaine et tant d’autres choses… A vous de décider si vous choisissez de le voir ou pas.

     

    Nous sommes forcément d’accord avec ces dénonciations, avec cette enquête et pourtant quelque chose me choque. Quid des Etats-Unis ? Pas une compagnie citée, pas un financement révélé, et Washington qui reconnaît, à demi-mot, avoir payé une partie de l’enquête. Où est donc l’indépendance de la presse ? La liberté de ton, la prise de risque ? De façon positive, nous pouvons dire que cette affaire est intéressante car elle révèle la  face cachée d’une mondialisation de connivence ou les amis d’amis ont toujours un besoin à réaliser. Les Panama Papers soulignent surtout l’amoralité des institutions du capital. Nous sommes tous au coeur de cette problématique, une fois que nous avons confirmé ce sentiment de colère qui nous ronge. Nous sommes en première ligne des mesures d’austérité pendant que ceux qui les ordonnent, font fructifier leurs dividendes.

     

    A nouveau, demandons-nous à quoi assistons-nous ?

    En allant au bout de cette question, nous allons devoir lever le voile de l’illusion, nous allons devoir sortir du déni. Ce  déni dont je parle si souvent, je vais ici tenter de le matérialiser. Comment procéder ? C’est assez simple, ma méthodologie est toujours la même :

    1/ s’arrêter, respirer profondément par le nez

    2/ désigner un point dans le futur, à un horizon de dix ans (ce n’est ni trop près, ni trop loin)

    3/ commencer à regarder ce point et à vous retourner progressivement pour voir le chemin à parcourir pour l’atteindre.

    4/ en regardant le chemin, prolongez votre regard jusqu’à comprendre les évènements du passé (regardez l’histoire en face, en ne prenant par exemple que les inventions techniques, ajoutez ensuite les éléments financiers...)

     

    Maintenant que la méthodologie est posée, concentrons-nous deux secondes sur cette étrange notion de déni. Le déni consiste à voir une situation mais à faire comme si elle n’existait pas. Plusieurs raisons à cela : la panique, le doute, la culpabilité, l’absence d’énergie, ou juste pas l’envie…

     

    La fin de l’esprit critique

    Le fil du déni est intéressant. Il nous fait être, exister au milieu des uns et des autres sans nous voir, nos journées sont formatées autour de mots d’ordre, d’injonctions. elles sont là, elles nous cueillent dès le réveil.

    Nos injonctions sont celles issues des slogans publicitaires “What else ?”, “Venez comme vous êtes”, “sème le désordre”, “j’optimisme”, “savoure l’instant”, “je suis au courant, je suis sur BFM”... Même l’armée s’y met “j’ai soif d’aventure pour ceux qui ont faim de liberté”... Notre journée pourrait se résumer ainsi :

    • 7h au réveil. “Coffee is not just black” (Cf. Nascafé Docle Gusto)
    • 7h30 douche. “Cueillez votre beauté (Cf. Petit Marseillais)
    • 7h45 brossage de dents. “Un sourire ça change tout” (Cf. Signal)
    • 8h. Les transports. “Tant d’histoires à venir” (Cf. Eurostar)
    • 8h30/9h. Arrivée au bureau. Café avec vos collègues. “Melitta le secret d’un grand café” (Cf. Melitta)
    • 9h30. Vous êtes à votre bureau. “Simplifiez votre PC” (Cf. Windows)
    • 10h30/11h. Pause. “Le plaisir irrésistible” (Cf. Senso) / Si vous allez aux toilettes. “Le soin où vous ne l’attendez pas” (Cf. Le trèfle)
    • 11h15. Vous avez mal à la tête.
    • 12h30. Pause déjeuner. “Savoure l’instant” (Cf. Coca)
    • 14h. Maux d’estomac. “Vous allez sentir la différence (Cf. Gavisconell)
    • 15h30. Pause. “Haribo c’est beau la vie pour les grands et les petits”
    • 17h. Réunion. “Donnez des ailes à vos doigts” (Cf. Stabilo)
    • 19h. Sortie du bureau. “Venez vivre la magie” (Cf. Disneyland)
    • 20h. Apéro. “Open your wolrd” Heineken
    • 21h. Dîner/ rencontre. “Vous n’aimez pas vos imperfections ? Quelqu’un les aimera pour vous” (Cf. Meetic)

     

    Et cela est déclinable pour toutes les vies, tous les statuts. Rien n’échappe au regard publicitaire. Le moindre de vos désirs est dicté, souligné, pensé, conduit pour vous. Qu’est-ce que cela signifie ? Que nous n’avons plus de marge de manoeuvre ? que nos rêves sont finis ? Non. Il y a un mince espoir. Celui qui nous fait encore penser que “tout est possible” (là encore c’est un slogan).

    Nous devons regarder la situation en face, la nommer, la désigner pour comprendre que nous devons remettre de l’humain, là où les slogans uniformisent l’individu. Là où le marketing propose des slogans, nous devons repenser un supplément d’âme. Ce serait déjà déchirer le voile de l’illusion. Pas d’inquiétude derrière ce voile, il y a de belles choses et il y a surtout des choses à inventer.

    Comment en sommes-nous arrivés là ? C’est en effet la grande question. Il y a depuis le début du XX°siècle tout un travail qui consiste à établir la société de l’information. Au départ, la technologie était conçue comme un ensemble d’améliorations des conditions de vie. L’information était nécessaire pour faire du commerce, pour véhiculer des marchandises mais aussi des idées, des façons de voir, de se comporter, etc. L’esprit critique me direz-vous résiste à tout même au nucléaire… Mais une chose l’a mis en péril, cette chose s’appelle la psychologie des foules. Elle seule ne peut rien, elle est un constat, une observation nette du comportement des individus pris dans une foule. Au coeur d’une foule, ce n’est plus l’individu et ses raisons pour lesquelles il vient et nourrit de sa présence la foule. Non ce qui compte c’est le nombre, l’effet de masse. De l’observation de cet effet de masse, l’idée du progrès en a fait sa force. Pour créer une société de consommation compacte, il faut créer une ligne de masse. Cette ligne de masse a ses normes, ses formes, ses rêves, ses besoins. La société de consommation y répond, et la boucle est bouclée. Et c’est son rôle, car elle ne doit pas effrayer la masse, elle doit répondre à ses besoins (qui lui auront préalablement été suggérés).

     

    Cette société, nous la devons en partie à un homme : Edward Louis Bernays. Cet homme est le neveu d’Anna et de Sigmund Freud. A priori, il semble inoffensif quand on regarde les documentaires, on a l’impression d’un bon grand-père. Mais c’est aussi le père de la propagande. Son postulat est assez simple : il faut regarder le long terme. Dans ce futur Bernays souhaite fonder la démocratie (non sur le peuple) mais sur l’économie et le commerce dirigé par une élite. Selon lui, la masse est incapable de parvenir à un état de paix collective et de bonheur par elle-même. Cette masse a donc besoin d’une élite qui la contrôle et la dirige à son insu en ce qui concerne les décisions importantes.

     

    Donc que va-t-il faire ? C’est assez simple après avoir observer la méthode inventée par Ivy Ledbetter Lee qui peut être considéré comme le père des relations publiques. Mais revenons. Après la Première Guerre mondiale, la machine industrielle dont les capacités ont été démultipliées doit trouver des marchés afin de continuer à fonctionner (ce sera le même problème après la Seconde Guerre mondiale). Il faut donc créer des besoins car à l’époque le citoyen occidental de base consomme en fonction de besoins vitaux, et n’accorde que des exceptions à la frivolité. Il faut donc exacerber le désir de consommer et rendre les frivolité obligatoires, incontournables et intimement liées aux gains de liberté apportés par les progrès sociaux...

     

    Créer des besoins, faire rêver, cela a un doux nom aujourd’hui : le  marketing, mais c’est aussi et avant tout des Relations publiques. C’est ainsi que s’installe progressivement la société de contrôle. « Nous devons insuffler aux gens «une philosophie de la futilité» et nous assurer qu’ils sont intéressés exclusivement par les «choses superficielles de la vie, les effets de mode du consumérisme». Ils doivent satisfaire ce que l’on appelle les « besoins imaginaires » écrit Noam Chomsky

    Déjà Foucault, dans son ouvrage, Surveiller et punir, nous a montré le chemin. Nous sommes entrain de voir émerger une société de contrôle. Pas plus, pas moins. C’est un doux nom, un doux rêve de liberté, de rêves consommables.

     

    Installation de la société de contrôle

    Quand on attire l’attention sur la société de contrôle, on prend tout de suite peur. Cela provoque un arrêt de la pensée.

    Quand nous évoquons le “contrôle” de quoi parlons-nous ? Chez les philosophes comme Deleuze, Foulcault ou encore Antonio Negri, il s’agit de la société qui s’installe après celle disciplinaire. Cette expression naît chez l’écraivain William Burroughs.

    Une société de contrôle n’enlève ni le sentiment de croyances en des religions ou en la liberté. Il ne s’agit plus d’enfermer les individus ou groupes d’individus. En revanche, le contrôle des personnes s’effectue “par contrôle continu et communication instantanée”. Quand Deleuze écrit cela, il n’y a pas encore les réseaux sociaux, en revanche, il y a le début des grandes constructions des réseaux autoroutiers. Il note dans une conférence, que nous pouvons rester sur l’autoroute et faire le tour de la France, en ayant le sentiment de liberté, tout en étant parfaitement contrôlé (péage, stations essence, etc.). Aujourd’hui les points de contrôle, sont évidemment plus précis, plus présents, je devrais dire plus omniprésents (même si à nos yeux, ils semblent absents). Les cartes de fidélité sont un principe marketing très intéressant de ce point de vue. Comme le soulignent Michael Hardt et Antonio Negri « les mécanismes de maîtrise se font […] toujours plus immanents au champ social, diffusés dans le cerveau et le corps de citoyens ».

    C’est amusant la société dans laquelle nous vivons, partout nous avons des sentiments de liberté, des désirs d’achat, des réalisations donc immédiates et pourtant jamais nous n’avons autant été contrôlés. En technique marketing on parle de la main invisible, celle qui induit nos comportements d’achat, nos réactions émotionnelles face à une publicité, etc. Cela procède du contrôle selon Noam Chomsky qui écrit «garder l’attention du public distraite, loin des véritables problèmes sociaux, captivée par des sujets sans importance réelle. Garder le public occupé, occupé, occupé, sans aucun temps pour penser; de retour à la ferme avec les autres animaux».

    La distraction est un principe ancestral du contrôle. Depuis l'époque romaine et le fameux “Panum, vinum et circenses” (du pain, du vin et des jeux), la distraction permet de contenir les velléités des masses. Donner du pain et des jeux permet de calmer la population. Son attention émotionnelle est détournée. Cette stratégie évite que nous allions chercher de l’information sur des sujets techniques (comme la cybernétique, le transhumanisme, les neurobiologies, les techniques de manipulation de l’ADN, les nouvelles armes, etc.). Il serait, en effet, fâcheux que nous ayons des idées plus intéressantes à soumettre que celles proposées par nos gouvernants.

    Mais cette technique, note Noam Chomsky, va de paire avec celle qui consiste à parler à la population comme à des enfants. Sur ce point je vous laisse reprendre le fil d’un journée en slogans publicitaires ou sinon je vous renvoie à la publicité de la marque Herta pour son produit far “les knacki” où l’on voit cette toute jeune fille dire face caméra comme si elle s’adressait à nous “mais t’avais dit qu’on ferait des knacki”... Comme le note Chomsky « si on s’adresse à une personne comme si elle était âgée de 12 ans, alors, en raison de la suggestibilité, elle aura, avec une certaine probabilité, une réponse ou une réaction aussi dénuée de sens critique que celle d’une personne de 12 ans ».

    Ceci est un principe évident si vous voulez séduire le grand public, il faut s’adresser à l’enfant qui sommeille en lui. La plupart des publicités destinées au grand-public utilisent un discours, des arguments, des personnages, et un ton particulièrement infantilisants, souvent proche du débilitant, comme si le spectateur était un enfant en bas-âge. Bref, en encourageant l’infantilisation, en développant la médiocrité, on détourne l’attention de la population qui ne se sent dès lors plus contrôlée. Il faudrait réaliser un article entier sur la médiocrité afin de montrer comment les médiocres ont pris le pouvoir, ou plus exactement comment à force de privilégier ce qui est moyen on créé une société qui ne peut pas fonctionner. Par encourager la médiocratie, je rappelle juste le principe de toutes les télé-réalités conçues pour distraire, et placer des produits, évidemment nous pourrions ajouter les émissions dites culturelles qui ne sont qu’un déversoir de conneries (pardon d’informations) gluantes. Ici je vous renvoie juste au livre de Alain Deneault, La Médiocratie.

     

    De la société de contrôle à la fin des états

    Si je reprends ma question initiale “à quoi assistons-nous ?” Si nous suivons ce fil, alors nous arrivons à la pure et simple disparition des états au profit des grandes sociétés de contrôle. Le procédé est assez simple et parfaitement indolore.

    Si nous prenons l’aspect financier c’est un peu moins indolore mais notez comme les états ont du mal à demander à Google, à Facebook ou Amazon de payer leurs impôts société localement…

    En revanche d’un point de vue de l’utilisateur c’est totalement “cool”. Tous ces services proposés, c’est presque illimité. Nous pouvons, à loisir, chatter, se filmer, se photographier, s’envoyer des Snap, des SMS, des e-messages, des e-tag, etc. Notre temps se disloque et comme je l’ai déjà évoqué : effacer le temps et son impact sur nos vies, telle est l’objectif le plus important du GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon) - pour ne parler que d’eux.

    Au début de sa création, Google faisait sa promotion en affirmant qu’il fallait moins d’une seconde pour trouver par son intermédiaire la réponse. Si nous annulons le paramètre temps dans nos vies, alors nous sommes captifs d’un présent, si ce n’est éternel, continu.

    Impossible de sortir de cette continuité. Impossible de se projeter hors de cet espace sans bornes. Impossible de se dessiner un avenir, ou d’éprouver le besoin d’un savoir qui nous permettra de nous adapter à telle ou telle situation. Nous restons là, le regard capté par nos ordinateurs, l’esprit préoccupé par ce que nous croyons voir. Noam Chomsky parlerait ici de distraction. Pendant que nous sommes distraits par tout ce que font nos semblables, nous ne regardons pas autour de nous.

    Le temps continu est une de leur clef marketing essentielle. Faecbook, Google, Amazon, Appel en déduisent de nouveaux objets, de nouveaux outils à créer. Surtout effaçons le temps, effaçons notre vieillesse et développons la vie éternelle. Elle restera évidemment à plusieurs vitesses… Remarquez comme dans les publicités d’Apple nous sommes toujours jeunes et beaux, le temps semble suspendu. La vie devient un Art. Apple fait du monde un espace de beauté. Google pendant ce temps invente l’humain de demain en jouant sur les données génétiques qu’il récolte par sa société 23andme. Facebook est la plus grande base de données de contrôle. Facebook par nos postes réguliers, par les photographies mises est devenu le plus grand fichier de reconnaissances faciales au monde. Parfait pour la société sécuritaire que son patron souhaite mettre en place. Regardez son projet Zee town. Dans cette société pas de place aux personnes lambda. En d’autres termes, c’est aussi l’une des plus grande base de données d’exclusion au monde.

    Au quotidien, nous appliquons un principe aussi vieux que l’humanité : nous jouons avec nos outils. Nous essayons des choses, nous en transformons les usages. Cependant, pendant que nous jouons avec nos outils (que nous avons achetés), un monde se dessine. Un monde dans lequel les citoyens qu’ils soient européens ou d’ailleurs sont des usagers. En tant que tels, ils sont déchus de leurs droits. Un usager n’est pas un citoyen, c’est une quantité de données qu’il faut surveiller, entretenir dans un écho système particulier. Cet entretien de boucles de récurrence avait déjà été appréhendé par Héraclite d’Ephèse. Il avait déjà, dans sa théorie des “exhalaisons” compris les processus circulaires qui s’engendrent de manière régulée et infinie. Près de 2000 ans plus tard, Norbert Wiener a proposé la cybernétique pour piloter et gouverner les esprits. Au départ, il présentait ses recherches comme le fondement d’un « champ complet de la communication dans la machine et l’animal ». L’idée promue consistait en la construction d’une science générale du fonctionnement de l’esprit. Ainsi ont pu naître les neurosciences, comme prolongement de cette volonté de prédictibilité et de contrôle du comportement humain. En d’autres termes, demandez-vous toujours “à quoi assistons-nous ?” Quand un nouveau téléphone sort, quand un écran se réduit, quand il commence à se tordre… Regardez l’avenir et voyez comme les objets dits “smart” vont s’intégrer de plus en plus dans ce qui se nomme encore un corps. Notre corps est le lieu de toutes les expérimentations, de tous les contrôles. Doucement les états cèdent, et nous ? Que faisons-nous ? Il nous reste à rêver pour engendrer un autre monde, pour anticiper et déjouer les nouvelles avancées technologiques. Celles qui feront de votre corps une machine qui se prolongera à l’infini dans une nouvelle matière quantique. Accrochons-nous à nos rêves et mettons-y des étoiles.

    Comme le dit Paul Eluard “un rêve sans étoile, est un rêve oublié”... Evitons de nous oublier nous-mêmes. Reprenons nos droits de citoyens !   

     

    Article initialement publié dans L'impératif n°2 - Jacques Flament Éditions en 2016

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  • La Belle vie Numérique

    L'exposition la Belle vie numérique vient de s'achever. La Fondation EDF a refermé les portes sur un parcours numérique proposé par Fabrice Bousteau, rédacteur en chef de Beaux-arts Magazine. 

    Dès l'entrée un choix s'offre à vous, un parcours en rouge, un parcours en vert. Êtes-vous plutôt zéro (en rouge) ou bien un (en vert) ? Le code binaire se décompose volontiers.

    Trente artistes ont été choisis pour jalonner cette découverte et attirer l'attention sur nos perceptions. Elles sont bien abimées à force d'usages numériques. Combien de temps passez-vous sur vos smartphones ? Sentez-vous le manque féroce quand il est loin de vos pouces ? Êtes-vous sûrs de ce que vous voyez ? 

    Nous ne sommes pas ici dans une "exposition d'art numérique !". Précision très utile, en effet, il s'agit de déambuler dans un espace scénique qui offre une interrogation sur nos données. Où vont-elles ? Servent-elles encore à nous aider ou bien sont-elles de simples pilotages de nos inconscients ?  

    Nos sens sont mis à l'épreuve quel que soit le chemin parcouru. Prenons le cas de Sériès et Sériès deux architectes qui font des villes des lieux d'interrogations de notre regard. 

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    Dans les "absurdités numériques", on trouve l'artiste Aram Bartoll. Il joue sur nos perceptions également en sortant le CAPTCHA de l'espace du web pour jalonner l'exposition et nous demander si nous sommes toujours un humain. Êtes-vous sûrs d'être humain ?  Ici une autre illustration de son travail, quand on sort de Google Maps, voyons-nous le point rouge ? 

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    Marie-Julie Bourgeois, quand à elle, signe une installation poétique et troublante. Elle est "centrale", elle est le coeur de l'exposition. Tout semble palpiter autour d'elle. Des écrans diffusent en permanence des morceaux de ciels pris par des webcams en temps réel. 

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    Julien Levesque questionne l'art, le trompe l'oeil aussi. Il s'amuse avec Google Street View pour composer de nouveaux paysages à partir de quatre paysages différents. Et il est très malin car il nous montre combien nous devrions protéger notre data, car elle nous appartient...

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    Une question se pose à l'heure du numérique, sommes-nous tous des artistes ? Savons-nous encore créer ? Ce n'est pas parce que nous faisons des Selfies et que nous collons des hashtags à nos images que nous en faisons des oeuvres. 

    Et c'est bien ce que soulève l'artiste anonyme encoreunestp qui dans les rues de la capitale a habilement disposé des miroirs à selfie... ou encore des boîtes d'urgence comprenant un smartphone (aussi présentés à la Fondation EDF).

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    Que penser de Carla Gannis qui depuis les années 1990 collectionnent les images numériques, pour en suivre l'évolution tout en réalisant des oeuvres à partir de tableaux qui appartiennent à la culture savante ? 

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    Que devient le jardin des délices de Jérôme Bosh ?

    Un ensemble de jeux numériques, de superpositions d'émojis ?

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    Nous ne pouvons ici parler de toutes les installations ni de toutes les oeuvres. Cependant, nous devons finir avec celle qui pose le plus de questions. Demain serons-nous tous devenus si fainéants que nous laisserons la créativité à l'intelligence artificielle ? 

    Une intelligence rêve-t-elle ? Et est-elle capable de créer ? De ré-créer ? Pour l'instant, elle semble juste reproduire à la perfection... En êtes-vous certains ?

    C'est amusant ce projet The Next Rembrandt  surtout pour les collectionneurs. Demain un Picasso (ou autre) pourra être refait ou même simplement créé, en un temps record, par une intelligence artificielle rendant le tableau initial presque sans histoire... 

     

    Au fur et à mesure des pas foulés et refoulés dans cette exposition, de parcours en parcours en observant les degrés divers d'attention des étudiants. Combien de Snap ? Combien d'Instagram ? Combien d'interrogations abandonnées en chemin ? Je pense ici à la réaction de Doreen, fatiguée et lasse.

    Il est évident que le questionnement est difficile, car on a trop tendance à montrer le négatif du numérique. Mais si nous y mettions un peu plus d'éthique, de compréhension de notre environnement alors nous aurions de toute évidence de beaux jours devant nous. 

    C'est un peu ce que nous présente Scenocosme  des installations hybride où le végétal se marie avec le numérique. Le toucher devient une porte ouverte sur un autre monde sensoriel. Une nouvelle forme d'écoute. 

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    Il y a mille perspectives nouvelles que la nouvelle génération doit interroger... Elle doit se saisir de ces multiples possibles pour dessiner des utopies nouvelles, renverser un monde qui pour l'instant fait du numérique un monde contrôlé, enfermé où l'espace est limité. 

    En sortant de l'exposition, il pleut, les mouvements de la ville reprennent le dessus. Le nez sur les smartphones, les corps se meuvent. Certains collectionnent des bonbons, d'autres des kilomètres de jeux inter-actifs.

    Mais qui devient véritablement créateur de son univers numérique ? Heureusement quelques hackers veillent... et à nouveaux c'est à eux et aux artistes (à ces premiers résistants) que revient la lourde de tâche de faire bouger les consciences pour montrer le chemin... Sortir de la caverne est encore possible.

    Je referme cet article sur l'ironie du titre "La Belle vie numérique"... En rappelant à la nouvelle génération qui osera lire ce texte... qu'il existe une chanson intitulée la Belle Vie...