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économie

  • Pascal Ordonneau & la monnaie

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    Si vous ne connaissez pas Pascal Ordonneau (ancien banquier, essayiste, faiseur d'or et de talents), alors ce livre est une excellente entrée en matière. 

    Sur un sujet auquel nous sommes tous sensibles, parce que c'est notre quotidien, ce par quoi nous échangeons, payons nos factures : la monnaie, il nous entraîne dans des histoires et des faits. Il nous promène avec talent entre les expressions de la langue française "un sou est un sou", tout en nous livrant des indices sur ce qui ressemble à une croyance. En fait, quand nous parlons de monnaie ? Parlons-nous de sa valeur ? Mais à l'heure numérique, vaut-elle encore quelque chose ? Comme il le souligne lui-même "La monnaie est un fait de société compliqué. Vous savez intuitivement beaucoup de choses sur la monnaie. On s'attachera ici à les rendre encore percutantes, à les relier aux grandes théories et à montrer que bon nombre de dictons ou formules lapidaires véhiculent des vérités économiques profondes. Il y aura parfois des moments amusants, des commentaires cocasses ou des étonnements : on s'efforcera de les rendre aussi vivants et curieux qu'il est possible. "

    Mais alors comment sortir de ce drôle d'adage "l'or te donne la terre et la terre te donne l'or" ? C'est là tout le principe de ce livre vous mettre sur l'échelle historique des économistes et de leurs grands principes mais également de rire de tout, de ce billet de 200 euros froissé qui revient dans les mains de son propriétaire... La monnaie racontée par Pascal Ordonneau c'est drôle et intelligent, cela nous montre combien la "quadrature du cercle" est une hypothèse humaine qui nous fait avancer... La monnaie une imagination qui aujourd'hui prend de nouvelles formes... Bref un livre truculent... Parfait pour cet été ! 

     

  • Entre paradoxe & grande fatigue

    Chine, Occident, économie, croyanceQu'est-ce qu'un paradoxe ? Dans Le paradoxe sur le comédien, Diderot affirme qu'un bon comédien doit jouer avec le plus de sang-froid possible, sans émotion sincère et spontanée mais en calculant sans cesse les effets de son jeu. Or l'opinion courante était plutôt que le comédien doit faire preuve de beaucoup de spontanéité. Nous voyons bien ici que le paradoxe se définit comme un opinion contraire à ce qui est généralement admis.

    Que se passe-t'il ? Pourquoi dois-je faire un article intitulé "entre paradoxe et grande fatigue" ? C'est cette "une" du magazine Challenge's qui m'y pousse. Comment laisser passer une telle maquette ? Notons d'abord le fond rouge, référence au drapeau chinois...

    Mais que signifie la couleur rouge dans notre culture ? Je renvoie ici aux travaux de Michel Pastoureau qui dit si joliment "le rouge est un océan". Au Paléolithique, le rouge symbolise "le pouvoir, la gloire, la puissance, la fête, la solennité, la joie, la beauté et l'amour" mais aussi "la violence, la colère, les crimes de sang, la faute, le péché". Dans l'Antiquité, la pourpre romaine symbolise l'empereur. Durant le Grand Siècle, les "talons rouges" sont emblématiques du statut d'aristocrate. Et puis, il y a le XVIIIe siècle, où le rouge devient le symbole de la contestation, notamment après la journée révolutionnaire du 17 juillet 1791 où il incarne "l'emblème du peuple révolté". C'est ainsi que le rouge a basculé du "côté obscur de la force"... Laissant la place au bleu comme couleur préférée des occidentaux...

    Donc quand "on voit rouge", expression très intéressante, non ? C'est que l'on est en colère, non ? Mais alors que se passe-t-il quand "on voit du rouge" ? Et bien nous savons qu'il y a du danger... Je vous passe la référence au code de conduite et à nos panneaux de circulation. 

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    Pour bien vous montrer qu'il s'agit de la Chine, on positionne un autre code couleur le jaune-orangé du drapeau, on place une étoile entre "dossier spécial" et "25 pages"...  Ce dossier doit donc être pris très au sérieux ! Vous rendez-vous compte 25 pages sur les 106 que comptent ce magazine. Vous sentez là mon ironie, je n'insiste donc pas sur ce point. 

    En lettres blanches et en capitales : CHINE. On aurait pu écrire Chine... Non ? Et si on essayait cela donnerait quoi ? Ce serait sans doute beaucoup moins impressionnant à notre oeil ?

    Donc le dossier ce sera la CHINE... C'est donc qu'il y a un "gros sujet"... Et cela est souligné par cette drôle de baseline (pour mémoire il s'agit du slogan ou de la phrase qui ponctue une annonce publicitaire ou de la phrase de signature se trouvant traditionnellement sous le texte d'une publicité presse - voir le site "définitions-marketing") : "Elle nous fascine et nous fait mal"... Ah ! première interrogation, je me demande si nous, la France, ou l'Europe, avons besoin de la Chine pour nous faire mal ? La réponse est évidemment non. 

    Comment mettre sur le même plan la fascination et la souffrance ? Quand on est fasciné, c'est que l'on est sous le charme... Comment un tel enchantement pour une culture peut-il nous faire du mal ? Il s'agirait d'un envoûtement qui nous empêcherait de voir les dangers... Faire écho à cela, c'est évoquer le mythe profondément ancré dans la culture occidentale : celui d'Ulysse qui doit résister aux chants des sirènes... En d'autres termes, si je traduis cette phrase cela donne "ne sombrez pas, vous occidentaux, sous le charme des sirènes de la Chine, vous allez être pris au piège"... Et ceci est souligné par les trois grands points du dossier "le nouveau consommateur", "le soft power de Pékin", "dans les coulisses du PCC"...

    Et le tout se trouve estampillé par le Dragon qui semble si menaçant...  

     

    Paradoxe & grande fatigue

    Pourquoi m'arrêter sur cette une ? Pourquoi ne pas simplement passer mon chemin ? Quelque chose m'en empêche ? Sans doute est-ce l'effet du montage avec le bandeau blanc "Présidentielle 2022 - TOUT A CHANGÉ", on se demande bien quoi ? Rien en réalité, c'est juste un effet d'annonce. 

    Certains pourraient dire, que je m'arrête à cette couverture car je n'ai pas acheté le magazine. Détrompez-vous, je lis tout ce qui est publié sur la Chine. J'ai des étagères complètes, entières de "nos" productions sur ce pays (par "nos" ici j'entends toutes les productions qu'elles soient occidentales ou autres). Et croyez-moi, ce n'est pas toujours beau à lire, à voir, à entendre... Tant de bruits, tant de cris, tant de haine, déversés au fil des années...

    Alors je poursuis sur la notion de paradoxe. En philosophie, le paradoxe est avant tout une pensée qui contredit délibérément l'opinion commune et même parfois le bon sens. Rappelons-nous de Rousseau qui, dans Émile, établit que la première règle de l'éducation est de savoir perdre son temps. Et pour se prémunir des critiques inhérentes à une telle prise de position, il écrivait "j'aime mieux être homme à paradoxes qu'homme à préjugés". 

    En logique, on désigne par "paradoxe" un raisonnement qui conduit à une contradiction insoluble. 

    La pensée occidentale s'est construite sur l'opposition entre le "bien" et le "mal". La pensée chinoise, quant à elle, a admis depuis des siècles que les deux coexistent ensemble en même temps et que tout est une question de mouvement, et d'équilibre (sur ce point je renvoie aux travaux du sinologue Cyrille J.-D. Javary et notamment à son ouvrage La souplesse du dragon). 

    Cette couverture reflète, à elle seule, la manière dont les médias occidentaux traitent la Chine. C'est une réflexion qui semble hors sol, faite d'un mélange de préjugés et de peurs. De cette potion, il ressort la volonté de créer la nouvelle figure de l'ennemi. Mais cette fabrique de la figure de l'ennemi ne masque-t-elle pas une autre réalité : celle d'un racisme inhérent à la pensée occidentale ?

    Ici naît ma plus grande fatigue !

    Pourquoi l'occident ne reconnait-il pas son racisme séculaire contre l'Asie ? La crainte de l'émergence de la Chine comme puissance, n'est-elle pas celle des sanctions et des humiliations en réponse à ce que les occidentaux ont fait subir à la Chine après les guerres d'opium ? 

    Par cette mascarade médiatique qui tourne à la diabolisation de la Chine nous oublions la chose essentielle : une autre économie est possible. Comme l'émergence d'un "deuxième soleil". Cette image, je l'utilise pour vous montrer qu'effectivement un pays non aligné a réussi à transformer son système social, économique pour arriver à contrebalancer le système dans lequel le monde occidental a toujours vécu. Ce système, dans lequel, nous, les occidentaux, sommes c'est celui keynésien (il adore l'or et il repose principalement sur le niveau de la demande globale, tant des biens de consommation que des biens de production). N'oublions pas que le keynésianisme repose aussi sur l'existence d'un équilibre économique de sous-emploi, dans lequel subsiste des chômeurs. À l'inverse la Chine a développé son économie intérieure pour réduire le chômage et la misère. La question serait donc d'observer ses efforts et d'essayer de comprendre comment la Chine va maintenir cette société de moyenne aisance. Voilà à quoi nous devrions passer notre temps et notre réflexion. Nous devons comprendre la Chine, la comprendre avec ses paradoxes, son histoire, son autre regard sur la réalité au lieu de proférer des préjugés au rang de vérité absolue. 

    Groupe Perdriel & économie

    Pour ceux qui s'intéressent un peu à l'histoire des médias en France. Nous devons, quand même, nous demander d'où parle le magazine Challenge's dont le slogan est quand même "l'économie de demain est l'affaire de tous". Qui sont ces "tous" ? 

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    Dans cette carte publiée par le Monde Diplomatique et l'Acrimed, nous pouvons voir où se situe l'hebdomadaire Challenge's. En haut à gauche pour ceux qui ne verraient pas tout de suite. 

    Précisément en haut à gauche, il s'agit du groupe Perdriel (ou groupe Nouvel Observateur) est un groupe de presse français dirigé par l'industriel Claude Perdriel (société des sanibroyeurs SFA PAR). Le groupe est né en 1964, avec la création de l'hebdomadaire Le Nouvel Observateur.

    En , Denis Olivennes a été nommé directeur général délégué du groupe par Claude Perdriel, qui souhaite « prendre du champ ».

    En 2010, Denis Olivennes qui ce groupe pour rejoindre Lagardère Active. 

    En 2014, le groupe cède les deux tiers du capital de l'hebdomadaire L'Obs (anciennement Le Nouvel Observateur) aux actionnaires du groupe Le Monde (à savoir : Pierre Bergé, Xavier Niel et Matthieu Pigasse). Cette offre concerne également le site internet d'information générale Rue89 (acquis par Perdriel en 2012), ainsi que les suppléments gratuits Obsession (spécialisé dans la mode, les tendances et la culture) et TéléObs. Le groupe conserve une participation de 34 % (voir sur ce point l'article de Fabienne Schmidt "Nouvel Obs, les coulisses d'une vente", dans les Échos du 15 janvier 2014). 

    En 2016, le groupe Perdriel, propriétaire de Challenges et Sciences et Avenir, achète la société Sophia Publications, éditrice de La Recherche, L'Histoire, Historia et Le Magazine littéraire (voir l'article Quentin Ebrard intitulé "Claude Perdriel seul propriétaire de « Historia », « L’Histoire », « Le Magazine littéraire » et « La Recherche »", dans le Monde du 23 juin 2016). Dans cet article on découvre cette phrase "« Je n’ai jamais envisagé de vendre Challenges, mais j’avais envisagé de prendre un partenaire minoritaire dans la mesure où cela aurait pu contribuer à donner plus de chance à son développement », explique-t-il en réponse aux rumeurs de vente du magazine économique en difficulté"... Et un paragraphe plus loin on peut lire "Pour l’année prochaine, Claude Perdriel espère limiter les pertes de l’hebdomadaire grâce à des économies de 400 000 euros sur le poste des abonnements, à un plan de départ volontaire d’une dizaine de personnes parmi les techniciens et au recours à de la sous-traitance informatique."... 

    En , Claude Perdriel nomme Guillaume Malaurie directeur général délégué du groupe.

    En , la direction de la société Renault annonce avoir acquis 40 % de la société Perdriel par le biais d’un accroissement de capital de cinq millions d’euros. Renault investit dans le groupe dans l’objectif d’offrir des contenus médias exclusifs aux propriétaires de ses futurs véhicules... (Voir sur ce point l'article de Jérôme Lefilliâtre, du 13 décembre 2017, dans Libération, intitulé "Renault se lance dans la presse avec Claude Perdriel") J'aimerais bien ici que l'on définisse ce que signifie "contenus médias exclusifs" pour des "propriétaires des futurs véhicules"... Il y aurait donc une façon "Renault" de voir le monde.

    En décembre 2019, Claude Perdriel rachète les parts de Renault. (Voir sur ce point, l'article du Figaro avec l'AFP, intitulé "Claude Perdriel rachète la part de Renault dans Challenges" du 13 janvier 2020)

    Mais l'histoire ne s'arrête pas ici. Il faut aussi se pencher sur les manœuvres de Bernard Arnault, patron et principal actionnaire de LVMH, avec son entrée promise, en 2021, au groupe Challenges, à l’invitation de son propriétaire Claude Perdriel. Serait-ce le rachat en viager du magazine Challenge's ? (Voir sur ce point la chronique de Hervé Nathan, dans Alternatives économiques, du 8 octobre 2020)

    Alors la question, l'économie de demain est-elle encore l'affaire de tous ou bien seulement de quelques-uns ? Au regard de ces passations, les unes et les dossiers thématiques en faveur ou en défaveur d'un pays sont-ils encore objectifs ? On peut qu'en douter quand on voit les pressions subies par les rédactions... Donc oui "grande fatigue" pour moi de lire, de voir toujours les mêmes grilles de lecture qui ne questionnent pas notre propre aveuglement : un racisme anti-asiatique séculaire. 

  • Comprendre le 14ème plan quinquennal chinois

    Comprendre l’enjeu de ce quatorzième plan quinquennal (2021-2025), c’est mesurer sa place dans l’histoire de la Chine. Il y a, au coeur de l’histoire chinoise, une continuité de vision et donc de politique. Chaque plan quinquennal est destiné à planifier les projets importants, la distribution des forces productives, les liens entre les secteurs économiques. Il permet de fixer les objectifs du développement économique et social de la Chine sur le long terme. Le plan a été annoncé par un communiqué de presse le 29 octobre 2020 à l’issue de la 5e session plénière du 19e Comité Central du Parti Communiste Chinois. Il sera soumis à l’approbation de l’Assemblée Nationale Populaire en mars 2021, est le fruit des réflexions menées au sein du Bureau Politique de la Commission de la Réforme et du Développement. 

    Retour sur les premiers plans quinquennaux 

    Sous l’impulsion de Mao Zedong (毛澤東 ), le premier plan quinquennal (1953-1957) a jeté les bases de l’industrialisation en Chine, et, a permis la mise en place de coopératives agricoles. Dans ce premier plan, émerge la vision de la transformation socialiste de la société chinoise. Le deuxième plan (1958-1962) a poursuivi cette construction de l’industrie et a initié le développement des transports et des infrastructures commerciales. Initié par Mao Zedong puis poursuivi par Liu Shaoqi (劉少奇), l’objectif de ce plan était de commencer à élever le niveau de vie de la population chinoise.

    Le troisième plan quinquennal (1966-1970) initié par Liu Shaoqi est mis en place par Song Qingling (宋慶齡) présidente par intérim de 1968 à 1972 (notons que c'est une femme, et oui la Chine a eu une femme présidente). Ce plan renforce l’agriculture et l’artisanat pour résoudre l’essentiel des problèmes de nourriture. Mais il met également en place une défense nationale pour trouver des solutions technologiques nouvelles. Dong Biwu (董必武) prend la suite de la présidence par intérim jusqu’en 1975. Il met en place le quatrième plan (1971-1975) qui fixe la valeur globale des productions industrielle et agricole à une augmentation de 12,5% par an. Durant les cinq années, plus de 130 milliards de yuans sont investis pour développer les infrastructures.

    De 1975 à 1983 se succèdent Zhu De (朱德) et Ye Jianying (葉劍英). Ils poursuivent la politique de transformation du pays.

    Le cinquième plan (1976-1980) vise à dresser un système industriel et un système économique indépendants et complets. En 1978, ce plan a été modifié de façon à produire 60 millions de tonnes d’acier et de 250 millions de tonnes de pétrole en 1985. Ce qui a permis à la Chine de poursuivre les constructions de grande envergure.

    Le sixième plan quinquennal (1980-1985) met en évidence onze points essentiels à suivre de la valeur globale des productions industrielle et agricole au renforcement de la protection de l’environnement tout en cherchant à développer l'attractivité de la Chine. Li Xiannian (李先念) président de 1983 à 1988 poursuit cet engagement et met en place le septième plan (1986-1990). Le quatrième point de ce plan est essentiel car il vise à poursuivre la restructuration des secteurs d’activité afin de s’adapter au changement de la demande sociale et aux besoins de la modernisation de l’économie. Le dixième point de ce plan vise à renforcer l’édification de la civilisation socialiste parallèlement au progrès de la civilisation. Ce point est très important car s’y loge le principe de continuité de la société chinoise et les origines de la construction de la vision du “socialisme à la chinoise”. 

    De 1988 à 1992, Yang Shangkun (杨尚昆) exerce les fonctions de président de la république populaire de Chine. Il met en place le huitième plan quinquennal (1991-1995). Cette période est un tournant majeur pour la société chinoise. L'économie nationale s'est développée de manière rapide et soutenue. Durant ce quinquennat, la plus grande réalisation consiste à atteindre, cinq ans avant terme, l'objectif stratégique de quadrupler le PNB en vingt ans, à partir de 1980. En 1995, le PNB a atteint 5 760 milliards de yuans, soit 4,3 fois plus que celui de 1980, déduction faite du facteur des prix. Cela constitue un succès extraordinaire et un jalon important dans l'histoire du développement économique de la Chine.

    La réforme du système économique a connu un progrès spectaculaire : le système financier centré sur la séparation des impôts d'Etat et des impôts locaux et le système fiscal centré sur la TVA ont été établis. La monnaie chinoise s’aligne désormais sur les devises étrangères. 

     

    De 1993 à 2003, Jiang Zemin (江澤民) est président de la République populaire de Chine. Non seulement il renforce la bonne situation financière de la Chine mais il propose un neuvième plan quinquennal (1996-2000) qui va au-delà de ces cinq ans. Il invite à structurer l’avenir de la Chine.  Le 28 septembre 1995, la cinquième session plénière du CC issu du XIVe congrès du PCC a approuvé la « Proposition relative au 9e plan quinquennal de développement économique et social et aux objectifs de long terme de 2010 ». C'est le premier plan de long et moyen terme de la Chine, dans les conditions de l'économie de marché socialiste, et un programme transéculaire pour le développement. 

    Ce plan marque un nouveau tournant, il propose d’éradiquer l’essentiel de la pauvreté afin de permettre à tous de profiter d’un niveau de vie confortable. Il s’agit également de jeter les bases de l’économie de marché socialiste.  

    Hu Jintao (胡锦涛) est élu président de 2003 à 2013. Sous son mandat il aura à suivre le dixième et le onzième plan quinquennal. Les principaux objectifs du dixième plan quinquennal (2001-2005) sont les suivants : développer la croissance économique (à 7% par an), faire en sorte qu’en 2005, le PNB atteigne les 12500 milliards de yuans, et de maintenir le chômage à 5%. Le onzième plan (2006-2011) a pour vocation de poursuivre la structuration de l’économie chinoise, la croissance doit être maintenue et la cadence de changement soutenue. Il y est également énoncé l’importance de l’innovation.

     

    Sous la présidence de Xi Jinping

    Si le douzième plan est énoncé par Hu Jintao, il sera pour partie mis en oeuvre par Xi Jinping qui prend ses fonctions en mars 2013. L’objectif principal de ce plan vise le rééquilibrage de l’économie afin de développer la consommation domestique, il s’agit donc d’orienter la croissance urbaine et littorale vers les territoires intérieurs. 

    Mais en 2013, Xi Jinping lance également un projet celui “Une ceinture, une route” (One Belt, one road) une proposition ouverte et inclusive visant à encourager la demande intérieure et l'emploi dans les pays le long de la route, ainsi qu'à promouvoir la reprise de l'économie mondiale. L’idée principale consiste à faire revivre les anciennes Routes de la Soie mais également de relier les différents continents. En lançant cette initiative, la Chine se propose de redessiner le monde et ses échanges. 

    Dans un monde devenu mondialisé, la Chine doit désormais assumer sa position dominante, sans pour autant lâcher sa population et sa structuration intérieure. Et c’est là qu’intervient le treizième plan quinquennal (2016-2020). Il s’agit pour la Chine de réduire son déficit public à 3% du PIB, et de stabiliser sa monnaie. Il s’agit également de développer de nouveaux emplois afin d’éviter toute hausse du chômage. En parallèle, il s’agit de restructurer son industrie. Mais il s’agit aussi d’anticiper les changements de 2020, la taille de la population qui nécessite la création de nouvelles infrastructures, la création de villes nouvelles et donc de nouveaux réseaux routiers. C’est aussi dans ce plan que l’on voit émerger la notion d’industries stratégiques : les énergies nouvelles, les matières nouvelles, l’aéronautique, la biotechnologie, la protection environnementale, les technologies de l’information, l’Internet Plus et l’intelligence artificielle (“Made in China 2025”).  Ce plan est à la fois signe d’une transformation profonde de la Chine mais aussi gage de son ouverture au monde. Le projet des Routes de la Soie se double d’un projet digital sans précédent.

     

    De l’importance de ce quatorzième plan quinquennal

    Tandis que le monde peine à sortir de la pandémie de Covid-19 qui a mis à l’arrêt l’économie mondiale, la Chine montre que non seulement elle a su prendre soin de sa population mais également travaillé à l’établissement d’une économie partagée. Plusieurs discours de Xi Jinping avant l’annonce de la réflexion sur la plan quinquennal ont insisté sur deux points : la pacification du monde et la mise en place d’un monde multipolaire. Ces deux points se retrouvent dans les grands points de ce quatorzième plan quinquennal.

    Le premier point énonce que la Chine va promouvoir activement un “environnement extérieur stable”. Il s’agit donc de garantir une économie de paix, qui favorise les coopérations et la stratégie gagnant-gagnant. Nous retrouvons ici l’idée force de la “communauté de destins” évoquée lors du treizième plan. 

    Le second point prouve l’engagement de la Chine dans la réforme du système de gouvernance globale. Il s’agit de protéger et d'améliorer les organisations internationales existantes comme l’OMS. Il s'agit également de promouvoir les échanges. La Chine s’engage à rendre le système de gouvernance économique mondiale plus équitable et rationnel. 

    Le troisième grand axe développé est à nouveau celui des technologies innovantes de l’information. Sur ce point il s’agit de bâtir un monde numérique plus équitable, plus juste. Les technologies doivent servir à améliorer les conditions de vies humaines et à renforcer la communauté de destins partagés. Les informations doivent aider les entreprises à devenir innovantes et à respecter l’environnement. C’est un point très important pour comprendre les enjeux de l’Intelligence artificielle en Chine. 

    Le quatrième et le cinquième points, de ce nouveau plan, évoquent clairement l’inclusion de la Chine dans les échanges mondiaux. La Chine poursuit son ouverture au monde et elle propose également au monde d’entrer davantage sur son territoire. Pour aider à cette ouverture, elle mise sur la création de nouvelles zones de libre-échange. 

     

    Pour conclure 

    Ce plan énonce clairement la stratégie de la Chine pour faire face à la “guerre économique” proposée par les États-Unis. La Chine poursuit sa volonté pacifique. Mais ce plan est aussi la preuve d’une réflexion historique et continue que le gouvernement chinois a depuis les années 1950. Tout au long de son histoire, le gouvernement a choisi de placer les intérêts de sa population en premier. La mise à l’arrêt de la Chine lors de la découverte de la pandémie en a été le signe évident. Cette continuité à la fois de réflexions et d’actions va permettre l’édification de la société de moyenne aisance en Chine. Et c’est déjà une réussite. Car depuis les années 1950, ce sont près de 800 millions de personnes qui sont sorties de la pauvreté. Il est particulièrement remarquable de voir qu’au cours de ces cinq dernières années, 55,75 millions de résidents ruraux sont sortis de la pauvreté. Ainsi la Chine devrait atteindre avec une dizaine d’années d’avance son objectif fixé d’éradication de la pauvreté fixé dans le Programme de développement durable à l’horizon 2030 des Nations Unies. Tandis que les objectifs du treizième plan quinquennal sont sur le point d’être accomplis, la Chine avec ce quatorzième plan propose un avenir prometteur à ces citoyens mais au monde aussi en faisant de la Chine un pays encore plus ouvert et moderne.





  • Attention : le nouvel enjeu

    Attention, notre attention se perd, s'économise, se joue, se déjoue, s'achète. Mais c'est quoi l'attention ? Notre attention peut-elle être double ? Peut-elle se travailler ? Et si nous jouions au jeu des sept erreurs ? 

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    Définissons de façon simple ce qu'est l'attention. Nous pourrions dire qu'il s'agit de la mobilisation de la vigilance d'une personne, se fixant sur un objet précis et reléguant à l'arrière-plan les autres éléments composant le champ psychologique.  Selon William James, l'attention se définit comme « la prise de possession par l’esprit, sous une forme claire et vive, d’un objet ou d’une suite de pensées parmi plusieurs qui semblent possibles […] . Implique le retrait de certains objets afin de traiter plus efficacement les autres ». 

    Pourquoi l'attention est-elle un enjeu crucial à l'heure actuelle ? Dans un monde où les informations viennent de toute part : notre attention n'est-elle pas devenue le centre d'attention de toutes les entreprises, marques, gouvernements ? Comment être encore attentifs à leurs messages alors que nous sommes bombardés d'alertes en tout genre (informations, téléphones, smartphones, objets connectés, réseaux sociaux, jeux en ligne, nouveaux médias... ) ? Comment les marques, les états ou les entreprises privées peuvent-ils réussir à encore atteindre leurs "cibles", c'est-à-dire nous, notre subjectivité ?

    En parallèle de l'apparition d'internet dans la sphère publique, à partir de 1996, l'expression "l'économie de l'attention" émerge. Cependant, l'origine de cette expression remonte à un article de Herbert Simon (économiste et sociologue américain), publié en 1971. Il oppose les sociétés du passé, caractérisées comme « pauvres en informations », à nos sociétés actuelles, « riches en informations ».

    La différence tient donc à ce que nous avons tous désormais accès à une quantité d’informations pertinentes (voire indispensables pour nos pratiques) bien supérieure aux capacités attentionnelles dont nous disposons pour en prendre connaissance (voir sur ce point le livre L’Économie de l’attention. Nouvel horizon du capitalisme ?, sous la direction de Yves Citton, La Découverte, 2014).  

    L'économie de l'attention est une nouvelle branche des sciences économiques et de gestion. Elle a pour fonction de traiter l'attention comme une ressource rare en prenant appui sur les théories économiques afin de problématiser, comme le souligne Daniel Kaplan,  « le fonctionnement de marchés dans lesquels l’offre est abondante (et donc économiquement dévalorisée) et la ressource rare devient le temps et l’attention des consommateurs ». 

    On retrouve ce prisme dans le cadre du marketing. Notamment dans le modèle AIDA : attirer l’Attention, susciter l’Intérêt, provoquer le Désir, inciter à l’Action.

    Notons que jusqu'ici tout va bien... Sommes-nous en sûrs ? 

    Prenons un exemple simple : nous aimons avoir des outils qui facilitent notre créativité... Ils la simplifient : smartphone pour faire des photos, instagram pour avoir des filtres déjà faits, Canva pour faire de la mise en page, Word, Pages, etc. - autant d'outils qui nous sont communs mais qui nous enferment dans une habitude créative. Nous ne sortons que très rarement des "templates", des modèles de mises en page proposés.

    Et pourtant, nous utilisons une marque Apple dont le slogan est "Think Different"... Mais comment pourrions-nous penser différemment avec des objets déjà encadrés, prêts à l'emploi qui ne favorisent peu ou pas un imaginaire disruptif ?

    La complexité de notre société tient dans la multiplication des paradoxes auxquels, nous sommes soumis. 

    Mais où est notre attention ?

    Elle se cadre, et, dans le même temps, se déplie au fil des algorithmes qui nous propose des contenus fidèles à notre identité numérique calculée. 

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    Faut-il, dès lors, penser un RetroDesign de l'attention ? C'est l'une des questions que pose le Think Tank Fing qui s'intéresse aux transformations numériques. Mais attention, s'il faut penser un tel design de l'attention, nous devons le penser selon une certaine éthique. Cela signifie que les algorithmes qui entourent notre pratique, doivent être repensés non pour nous faire perdre du temps, mais bien pour en gagner afin d'augmenter nos capacités (cognitives par exemple).  

    Comme l'a démontré Natasha Schüll, la dépendance se travaille avec le design. « Tout bon chercheur sur ce sujet reconnaîtra que la dépendance est en grande partie une question de rythme des récompenses et renforcements, c’est-à-dire une question de fréquence. » 

    Elle s'est intéressée à la conception de la dépendance dans l’univers des machines à sous (voir son ouvrage Addiction by Design – Machine Gambling in Las Vegas).

    Nous pouvons également lister les autres détournements de notre attention :

    • le Fomo (Fear of missing out) ou "la peur de manquer" : voir ce que font les autres, ce qu'ils disent, ce qu'ils ont mis en avant, etc. Cette peur est sans limite, il suffit de regarder les comportements autour de soi dans les transports, dans les écoles. La seule façon de ne pas subir c'est de déprogrammer les alertes, de ne plus se servir de son téléphone comme réveil (pour ne plus avoir la tentation de regarder les posts de la nuit de son réseau).
    • L'approbation sociale : nous cherchons tous à être reconnus. Avoir des likes, avoir des coeurs sur des posts... c'est une médaille de plus accrochée à notre inconscient. 
    • La réciprocité sociale :  qui que nous soyons, nous sommes très sensibles à la réciprocité des gestes. Si vous me dites bonjour, je dois vous le dire également. Regardez au début de Facebook les "poke"... aujourd'hui dans messenger vous pouvez envoyer des simples "hello"... Nombreuses sont les plateformes web qui utilisent cette faille de notre psychologie.
    • "Le gavage" : les pages sans fin, les flux infinis, les vidéos qui se lancent toutes seules… Pour nous intimer l'ordre de consommer, le mieux est de continuer à nous donner à manger, même lorsque nous n’avons plus faim. 
    • L’interruption instantanée : les messages qui nous interrompent immédiatement sont plus convaincants. Ainsi, Facebook Messenger indique automatiquement à l’expéditeur lorsque nous avons “vu” un message. Indirectement, nous sommes ainsi contraints à répondre puisque nous savons que l’autre a vu que nous avions lu le message. Cela est valable sur Snap également...
    • Les valeurs de l'entreprises entremêlées avec nos valeurs personnelles. Cet entremêlement rend difficile le fait de quitter une plateforme dont nous avons l'impression qu'elle incarne tout ou partie de nos valeurs personnelles.
    • Le biais cognitif de l'absence de choix. Bien que ce ne soit qu'un biais cognitif, nombreux sont ceux qui considèrent que le seul moteur de recherche est Google... 

    Comme le souligne Tristan Harris, il est parfaitement possible de créer une technologie qui ne nous ferait pas perdre de temps et qui éviterait les détournements d'attention.  

     

     

     

     

    Mais l'attention c'est quoi ?

    Faisons quelques petits jeux...


    Nous ne voyons pas ce qui change doucement. Notre attention est limitée temporellement et nous sommes peu réceptifs au changement progressif. C’est ce qui explique, notamment, que nous ne nous voyons pas vieillir.

    Notre attention est limitée dans le temps. Et nous sommes bien plus attentifs à ce qui bouge vite, à ce qui clignote (d'où les systèmes de récompenses dans les jeux)…Nous sommes loin d'être attentifs au changement progressif. 

    Essayons encore une fois avec une autre vidéo :


    Si nous nous concentrons sur quelque chose, nous ne pouvons nous concentrer sur autre chose. C’est ce qui explique en grande partie l’hyper-compétitivité à l’égard de la captation de notre attention.

    Pourtant, chaque jour, nous tentons de faire plusieurs choses en même temps. Y sommes-nous attentifs ?