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xi jinping

  • Comprendre le 14ème plan quinquennal chinois

    Comprendre l’enjeu de ce quatorzième plan quinquennal (2021-2025), c’est mesurer sa place dans l’histoire de la Chine. Il y a, au coeur de l’histoire chinoise, une continuité de vision et donc de politique. Chaque plan quinquennal est destiné à planifier les projets importants, la distribution des forces productives, les liens entre les secteurs économiques. Il permet de fixer les objectifs du développement économique et social de la Chine sur le long terme. Le plan a été annoncé par un communiqué de presse le 29 octobre 2020 à l’issue de la 5e session plénière du 19e Comité Central du Parti Communiste Chinois. Il sera soumis à l’approbation de l’Assemblée Nationale Populaire en mars 2021, est le fruit des réflexions menées au sein du Bureau Politique de la Commission de la Réforme et du Développement. 

    Retour sur les premiers plans quinquennaux 

    Sous l’impulsion de Mao Zedong (毛澤東 ), le premier plan quinquennal (1953-1957) a jeté les bases de l’industrialisation en Chine, et, a permis la mise en place de coopératives agricoles. Dans ce premier plan, émerge la vision de la transformation socialiste de la société chinoise. Le deuxième plan (1958-1962) a poursuivi cette construction de l’industrie et a initié le développement des transports et des infrastructures commerciales. Initié par Mao Zedong puis poursuivi par Liu Shaoqi (劉少奇), l’objectif de ce plan était de commencer à élever le niveau de vie de la population chinoise.

    Le troisième plan quinquennal (1966-1970) initié par Liu Shaoqi est mis en place par Song Qingling (宋慶齡) présidente par intérim de 1968 à 1972 (notons que c'est une femme, et oui la Chine a eu une femme présidente). Ce plan renforce l’agriculture et l’artisanat pour résoudre l’essentiel des problèmes de nourriture. Mais il met également en place une défense nationale pour trouver des solutions technologiques nouvelles. Dong Biwu (董必武) prend la suite de la présidence par intérim jusqu’en 1975. Il met en place le quatrième plan (1971-1975) qui fixe la valeur globale des productions industrielle et agricole à une augmentation de 12,5% par an. Durant les cinq années, plus de 130 milliards de yuans sont investis pour développer les infrastructures.

    De 1975 à 1983 se succèdent Zhu De (朱德) et Ye Jianying (葉劍英). Ils poursuivent la politique de transformation du pays.

    Le cinquième plan (1976-1980) vise à dresser un système industriel et un système économique indépendants et complets. En 1978, ce plan a été modifié de façon à produire 60 millions de tonnes d’acier et de 250 millions de tonnes de pétrole en 1985. Ce qui a permis à la Chine de poursuivre les constructions de grande envergure.

    Le sixième plan quinquennal (1980-1985) met en évidence onze points essentiels à suivre de la valeur globale des productions industrielle et agricole au renforcement de la protection de l’environnement tout en cherchant à développer l'attractivité de la Chine. Li Xiannian (李先念) président de 1983 à 1988 poursuit cet engagement et met en place le septième plan (1986-1990). Le quatrième point de ce plan est essentiel car il vise à poursuivre la restructuration des secteurs d’activité afin de s’adapter au changement de la demande sociale et aux besoins de la modernisation de l’économie. Le dixième point de ce plan vise à renforcer l’édification de la civilisation socialiste parallèlement au progrès de la civilisation. Ce point est très important car s’y loge le principe de continuité de la société chinoise et les origines de la construction de la vision du “socialisme à la chinoise”. 

    De 1988 à 1992, Yang Shangkun (杨尚昆) exerce les fonctions de président de la république populaire de Chine. Il met en place le huitième plan quinquennal (1991-1995). Cette période est un tournant majeur pour la société chinoise. L'économie nationale s'est développée de manière rapide et soutenue. Durant ce quinquennat, la plus grande réalisation consiste à atteindre, cinq ans avant terme, l'objectif stratégique de quadrupler le PNB en vingt ans, à partir de 1980. En 1995, le PNB a atteint 5 760 milliards de yuans, soit 4,3 fois plus que celui de 1980, déduction faite du facteur des prix. Cela constitue un succès extraordinaire et un jalon important dans l'histoire du développement économique de la Chine.

    La réforme du système économique a connu un progrès spectaculaire : le système financier centré sur la séparation des impôts d'Etat et des impôts locaux et le système fiscal centré sur la TVA ont été établis. La monnaie chinoise s’aligne désormais sur les devises étrangères. 

     

    De 1993 à 2003, Jiang Zemin (江澤民) est président de la République populaire de Chine. Non seulement il renforce la bonne situation financière de la Chine mais il propose un neuvième plan quinquennal (1996-2000) qui va au-delà de ces cinq ans. Il invite à structurer l’avenir de la Chine.  Le 28 septembre 1995, la cinquième session plénière du CC issu du XIVe congrès du PCC a approuvé la « Proposition relative au 9e plan quinquennal de développement économique et social et aux objectifs de long terme de 2010 ». C'est le premier plan de long et moyen terme de la Chine, dans les conditions de l'économie de marché socialiste, et un programme transéculaire pour le développement. 

    Ce plan marque un nouveau tournant, il propose d’éradiquer l’essentiel de la pauvreté afin de permettre à tous de profiter d’un niveau de vie confortable. Il s’agit également de jeter les bases de l’économie de marché socialiste.  

    Hu Jintao (胡锦涛) est élu président de 2003 à 2013. Sous son mandat il aura à suivre le dixième et le onzième plan quinquennal. Les principaux objectifs du dixième plan quinquennal (2001-2005) sont les suivants : développer la croissance économique (à 7% par an), faire en sorte qu’en 2005, le PNB atteigne les 12500 milliards de yuans, et de maintenir le chômage à 5%. Le onzième plan (2006-2011) a pour vocation de poursuivre la structuration de l’économie chinoise, la croissance doit être maintenue et la cadence de changement soutenue. Il y est également énoncé l’importance de l’innovation.

     

    Sous la présidence de Xi Jinping

    Si le douzième plan est énoncé par Hu Jintao, il sera pour partie mis en oeuvre par Xi Jinping qui prend ses fonctions en mars 2013. L’objectif principal de ce plan vise le rééquilibrage de l’économie afin de développer la consommation domestique, il s’agit donc d’orienter la croissance urbaine et littorale vers les territoires intérieurs. 

    Mais en 2013, Xi Jinping lance également un projet celui “Une ceinture, une route” (One Belt, one road) une proposition ouverte et inclusive visant à encourager la demande intérieure et l'emploi dans les pays le long de la route, ainsi qu'à promouvoir la reprise de l'économie mondiale. L’idée principale consiste à faire revivre les anciennes Routes de la Soie mais également de relier les différents continents. En lançant cette initiative, la Chine se propose de redessiner le monde et ses échanges. 

    Dans un monde devenu mondialisé, la Chine doit désormais assumer sa position dominante, sans pour autant lâcher sa population et sa structuration intérieure. Et c’est là qu’intervient le treizième plan quinquennal (2016-2020). Il s’agit pour la Chine de réduire son déficit public à 3% du PIB, et de stabiliser sa monnaie. Il s’agit également de développer de nouveaux emplois afin d’éviter toute hausse du chômage. En parallèle, il s’agit de restructurer son industrie. Mais il s’agit aussi d’anticiper les changements de 2020, la taille de la population qui nécessite la création de nouvelles infrastructures, la création de villes nouvelles et donc de nouveaux réseaux routiers. C’est aussi dans ce plan que l’on voit émerger la notion d’industries stratégiques : les énergies nouvelles, les matières nouvelles, l’aéronautique, la biotechnologie, la protection environnementale, les technologies de l’information, l’Internet Plus et l’intelligence artificielle (“Made in China 2025”).  Ce plan est à la fois signe d’une transformation profonde de la Chine mais aussi gage de son ouverture au monde. Le projet des Routes de la Soie se double d’un projet digital sans précédent.

     

    De l’importance de ce quatorzième plan quinquennal

    Tandis que le monde peine à sortir de la pandémie de Covid-19 qui a mis à l’arrêt l’économie mondiale, la Chine montre que non seulement elle a su prendre soin de sa population mais également travaillé à l’établissement d’une économie partagée. Plusieurs discours de Xi Jinping avant l’annonce de la réflexion sur la plan quinquennal ont insisté sur deux points : la pacification du monde et la mise en place d’un monde multipolaire. Ces deux points se retrouvent dans les grands points de ce quatorzième plan quinquennal.

    Le premier point énonce que la Chine va promouvoir activement un “environnement extérieur stable”. Il s’agit donc de garantir une économie de paix, qui favorise les coopérations et la stratégie gagnant-gagnant. Nous retrouvons ici l’idée force de la “communauté de destins” évoquée lors du treizième plan. 

    Le second point prouve l’engagement de la Chine dans la réforme du système de gouvernance globale. Il s’agit de protéger et d'améliorer les organisations internationales existantes comme l’OMS. Il s'agit également de promouvoir les échanges. La Chine s’engage à rendre le système de gouvernance économique mondiale plus équitable et rationnel. 

    Le troisième grand axe développé est à nouveau celui des technologies innovantes de l’information. Sur ce point il s’agit de bâtir un monde numérique plus équitable, plus juste. Les technologies doivent servir à améliorer les conditions de vies humaines et à renforcer la communauté de destins partagés. Les informations doivent aider les entreprises à devenir innovantes et à respecter l’environnement. C’est un point très important pour comprendre les enjeux de l’Intelligence artificielle en Chine. 

    Le quatrième et le cinquième points, de ce nouveau plan, évoquent clairement l’inclusion de la Chine dans les échanges mondiaux. La Chine poursuit son ouverture au monde et elle propose également au monde d’entrer davantage sur son territoire. Pour aider à cette ouverture, elle mise sur la création de nouvelles zones de libre-échange. 

     

    Pour conclure 

    Ce plan énonce clairement la stratégie de la Chine pour faire face à la “guerre économique” proposée par les États-Unis. La Chine poursuit sa volonté pacifique. Mais ce plan est aussi la preuve d’une réflexion historique et continue que le gouvernement chinois a depuis les années 1950. Tout au long de son histoire, le gouvernement a choisi de placer les intérêts de sa population en premier. La mise à l’arrêt de la Chine lors de la découverte de la pandémie en a été le signe évident. Cette continuité à la fois de réflexions et d’actions va permettre l’édification de la société de moyenne aisance en Chine. Et c’est déjà une réussite. Car depuis les années 1950, ce sont près de 800 millions de personnes qui sont sorties de la pauvreté. Il est particulièrement remarquable de voir qu’au cours de ces cinq dernières années, 55,75 millions de résidents ruraux sont sortis de la pauvreté. Ainsi la Chine devrait atteindre avec une dizaine d’années d’avance son objectif fixé d’éradication de la pauvreté fixé dans le Programme de développement durable à l’horizon 2030 des Nations Unies. Tandis que les objectifs du treizième plan quinquennal sont sur le point d’être accomplis, la Chine avec ce quatorzième plan propose un avenir prometteur à ces citoyens mais au monde aussi en faisant de la Chine un pays encore plus ouvert et moderne.





  • La Route de la Soie réveille les craintes occidentales

    Faisons un peu d'histoire, avant de nous lancer dans l'actualité de la Route de la Soie. Même si nous ne la connaissons pas nécessairement. Elle sonne pour chacun comme une route reliant l'orient à l'occident, ou l'inverse. Nous imaginons toujours des voyageurs partant de Paris ou de Turquie pour aller à pieds, à cheval, ou en voiture vers l'orient. Ces voyages sonnent avec brigands de grand chemin, ou aventure incroyable. 

    En fait, la Route de la Soie, historiquement c'est un peu tout cela à la fois. Elle désigne, en effet, un réseau ancien de routes commerciales entre l'Asie et l'Europe, reliant la ville de Chang'an (actuelle Xi'an) en Chine à la ville d'Antioche, en Syrie médiévale (aujourd'hui en Turquie). Elle sert à faire transiter de nombreuses marchandises. Elle tire son nom de la plus précieuse marchandise qui y transitait : la soie. D'où dans la culture chinoise, l'importance de tisser le fil de soie entre chaque individu. 

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    Pendant des siècles, elle a été d'une très grande importance non seulement pour les échanges économiques mais également pour les échanges culturels. Il est intéressant de se rendre dans le Xinjiang pour en découvrir les traces et voir comment, elle revit avec la force de la politique de Xi Jinping. 

    Les plus anciennes de traces de la route de la soie remontent à plus de 2000 ans avant notre ère. Mais c'est sous la dynastie Han (de 221 avant J.-C. à 220 après J.-C.) qu'elle se développe. La dynastie Tang aussi lui consacre des fonds et cherche à l'étendre. À partir du XV° siècle, la Route de la Soie se voit de façon progressive abandonnée. La chute de Constantinople, les conflits turco-byzantins finissent par détourner les Occidentaux de cette voie. La volonté hégémonique occidentale va se déployer par la mer. L'Occident cherche alors une nouvelle route vers les Indes.

     

    La Route de la Soie ou la peur occidentale d'un envahissement

    Une chose m'intéresse beaucoup, quand on regarde cette histoire, les routes (ses milliers de chemins qui parcourent les montagnes, comme les déserts, comme les prairies) ne portaient pas de nom. On indiquait juste les points cardinaux ou les noms des grandes villes. L'apparition de l'expression "la Route de la Soie" est due au géographe allemand Ferdinand von Richthofen. 

    C'est d'ailleurs amusant de voir que cette expression va très vite enfermée une crainte : celle de la colonisation du continent européen par une autre civilisation. Cette peur a très vite masqué les apports fondamentaux de cette route : boussole, poudre à canon, papier-monnaie, imprimerie. Toutes ces inventions viennent de Chine. Face à de tels savoirs, ou de telles performances, il faut revenir à soi, à son identité. Les frontières s'érigent en gardiens des "cultures", des "identités". 

     

    Le XIX° siècle ou l'instauration des régimes constitutionnels en Europe

    La période charnière est celle de la chute de l'Empire napoléonien (1812-1815). En 1815, les Pays-Bas, la Pologne, la Suède et la Norvège possèdent une Constitution. Après les mouvements révolutionnaires de 1830 opposant libéraux et contre-révolutionnaires, l'Espagne et le Portugal adoptent un régime constitutionnel. Lors du Printemps des Peuples de 1848, de nombreux autres pays rejoignent le mouvement comme le Piémont, et certains pays modifient leurs institutions dans un sens plus libéral (Pays-Bas, Suisse ou Danemark). Les soulèvements de 1848 aboutissent à la chute de Metternich et l'obtention d'une Constitution dans la Prusse autoritaire.
    Le mouvement libéral atteint même les Etats les plus autoritaires comme l'Autriche-Hongrie, où l'empereur François-Joseph, anti-libéral au début de son règne (1848) devient un souverain constitutionnel.

    En France, nous le savons, et comme le souligne Ernest Lavisse, dans L'Histoire de la France contemporaine, le Second Empire est analysé en deux périodes par les historiens : la première qualifiée d'Empire autoritaire qui s'étend globalement de 1852 à 1860, et la seconde dite "Empire libéral", s'étalant globalement de 1860 à 1870. 

     

    En d'autres termes, si le XIX° siècle voit naître l'expression "Route de la Soie". Par là-même que l'on nomme ou désigne, on enferme, on encercle ce qui par essence est un flux, un mouvement perpétuel d'échanges. La "Route de la Soie" devient objet de recherche, c'est qu'elle n'existe donc plus. C'est un vestige.

     

    La Route de la Soie émerveille des écrivains

    Elle anime les esprits, l'imagination, elle fait tomber les mots. Elle nous enivre. A chaque période, les écrivains ont voulu en goûter les poussières pour la dresser en mythe. Mais elle est aussi ivresse de couleurs, de rencontres, de découvertes, de cultures. Rien n'a le même goût sur cette route, les milliers de kilomètres réveillent les yeux, transpercent le coeur. 

    Bien après Joseph Artur de Gobineau, Pierre Loti prend un thé dans les bazars d'Ispahan "avec les Circassiens, les Turcomans et les loqueteux". Sous sa plume, on s'émerveille devant «la place impériale, la merveille de la ville, [...] les minarets et les coupoles jaunes de l'antique mosquée du Vendredi, l'une des plus vieilles et des plus saintes de l'Iran». On sourit aux couleurs, aux arabesques. 

    Cependant on oublie souvent que des femmes ont aussi parcouru cette Route. N'oublions pas ici Ella Maillart. Elle emprunte cette route avec Peter Fleming (en février 1935). Ils quittent Pékin pour la Chine intérieure, de là, ils se lancent dans "l'inconnu démesuré".

    Ella Maillart est, pour moi, une clef dans l'histoire des visions du monde. Trop souvent oubliée ou négligée. Elle a, cependant, osé aller là où personne ne va. L'égalité ne se conquiert pas dans les discours, elle s'applique sur le terrain. La Route de la Soie, c'est la voie de la liberté. 

    C'est Paul Morand qui la décrit le mieux :

     "Celle que je veux dire, c'est une femme bottée de mouton, gantée de moufles, le teint cuit par l'altitude ou le vent du désert, qui explore des régions inaccessibles avec des Chinois, des Tibétains, des Russes, des Anglais dont elle reprise les chaussettes, panse les plaies, et avec lesquels elle dort en pleine innocence sous les étoiles … Et cette femme, c'est Ella Maillart."

     

    Avec elle, la Route de la Soie retrouve son aspect vivant. Elle lui redonne un élan, le plaisir de la jonction. On ne peut pas imaginer, sentir ce qu'elle a vu au fil des milliers de kilomètres en 1935. Mais la Route de la Soie redevient palpitante. 

    Car quel que soit le siècle, la Route de la Soie est vivante, elle passe au travers des guerres, elle peut raconter des histoires sur le monde, les pays, les mouvements de frontières. Elle contourne, passe au travers, elle oblige à s'interroger, à se confronter à ses propres limites. 

     

    La Route de la Soie renaît : le "marché européen" a peur

    Dans son livre blanc notamment et à plusieurs reprises lors des congrès, le président Xi Jinping a annoncé la volonté de créer et de mettre en oeuvre le projet "One Belt, one road" - "Une ceinture, une route". Ce projet est déjà bien établi et les partenariats signés.

    L'idée globale : redonner naissance à la Route de la Soie, de deux façons : terrestre et maritime. Terrestre par la Route et par le Chemin de fer. Le tracé de la Route avance depuis le Xinjiang vers l'Europe. En passant par le Kazakhstan, l’Asie centrale, le Nord de l’Iran, l’Irak, la Syrie, la Turquie. Mais elle vise également à redonner sa "chance" à l'Afghanistan, à l'Irak, et au Pakistan... Chaque pays peut construire un partenariat "gagnant-gagnant" avec la Chine.

    La seconde route de la Soie, baptisée "21st Century Maritime Silk Road" emprunte quant à elle les mers. De l’Asie à l’Europe, le tracé part des grands ports de la mer de Chine (en particulier Guangzhou/Canton), suit la Thaïlande et le Viêt-Nam, la Malaisie, croise Singapour et longe l’Indonésie, avant de rejoindre, via l’océan Indien, le Sri Lanka, puis la mer Rouge, le Golfe, et, enfin, le Canal de Suez et la Méditerranée. Un autre tracé est déjà envisagé via l’Afrique, notamment le Kenya. 

    A nouveau les médias s'affolent, s'acharnent à dénoncer une OPA chinoise. L'Europe tendrait à disparaître via cette initiative. 

    Une question, me vient n'avons-nous rien appris au cours de l'histoire de l'Europe ? N'avons-nous toujours pas compris que la fin des lumières n'est pas le fruit du hasard ? Mais bien la résultante d'un enfermement ? D'un repli sur soi (merci Emmanuel Kant).  Une route, une voie ferrée pour faciliter les échanges, entraîne non pas une disparition mais bien la volonté de grandir ensemble, d'améliorer notre existence et donc de (se) comprendre.

    Cependant le marché libéral européen n'a pas besoin de cela. Je dirais même qu'une population éduquée, comprenant les mécanismes auxquels elle répond (soit dit en passant une population éclairée) cela dérange. Voilà ce que bouleverse ce grand projet chinois. Nos habitudes mentales, nos soumissions volontaires au marché...

     

    La Route de la Soie ou la pacification du monde

    Certains parient sur le "choc des civilisations" de Samuel Huntington. Vous savez cette doctrine apparue en 1993 (dans un article de la revue Foreign Affairs). A l'époque, il y avait encore une interrogation. Puis elle est tombée avec le livre The Clash of Civilizations and the Remaking of World Order paru en 1996. Et évidemment, cette vision du monde repose sur la fin de la guerre froide. Afin de faire face à se déséquilibre des forces, les "civilisations" vont devoir se rassembler sur leurs forces communes. Il définit huit civilisations : occidentale, latino-américaine, africaine, islamique, chinoise, hindoue, orthodoxe et japonaise.

    Dans ce contexte, on ne peut avoir qu'une vision négative de la civilisation chinoise, elle viendrait dévorer celle occidentale. C'est un peu curieux non ? Attendre le XXI° siècle pour cela, alors que c'est la plus ancienne civilisation ?

    Evidemment, cette théorise repose sur la peur, sur des mécanismes archaïques et sur l'absence de compréhension du métissage des civilisations. Aujourd'hui nous pouvons être nés au Vietnam, vivre à Paris, épouser un Canadien, et finalement aller vivre en Australie... 

    En fait, la vision de Samuel Huntington ne nous fait pas grandir. Elle ne tient pas à remettre en cause, les limites du système dans lequel nous vivons. Nous devons regarder l'Occident tel qu'il est : vieux, fatigué, englué dans des histoires coloniales et surtout tellement épuisé qu'il n'arrive pas à se projeter dans un autre système de pensée. 

    Or le projet de la Route de la Soie, ce n'est que cela. Il ne s'agit pas de tirer un trait pour effacer. Il s'agit d'ouvrir, de défricher. Sans cela, oui l'Occident va s'éteindre. Il s'agit de faire un constat et de réveiller les esprits. 

    Dans son livre blanc Xi Jinping explique qu'il souhaite affirmer "le socialisme à la chinoise". Le socialisme a toujours fait peur à l'Occident. Mais cette affirmation par Xi Jinping signifie en fait les points suivants :

    • l’indépendance : la Chine reste non alignée
    • le multipolarisme : aucun pays ne domine
    • le double système : « un pays deux système » (comme avec Hong Kong)
    • le développement pacifique : il ne s’agit pas de créer une hégémonie nouvelle, il s’agit de collaborer ensemble avec les pays pour dessiner un bel avenir ensemble.
    • la coopération est internationale, les affaires sont multilatérales.

    Cette multipolarité comme ce travail en coopération font peur en Europe, un continent qui n'a connu que des guerres pour définir ses frontières intérieures. Et qui aujourd'hui ne sait plus comment il fonctionne. Surtout que l'Europe n'est même plus maître de ses propres guerres. Elles sont dessinées, façonnées par d'autres, les gouvernances nationales n'ont plus qu'à obéir aux injonctions.

    La Route de la Soie nous offre la possibilité de rebattre les cartes de la géopolitique internationale. Elle nous oblige à prendre en considération que les anciennes colonies ont grandi, qu'elles sont autonomes. Et qu'elles sont porteuses de nouveaux marchés.

    La Route de la Soie nous permet de nous repenser, d'inventer un nouveau système de valeurs.

    Il n'est sans doute pas trop tard.

    Mais une chose est sûre, si l'état nation disparaît en Europe, ce ne sera pas au profit de l'Europe mais bien au profit des multi-nationales (du GAFA). Personnellement, je n'ai pas envie de vivre dans un pays nommé Facebook France ou Facebook Europe.