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  • Et vous, seriez-vous la génération IKKS ?

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    Évidemment, il ne fallait pas que je tombe sur cette vitrine. Et, comme, nous sommes dans l'époque du "en même temps", nous dirons que la vie est bien faite, quand même. N'est-ce pas là un fabuleux sujet ou objet de la rentrée 2021 ?

    Il y a tellement à dire que je ne sais plus très bien par où commencer ? Mais nous allons prendre un à un les éléments leurs polysémies, leurs détournements, de sens, ou même leur absurdité... 

    Génération IKKS

    Alors évidemment, comme je suis "vieille", je prononce I.K.K.S, mais ce n'est pas du tout comme cela qu'il faut l'entendre ! Il faut dire "X"...  

    Génération X ou IKKS comme on peut l'entendre et surtout le voir à 0,03 secondes dans le spot publicitaire  "Nous sommes la GENERATION IKKS". 

    Mais qu'est-ce que cette génération en majuscules ? 

    Étymologiquement, le mot "génération" désigne ceux qui vivent à la même époque (voir la fiche du CNRTL).

    Cependant, selon la marque, être la génération IKKS c'est :

    Nous sommes la génération IKKS. Ceux qui ont choisi d’être des esprits libres, parmi les esprits résignés. Ceux qui ont choisi de ne plus obéir à l’absurdité, et de rester légers quand tout devient lourd. Nous sommes la génération qui va devoir réparer le monde ancien, pour laisser un monde meilleur à nos enfants, Qui seront comme nous. La génération IKKS."

    Séduisant, n'est-ce pas ? Afin de pousser la séduction plus loin, le message a son égérie : Lou Doillon. Comme le souligne le magazine Gala qui note "Autour d’une team ultra transgénérationnelle venue incarner cette génération IKKS si affranchie, un visage bien connu des français et des aficionados de la maison".

    Attention, car le site TF1 Pub, nous explique que le spot publicitaire "Conçu par Jésus et Gabriel, l’agence de publicité d’IKKS, et réalisé par Bonasia et Narcisi (production Bandits), le spot nous rappelle qu’à l'origine IKKS voulait dire "x" en phonétique et que les valeurs de la génération "x" transcendent les âges."

    Pendant que les publicitaires se congratulent, autour de l'action de prolonger l'attention du téléspectateur ou du wbespectateur... En se jouant des neurones de nos gentils observateurs (je cite : "Le principe : créer la surprise en liant la dernière image du jingle pub à la 1ère image du spot IKKS. L'intégration publicitaire favorise l'attention en plongeant progressivement le téléspectateur dans l'univers de la marque.") il y a une question éthique à laquelle, tous les marqueteurs vont devoir faire face : une fois que vous aurez détruit les neurones des consommateurs, une fois que la société sera définitivement entrée dans une "idiocratie", aurez-vous encore quelque chose à vendre ? Vous inventerez, sans nul doute, la connerie en tube ? Celle dont ne se lassera pas du biberon à l'assiette, en passant par la perfusion dans les rêves...  Mince c'est déjà fait... j'oubliais...

    Mais alors reprenons, ce qui doit ici être analysé : les erreurs de sens, ou plus exactement les fausses promesses (pour ceux qui ne connaissent pas le marketing, il y a bel et bien une "promesse" dans les stratégies marketing et publicitaire - voir le site des définitions marketing).

    "Nous sommes la génération IKKS" ou donc "X" - Quel est donc ce "Nous", vous ou moi ? Dire "nous", c'est assimiler tout le monde... Mais c'est étrange de vouloir subsumer ainsi une telle différence, car une génération partage une époque, ou du moins, un temps précis. Pas nécessairement une marque, à moins que l'on cherche ici, de façon subtile, à faire entendre que la marque IKKS passe de génération en génération (c'est d'ailleurs la fin de la publicité "Qui seront comme nous. La génération IKKS.")... Là, nous pouvons voir que tout ceci est très éloigné de la définition de la génération X... 

    Génération X ou IKKS ?

    Revenons à la classification de William Strauss et Neil Howe (cf. Millennials Rising : The Next Great Generation, New York, Vintage,

    Petites explications sur cette Génération X. Située juste après les baby-boomers de l'après deuxième Guerre Mondiale. Cette génération émerge au moment du déclin social, de la mondialisation de l'économie et la fin de l'impérialisme colonial. Les mutations économiques et sociales des années 1980 puis 1990, entraînent une crise de l'emploi (moins d'emplois stables, dévalorisation des diplômes, etc.).

    Sans oublier que le "X" est le signe aussi du déclin de l'environnement et de l'augmentation de la pollution (marrée noire, pollutions nucléaires...).

    Génération, de ce fait, nomade, pour laquelle rien n'est impossible... car finalement elle a connu les conquêtes spatiales, l'émergence d'internet... Elle a également refusé les discours religieux, ou du moins questionné les croyances... Face à tout cela, émerge la contre-culture... Et par contre-culture, il faut entendre les mouvements Punk, le Street-art, le Grunge, une littérature plus trash, plus affranchie qui casse les codes... pour ceux qui aiment les expériences, il faut écouter, par exemple : The Cure, Nirvana ou  Vision of Disorder ... Bref la Génération X n'est pas la Génération d'une marque... Mais poursuivons...

     

    Qu'est-ce qu'un esprit libre ?

    Deuxième phrase qui décrit cette "génération IKKS" : "Ceux qui ont choisi d’être des esprits libres, parmi les esprits résignés". 

    Même si je comprends cette image, je me demande ce qu'est un "esprit résigné" en ce début de XXIe siècle... Est-ce celui (ou celle) qui n'a pas d'autres choix que la pratique de plusieurs petits boulots pour payer son loyer ou son prêt ? Est-ce celui (ou celle) qui se lève tous les jours pour travailler en horaires décalés ? Est-ce celui, qui après avoir manifesté pendant des années, obtient une augmentation des tarifs du gaz, de l'essence après un gel de quelques mois ? Et il y a mille autres exemples...  

    C'est là où l'on se dit, qu'en fait, il s'agit bien d'une génération IKKS et non X, car au passage, la génération X est bien énervée et a bien sous tension (volontairement ou non) tous les gouvernements (que ce soit par les arts, par sa liberté de ton, par son refus d'appartenance, par ses pratiques...)...

    Mais revenons au plus important : "l'esprit libre". Bien que nous puissions nous demander si cela est possible à un esprit d'être libre (d'une part parce qu'il est enfermé dans une boîte crânienne et d'autre part parce qu'il obéit à des schémas physiologiques et psychologiques), nous devons nous référer à ce que signifie cette expression.

    Initialement, c'est l'Inquisition qui désigne, par "Libre-esprit" un courant de pensée qui se répand à travers l'Europe. L'esprit est libéré du superflu et put ainsi se consacrer à Dieu... Rappelons que l'Inquisition est un "tribunal" créé au XIIIe siècle par l'Église catholique et relevant du droit canonique dont le but est de combattre toute forme d'hérésie. En d'autres termes soit vous respectiez les dogmes de l'Église soit vous receviez une peine variant de simples peines spirituelles (prières, pénitences) à la confiscation de tous vos biens ou encore à la peine de mort.

    Il faut attendre Nietzsche pour que la notion "d'Esprit libre" désigne un esprit dégagé de tout préjugé. Le Freigeist de Nietzsche se trouve au chapitre II de son ouvrage Par delà le bien et le mal. Notons, cependant, que Nietzsche dénonce l'illusion du libre-arbitre, né d’une interprétation erronée de la psychologie humaine liée à l’emprise de la morale chrétienne sur la civilisation moderne. La liberté est alors une lutte de soi à soi pour déconstruire son savoir, ses émotions... 

    Vous voyez le paradoxe, comment pouvons-nous être libres si nous sommes IKKS (une marque donc) ?  Finalement n'est-ce pas être résigné que de porter des vêtements avec des slogans de liberté, ou encore avec des slogans du type "je fais ce que je veux" ou "laissez-moi faire ce que je veux" en anglais car cela passe mieux...

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    Petite citation de Nietzsche pour nous remettre de cette émotion "Si les esprits libres ont raison, les esprits serfs ont tort, peu importe que les premiers soient arrivés au vrai par immoralité, que les autres, par moralité, se soient jusqu'ici tenus au faux. - Au reste, il n'est pas de l'essence de l'esprit libre d'avoir des vues plus justes, mais seulement de s'être affranchi du traditionnel, que ce soit avec bonheur ou avec insuccès. Pour l'ordinaire toutefois il aura la vérité de son côté, ou du moins l'esprit de la recherche de la vérité : il cherche, lui, des raisons, les autres une croyance" (Humain, trop humain, I §225). 

    Je tiens à rassurer la marque IKKS, vous n'êtes pas la seule, à en vouloir à cette liberté, à ce doux miroir de l'esprit libre... Attention, 2021 vient avec son lot de liberté (paradoxale puisque commerciale) : le Club Med a lancé en mai 2021 son "esprit libre", la BNP a aussi ses formules "esprit libre", etc. Il y a même des thérapies, des coaching, des team-building... Bref du vide, du creux en somme...

     

    "Ne plus obéir à l'absurdité" :

    Mais oui que ce morceau de phrase est génial. J'adore ! (comme Dior, nan je plaisante). Si j'étais devenue une fan de Heidegger, je vous dirai que "ne plus obéir à l'absurdité" de notre existence, c'est en avoir fini avec le Dasein, à savoir l'être-là pour la mort ! Ce serait génial : finie la mort... une vie éternelle à baigner dans le consumérisme, avec le confort des marques pour se rassurer. C'est un peu comme cela que j'interprète cette phrase "Ceux qui ont choisi de ne plus obéir à l’absurdité, et de rester légers quand tout devient lourd."

    "Quand tout devient lourd" ? Qu'est-ce que cela signifie ? Notre monde est-il trop triste ? Face à cette tristesse, "soyons légers" car tout est foutu ? Oui "soyons légers" parce qu'il faut "s'en foutre". C'est vrai que notre actualité n'est pas top : les femmes à Kaboul, les attentats, les réfugiés climatiques, l'environnement, la pollution, la fin des ressources... Mais restons légers "consommons" donc sans nous poser de questions... Car c'est bien là que se referme le piège de l'attention

    Au fait, IKKS ? Vous fabriquez vos vêtements en France ? Vous évitez les polluants ? Vous n'exploitez personne ? Et votre entreprise est-elle le symbole de l'égalité salariale ?

    "Pour laisser un monde meilleur à nos enfants"

    Je vous cite, à nouveau "Nous sommes la génération qui va devoir réparer le monde ancien, pour laisser un monde meilleur à nos enfants"... Donc dans ce "nous" globalisant, la génération IKKS va "réparer le monde ancien". Belle intention mais  dans le faits ?

    Initialement, vous étiez bien une marque française, fondée, en 1987, dans un village à la Séguinière, par Gérard Le Goff. Pendant plusieurs années, vous avez intégré le groupe Zannier. Puis en 2015, vous êtes vendu au fonds White Knight de Lbo France un des premiers acteurs français du prêt-à-porter moyen/haut de gamme avec une diffusion large : magasin, corners et revendeurs multi-marques (voir l'article des Échos).  

    Personnellement ce qui m'amuse, c'est de découvrir grâce au Guide des marques, qu'initialement Gérard Le Goff voulait appeler sa marque "X", ce qui risquait d'être un peu gênant (le X ou la classification de la pornographie). Enfin bref, pourquoi un tel retour sur les origines de la marque ? Après être noyée, il faut la distinguer des autres comme The Kooples ou autre ? 

    "Pour laisser un monde meilleur à nos enfants" il faudrait déjà arrêter de les prendre pour des cons et leur donner la possibilité de s'ouvrir à l'esprit critique. Cela permettrait sans doute de "réparer le monde ancien" et de gagner à être des "esprits libres" ou plus exactement "libérés" d'une charge mentale faite de débilités sans nom... Bref un peu de sémiologie et d'éthique publicitaire seraient les bienvenues ! Car c'est cela, avant tout, la génération X... 

  • Notre capacité d'attention est-elle soumise ?

    Prenons une profonde respiration. Regardons par la fenêtre. Que voyons-nous ? Sommes-nous, comme dans Les Méditations Métaphysiques de Descartes, dans l'impossibilité d'affirmer que ce sont bien des humains qui marchent dans la rue ? « Que vois-je de cette fenêtre, sinon des chapeaux et des manteaux, qui peuvent couvrir des spectres ou des hommes feints qui ne se remuent que par ressorts? Mais je juge que ce sont de vrais hommes, par la seule puissance de juger qui est en mon esprit, ce que je croyais voir de mes yeux ».

    Nous ne sommes plus à l'époque de Descartes, nous sommes au XXI° siècle. Nous avons été percutés de plein fouet par la technologie. Mais quelles sont les conséquences de cette "percussion" sur notre mode de fonctionnement. Aujourd'hui, grâce à Méta de Choc, je vous donne le choix suivant : écouter mes propos via deux épisodes (le temps d'un marathon) - n°1 & n°2 -  ou lire cet article jusqu'au bout de votre attention... Tout en sachant que l'article et les podcasts vont ensemble. Ils se complètent parfaitement.


    À quoi notre capacité d’attention est-elle soumise aujourd’hui ?

    D'abord nous devons chercher à définir notre "attention". Elle se définit par la tension de l'esprit vers un objet à l'exclusion de tout autre. Selon William James elle se définit comme la « Prise de possession par l’esprit, sous une forme claire et vive, d’un objet ou d’une suite de pensées parmi plusieurs qui semblent possibles [...] . Implique le retrait de certains objets afin de traiter plus efficacement les autres » (Extrait de The Principles of Psychology, Vol. 1, Chap. 11, « Attention », pp. 403-404).

    Notre capacité d'attention peut se définir comme le temps que nous nous accordons à la tension de notre esprit vers cet objet. Est-il possible de tordre notre capacité d'attention en la détournant ? En la soumettant à autre chose ? Ici quand on dit "à quoi est-elle soumise", je vais recentrer sur la "soumission librement consentie". Cette expression recouvre la traduction de Robert-Vincent Joule et Jean-Léon Beauvois (1987) d'un concept de psychologie sociale (Compliance without pressure) introduit par Jonathan L. Freedman et Scott C. Fraser en 1966.  Elle décrit la conséquence d'un procédé de persuasion qui conduit à donner l'impression aux individus concernés qu'ils sont les auteurs de certaines décisions. Cette « responsabilisation » a pour objectif de conduire une personne à prendre plus rapidement et plus facilement une décision qui peut ou non lui être bénéfique mais qui est surtout favorable à celui qui use de cette méthode.


    D'où vient cette soumission librement consentie ?

    Pour répondre, nous devons adopter le regard de l’épistémologue et mettre en regard différentes évolutions technologiques et scientifiques (y compris les sciences humaines).
    Le fil de l’histoire entre nouvelles technologies depuis la cybernétique, en passant par l’ingénierie du consentement (fantastique remplacement de la propagande via Edward Luis Bernays). La systématisation des esprits, l’automatisation des prises de décisions va avec le développement des techniques de marketing. Équation simple d’une société qui a besoin de reconstruire son économie à la suite de la seconde guerre mondiale. Il faut faire entrer l’idée qu’une démocratie fonctionne que si les individus consomment des produits, des biens, des services….

    Norbert Wiener, en 1947, (au même moment que l’ingénierie du consentement de Bernays…) développe la théorie de la cybernétique formé à partir du grec κῠβερνήτης « pilote, gouverneur », apparaît dans la classification des sciences proposée par André-Marie Ampère et désigne « la science du gouvernement des hommes ». C'est en 1947 qu'un nouveau sens pour la version anglaise de ce mot est choisi par le mathématicien Norbert Wiener. Son but était de donner une vision unifiée des domaines naissants de l'automatique, de l'électronique et de la théorie mathématique de l'information, en tant que « théorie entière de la commande et de la communication, aussi bien chez l'animal que dans la machine ».

    De son côté, E.L. Bernays écrit : "La manipulation consciente et intelligente des habitudes et opinions des masses est un élément important dans une société démocratique. Ceux qui manipulent ce mécanisme secret de la société constituent un gouvernement invisible qui est le vrai pouvoir dirigeant de notre pays. Nous sommes gouvernés, nos esprits sont modelés, nos goûts formés, nos idées suggérées pour la plus grande part par des hommes dont nous n'avons jamais entendu parler" (cf. Propaganda).

    Si nous devons citer quelques mécanismes, alors nous allons comprendre leur simplicité évidente :

    • les insultes (ou attaque ad hominem) : coco, fasciste, youpin, clodo, terroriste, anti-sémite, conspirationniste, complotiste, radical...
    • les généralités accrocheuses : civilisation, démocratie, la religion, patriotisme, l'amour, la santé...
    • les euphémismes : "dommage collatéral" au lieu de l'expression "victimes civiles", "TSPT (trouble de stress post-traumatique) au lieu de "névrose des tranchées"
    • le transfert d'autorité : user de l'autorité ou du prestige d'un symbole comme l'église (la croix), la démocratie (la statue de la liberté), la nation (l'oncle Sam) pour soutenir un programme ou une campagne. Également la médecine ou la science qu'on utilise pour renforcer un concept : par ex. "De plus en plus de médecins fument des Camel..."
    • utiliser les témoignages : citer une source respectable (par exemple : New York Times), une célébrité (Angelina Jolie) ou une figure du sport (Mohammed Ali) pour promouvoir par association d'idée un produit ou un concept.
    • Jouer avec la peur ou le sentiment de catastrophe / catastrophisme : la guerre froide est de retour, 11 septembre = peur du terrorisme.
    • Le prisme du sondage : utilisé pour changer un programme ou un concept mais les résultats peuvent être faussés selon les paramètres et les questions. Il est aussi facile d'utiliser les études corroborées par un comité d'experts.

    E.L. Bernays écrit : « l'ingénierie du consentement est l'essence même de la démocratie, la liberté de persuader et de suggérer » (cf. The Engineering of Consent, 1947).

    En 1962,  Jacques Ellul distingue deux types de propagande la propagande politique, très ancienne et dont on connait globalement aujourd'hui les modes de fonctionnement, et un nouveau type de propagande, la propagande sociologique : « La première (celle des gouvernements, partis et groupes de pression) se distingue de la seconde qui, moins visible, se rapproche de la socialisation, que l’on peut définir elle-même comme "processus d’inculcation des normes et valeurs dominantes par lequel une société intègre ses membres". Ellul oppose le caractère direct, délibéré et coercitif de la propagande politique (que l’on trouve en priorité dans les régimes totalitaires) au caractère "plus vaste", "plus incertain", idéologique, "diffus", inconscient et spontané, de la propagande sociologique. Celle-ci, que l’on répugne à désigner sous le terme de propagande dans nos démocraties pluralistes, agit "en douceur", par "imprégnation". Il s’exprime par la publicité, le cinéma commercial, les relations publiques, la technique en général, l’éducation scolaire, les services sociaux... En partie non intentionnelle, cette propagande repose sur ces activités multiples qui agissent de façon concordante comme un ensemble pour inculquer un certain mode de vie"  (source site de l'Association de Jacques Ellul "la propagande" par Patrick Troude-Chastenet, 2006)

    Pour comprendre cette évolution des mécanismes de l'influence, et donc de la torsion de notre attention. Nous devons prendre en considération, l'émergence de la publicité et de son "ombre" : le marketing.


    Le marketing de l’attention 

    Dans ce contexte, l'attention consiste à se mettre en position ou capacité de recevoir des informations dans le but de le traiter et prendre une décision. L'objectif d'un publicitaire consiste à déclencher l'attention de sa ou ses cibles par différents procédés. Capter l'attention pour déclencher un comportement et ou une intention comportementale sont les enjeux du marketing.

    Cette expression "marketing de l'attention", dans un sens restrictif, désigne un principe par lequel des individus sont rémunérés pour accorder de l’attention, lire, recevoir, ou réagir à des messages publicitaires. La rémunération est proposée par un éditeur de base de données qui loue sa base à des annonceurs, elle peut être monétaire ou se faire en offrant le support de réception des messages publicitaire (fax, tel mobile, accès Internet,etc.). L'autre expression également employée est "l’économie de l’attention".

    Nombreux modèles issus du marketing de l'attention n'ont pas connu de larges succès. Le surf rémunéré sur Internet ou les communications téléphoniques sponsorisées furent des exemples typiques de modèles d’économie de l’attention ayant rencontré l’échec. Au début des années 2000, des projets de distribution gratuite d’ordinateurs financés par la publicité furent même sérieusement évoqués et projetés. Et comme le site Elisabeth Feytit il y a eu des rémunérations proposées par Facebook à de jeunes internautes en échange de leurs données. 

    Maintenant, dans un sens plus large le "marketing de l’attention" fait également référence aux techniques publicitaires classiques qui cherchent à capitaliser sur l’attention apportée à un support publicitaire pour que celle-ci se transforme en attention portée au message publicitaire.

    Pour comprendre cela, il faut se remémorer le modèle dit AIDA :

    • A = attirer l'attention
    • I = susciter l'intérêt
    • D = provoquer le désir
    • A = inciter à l'action

    La hiérarchie des effets publicitaires est un modèle théorique d’explication de la persuasion publicitaire dans le cadre duquel plusieurs étapes doivent se succéder pour aboutir à la persuasion. Il existe plusieurs hiérarchies des effets publicitaires. La plus connue est probablement celle des chercheurs Lavidge et Steiner publiée en 1961.

    Les étapes de ce modèle sont les suivantes : notoriété > connaissance > attitude > préférence > conviction > achat.

    Mais finalement dans un monde où nous sommes percutés à chaque instant de messages (pas seulement publicitaires, les alertes d'informations, les messages personnels, les alertes concernant des jeux, des réseaux...), comment être certains que nous soyons attentifs ? Le marketing semble évoluer, depuis quelques années, vers la notion "d'intention".

    Du marketing de l’attention à celui de l’intention
    Le marketing de l’intention regroupe les techniques marketing basées sur la détection d’un signal d’intention. Ce dernier est ensuite utilisé pour soumettre un message marketing ou publicitaire dont la vocation est de transformer l’intention en action réalisée au profit de l’annonceur. Le plus souvent, le marketing de l’intention vise à exploiter la détection d’intentions plus ou moins directes d’achat, mais il peut également s’agir de détecter des intentions afin de tenter de les « décourager » comme par exemple dans le cadre de la prédiction du churn ou du retargeting on-site.

    Le marketing de l’intention regroupe donc de nombreux usages marketing :

    • usage des liens commerciaux ou du SEO pour cibler des requêtes « intentionnistes »
    • retargeting (la consultation d’une fiche produit est à priori un signal d’intention)
    • retargeting on-site (détection d’une intention de sortie)
    • relance panier
    • achat de fichiers d’intentionnistes ou de données intentionnistes

    La notion de marketing intentionniste est souvent liée à celle de marketing prédictif. C'est là qu'interviennent l'ensemble de nos datas que nous libérons gratuitement, spontanément partout. Là interviennent les nouvelles "customers data platform", les plateformes de récoltes des données clients. Elles savent tout de vous et bien plus (vos préférences horaires, sémantiques, vos trajets, votre carnet d'adresses, vos achats, etc.).

    Un instant nous pourrions nous croire protéger par cette masse de données (numériques ou non). Nous pourrions nous sentir en confiance, ce que nous faisons assez naturellement, puisqu'il nous est impossible de penser à tout cela, à chaque instant de notre existence. Nous pourrions également croire que finalement, nous ne sommes pas tant que cela attentifs aux publicités. Nous avons appris à vivre avec, à ne plus les voir... En sommes-nous si sûrs ?


    Attention publicitaire
    Dans le monde du marketing, nous parlons de l’attention publicitaire. Cette expression "d'attention publicitaire" recouvre l'un des grands facteurs d’efficacité publicitaire. Elle correspond au « A » du modèle A.I.D.A. Elle se traduit par l’attention apportée au message et constitue un préalable à la mémorisation. La notion d’attention publicitaire est complémentaire de celle de visibilité publicitaire.

    Selon les médias et supports publicitaires pris en considération, l’attention publicitaire est influencée par de nombreux facteurs :

    • disponibilité du contact exposé (un spectateur assis dans une salle de cinéma est plus disponible qu’un piéton)
    • implication à l’égard de l’univers produit
    • encombrement publicitaire
    • techniques d’accroche publicitaire utilisées


    Le potentiel d’attention publicitaire dépend notamment fortement du média publicitaire utilisé. L’attention publicitaire sur les formats display Internet est par exemple souvent limitée par le phénomène de « banner blindness ». L’attention publicitaire est également de plus en plus impactée par l’utilisation des smartphones et notamment par les pratiques de second écran en ce qui concerne la publicité TV.

    Pour certains médias et supports, l’attention publicitaire peut se mesurer par le biais d’études d’eye tracking ou par le biais d’indicateurs spécifiques tel que l’Alpha de l’attention. (Attention cependant à cette expression . Car « L’alpha d’attention » est un indicateur d’attention publicitaire développé par l’agence My Media en 2018 et destiné notamment à mesurer l’attention publicitaire potentiellement « accordée » aux différents médias publicitaires. Selon cette agence

    attention,méta de choc,soumission,data philosopher,numérique,internet,publicité
    Bien que les données de cette étude soient potentiellement intéressantes, il convient de noter que l’usage du terme Alpha (en lien avec le Bêta de mémorisation ou Le Bêta de Morgensztern) pourrait laisser à penser que ces valeurs sont issues d’études qualitatives / quantitatives menées sur le long terme alors qu’elles proviennent d’une « simple » étude déclarative ponctuelle réalisée par Harris Interactive auprès de 4.000 Français âgés de 15 ans et plus en Octobre 2018.


    Comment définir le concept  "d’économie de l’attention "?

    Les ressorts de la captation de notre attention sont toujours plus ou moins les même : l'habitude, la diversion, la réassurance...

    L'expression "économie de l'attention" a commencé à être utilisée en 1996. Son origine remonte à un article de l’économiste et sociologue américain Herbert Simon, publié en 1971, qui oppose les sociétés du passé, caractérisées comme « pauvres en informations », à nos sociétés actuelles, « riches en informations ».

    La différence tient à ce que nous avons tous désormais accès à une quantité d’informations pertinentes (voire indispensables pour nos pratiques) bien supérieure aux capacités attentionnelles dont nous disposons pour en prendre connaissance. Il convient donc de mettre au premier plan de nos analyses une nouvelle rareté : l’attention.

    En 1969, le chercheur Herbert Simon formule le concept en des termes plus précis : « Dans un monde riche en information, l'abondance d'information entraîne la pénurie d'une autre ressource : la rareté devient ce que consomme l'information. Ce que l'information consomme est assez évident : c'est l'attention de ses receveurs. Donc une abondance d'information crée une rareté de l'attention et le besoin de répartir efficacement cette attention parmi la surabondance des sources d'informations qui peuvent la consommer ». Pour les plus curieux, je vous renvoie à l'article de Stéphanie Arc dans le journal du CNRS et à l'essai de Yves Citton intitulé L’Économie de l’attention. Nouvel horizon du capitalisme ?

    Vous y découvrirez le fait que la différence entre ces deux périodes tient donc à ce que nous avons tous désormais accès à une quantité d’informations pertinentes (voire indispensables pour nos pratiques) bien supérieure aux capacités attentionnelles dont nous disposons pour en prendre connaissance. 

    L'économie de l'attention est une nouvelle branche des sciences économiques et de gestion. Elle a pour fonction de traiter l'attention comme une ressource rare en prenant appui sur les théories économiques afin de problématiser, comme le souligne Daniel Kaplan,  « le fonctionnement de marchés dans lesquels l’offre est abondante (et donc économiquement dévalorisée) et la ressource rare devient le temps et l’attention des consommateurs ». 

    Je n'ai pas ici évoqué les biais cognitifs ce que j'avais fit lors de mon précédent article sur la notion d'attention. Cependant ce petit tour de notre attention n'est pas là pour vous faire peur, mais bien pour tenter de vous inciter à méditer sur la seule attention qui vaille : celle à soi-même. Il ne s'agit pas de dénoncer des mécanismes, il s'agit d'en prendre conscience afin de mieux interagir avec eux et d'essayer de se dessiner un "espace à soi". Un territoire de l'intime qui pour le moment semble s'émietter, voire même à disparaître. Cet espace mérite de renaître, afin de ne pas parachever la création de ce que Marcus appelait l'homme unidimensionnel ou encore de ce que Musil appelait l'homme sans qualités. Mes recherches sont des invitations, des ponts jetés par dessus bord. " Un rêve sans étoile, est un rêve oublié" disait Paul Eluard, évitons de nous oublier nous-mêmes : redonnons de l'épaisseur qualitative à l'humain.

     

     

  • Eric Bompard

    Depuis des jours, les publicités de la marque Eric Bompard s'affichent

    Eric Bompard, publicité, pull

    Et moi, elles me font penser à celle-ci 

    Publicité, pull

    Petit rappel, cette publicité a été réalisée par l'agence "Publicité Bernard Cadène euro advertising". Elle  l'a créée pour les vêtements pour homme Paul Fourticq. Elle est passée au début des années 70 dans le magazine "Lui" dont le slogan était "le magazine de l’homme moderne".

     

  • Youtube & les marques


    C'est amusant de passer son temps à regarder les vidéos sur Youtube. Mais est-ce que nous sommes de bons stratèges pour autant ?

    Non ? 

    Connaissez-vous les règles simples de Youtube ? Voici un petit rappel, pour ceux qui n'arrivent pas à fixer avec attention le cours... Evidemment cette vidéo n'est pas très créative, elle ne ressemble pas à un film de fiction, mais elle est pleine de petits détails qui pourraient faire de vous, de futurs bons stratèges en termes de marketing sur Youtube... Bref devenez de vrais "Youtubeur(s) Marketeur(s)"