Michel Piriou
À chaque instant, il faudrait me demander ce qui me pousse à publier un auteur ? Chez moi, il y a un mélange de déraison et pragmatisme. Impossible à résumer, si ce n'est par une perception. Quelque chose m'emporte... puis me suit... je me retourne, je reviens vers les personnages qui me parlent, me conduisent sur de nouveaux territoires imaginaires.
Aujourd'hui, j'ai envie de prendre ce recul. Ce temps à la rencontre avec les auteurs publiés par la maison d'édition que j'ai créée (sur un drôle de coup de tête) : La Route de la Soie - Éditions. Et pour inaugurer cette série, j'ai envie de parler de Michel Piriou.
L'Âge de piastre
Nous avons débuté notre collaboration sur son premier texte intitulé L'Âge de piastre. Encore timide, je me familiarisais à peine avec mes logiciels "maison" de montage... Et pourtant ce manuscrit est venu me frapper le visage, comme le vent baigné d'écume sur ce Blavet. J'ai pris la houle, j'ai découvert la faim, les rats, les maladies, les Indes lointaines. J'ai quitté la rade de Lorient en empruntant cette route de la soie maritime. Les mois emportant les années, les amours, les hommes, les beuveries... Au fil d'une aventure qui coupe le souffle, et vous entraîne au-delà d'un thriller, il y a les détails historiques, savamment dénichés par Michel Piriou.
Mais d'où viennent ces piastres ? Le terme dérive de l'italien piastra, aphérèse du latin emplastrum au sens de plaque, en l'occurrence de métal (cf. CNRTL). Le mot vient en France aux XVIe siècle et XVIIe siècle, dénommant le teston, ce qui illustre le prestige de l'Italie en France à cette époque : dynamisme culturel et marchand de l'Italie de la Renaissance ; l'alliance franco-vénitienne de 1515...
Mais alors ce Blavet ? Michel Piriou l'a rencontré aux archives de la Marine. Il y a découvert des documents concernant un vaisseau de la Compagnie des Indes parti du port de Lorient pour la Chine au milieu du XVIIIe siècle. Dans son enquête, il trouve des informations du Duc de Béthune, toutes contiennent de nombreux détails sur les hommes (tailles, poids, maladies, etc.). Mais au milieu de ces détails, n'allez pas croire que le navire partait plein de marchandises... Bien au contraire. Pour rapporter les marchandises précieuses comme les différents épices (poivres, clou de girofle, muscade, cannelle), les cafés (Moka, Bourbon, Java) et les thés (noirs, verts et Bouy), mais aussi la soie, les cotonnades, et les porcelaines, il fallait partir avec des piastres d’argent en provenance des Amériques du centre et du Sud, ou achetés à Cadix. Le port de Lorient est ainsi devenu une véritable plaque tournante financière. La proportion de piastres dans les cargaisons pour la Chine ne cessent d’augmenter. Ainsi elles passent de 10% à la fin du XVIIe siècle à 50% à celle du XVIIIe. En suivant les mots de l'auteur, entrez en aventure, échangez vos piastres contre des épices et savourez les délices d'une lecture qui vous emportera au-delà des océans.
Anna Djorkaeff
Quittons l'histoire de la marine marchande, un instant. Nous ne quittons pas la mer qui habite chaque recoin des mots de l'oeuvre de Michel Piriou. Elle est là dans son balancier éternel, elle rythme sa grammaire. Et puis, il y a eu ce cliché, un jour : une femme assise face à la mer. Qui est-elle ? Qu'a-t-elle vu ? Qu'a-t-elle vécu ? Pourquoi regarde-t-elle la mer ainsi avec autant d'intensité ?
Michel Piriou vous le confiera " Vous vous doutez bien que si on écrit un livre sur quelqu’un, c’est qu’on a affaire à une personnalité particulière dans un récit de vie singulier." Anna Djorkaeff est un destin. Elle a traversé le XXe siècle avec un état civil et une nationalité erronés. Mais alors comment retrouver son identité ? Est-ce une bouteille jetée à la mer ? La mer et son ressac. Derrière elle, Anna laisse un journal intime, un carnet en interrogations, en rencontres et en enquêtes. Et ce banc devient le lieu central d'une révélation. La mer, toujours la mer... toujours les navires, les bateaux, et les échanges de vie, ou des amours portuaires...
Parfum d'or rouge
Voyez comme ce titre sonne et résonne ? Vous voyez comment le mystère Piriou s'épaissit... Voici venu le troisième opus : Parfum d'or rouge. Cette fois, c'est une expérimentation nouvelle, pour l'auteur. Il sort du polar, de l'enquête... Mais le fait-il vraiment ? Non car ici, en creux de ce titre, qui nous attire, nous découvrons une critique sévère de l'esclavagisme. Et puis, il y a le parfum de cette femme, qui est-elle ? Pouvons-nous la saisir ? Ou bien est-ce une disparition inquiétante qui nous conduira en Italie ? Et au final, n'est-ce pas le miroir parfait de nos entreprises de couples chaotiques ? Une dizaine de personnages, des ambiguïtés, des rêves contrariés... Une étude sur notre (in)humanité. Une expérience saisissante...
Le Pacte des signes
Peu de temps après le Parfum d'or rouge, Michel Piriou, me recontacte pour un nouveau projet "tout petit"... Mais comment peut-il dire cela ? Petit, immense par l'intimité de sa prose poétique. Dans le Pacte des signes, les mots sonnent, claquent, déchirent, entrouvrent les fenêtres. Ils font jaillir les horizons. Ils passent ici, on peut les frôler. Ils sentent l'amour, la vie, son tourbillon, ses joies, ses peines. Douce mélancolie teintée d'une folie d'écume. Entrez dans le jeu des sonorités écrites... À votre tour, déclamez les poèmes de Michel Piriou.
François Martin de Vitré, Apothicaire aventurier
Le dernier né de la grande plume de Michel Piriou. Il est tout frais de cet été. C'est un printemps, une aventure... Une vie, si singulière... Connaissez-vous cet apothicaire ? Il nous faut revenir en arrière, un instant... Car avant la Compagnie des Indes, il a fallu de nombreuses tentatives pour aboutir à la création de cette mythique compagnie. François Martin (1575 - 1631) est un voyageur et apothicaire français originaire de Vitré en Bretagne.
Un personnage, comme les aime Michel Piriou. Sixième enfant d'Etienne Martin, médecin à Vitré, et de Charlotte Morin, François Martin a été baptisé à l'église Notre-Dame de Vitré le 1er octobre 1575. Devenu compagnon-apothicaire, il fait le Tour de France. À Montpellier, il a suivi des cours à l'Université de Médecine. Diplôme en poche, il quitte alors cette ville pour tout autre ailleurs. Puis le 18 mai 1601, il embarque en qualité de chirurgien sur le Croissant, un des deux bâtiments, avec le Corbin, que les marchands de Saint-Malo, Vitré et Laval, équipèrent pour les Indes orientales. De là, je vous invite à suivre la plume de Michel Piriou pour rencontrer les aventures de cet homme hors-norme !
Vous l'aurez compris, Michel Piriou est un incontournable de la maison. Il fait chavirer les mots, il leur confère une nouvelle saveur. Une joie solaire. Une intensité sur les failles de notre humanité. Écrivain exigeant, aimant expérimenter les interstices de notre langue, il nous invite constamment à une remise en question de nos certitudes, et, à jouer avec l'histoire passée pour mieux en révéler sa continuité. Un auteur à découvrir, à rencontrer, à lire, à faire lire...