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  • Votre vie n'est pas un hashtag !

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    J'aurais souhaité que personne ne like cette première photographie, prise au hasard des rues.

    Allant comme un poisson faire mes longueurs. Mais à l'autre bout du processus de communication. Que peut le récepteur ? 

    Il like !

    Il met des coeurs...

    S'enthousiasme dans une communion (binaire, ordinaire).

    Une danse faussée.

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    A cette seconde image, un tournant, des feux, des directions multiples.

    Qu'est-ce qui peut être uni ?

    Un hashtag, peut-il résumer nos vies ? 

    On écoute des cailloux dans les poches.

    On demande le silence politique.

    On pleure.

    On devrait se rebeller.

    On devrait poser les questions qui fâchent.

    Celles qui font mal.

    Celles qui crient de leur silence.

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    Celles qui heurtent. Frappent. Saignent. Coincent. Encerclent. Tenaillent.

    Le corps. 

    Le corps meurtri.

    Celles qui réveillent, éveillent.

    Rendent le souffle au corps.

    A ce corps que l'on veut oublier à tout prix.

    Le corps individuel (re)devenu social. 

     

    Ce n'est pas Paris qui se souvient, ni Nice, ni Alep, ni Mossoul, ni Beyrouth, ni New-York, ni Bruxelles, ni Londres, ni Madrid...

    Non, c'est vous, c'est moi... 

    C'est Cécile qui (se) révèle avec Luck.

    Drôle de mot que celui de chance. Un mot qui apparaît au 12ème siècle. Cette chance rime avec cadence. Et dans le fond, ne serait-ce que cela ?

    Un pas plus pressé. Une écoute plus attentive. Le bruit. L'instinct. Les dés qui tombent d'un côté ou de l'autre. Une danse. Une assiette brisée. Un verre renversé. Une toile qui se déchire. Une étoile est tombée. Le siècle la ramassera.

    Une lueur repartira.

    La cadence.

    La scansion.

    Non.

    Nos vies ne sont pas des hashtags.

    Nos vies ne sont pas des successions de mots d'ordre.

    La vie est créative.

    ...Créer

    Créer

    Créer...

    La création, seul acte de résistance.

    L'ART n'est pas un hashtag...

    ... 

    ART

    ...

     

  • Aude Lancelin : Le monde libre

    Aude lancelin, médias, mots, histoire,

     

    Chère Aude Lancelin,

    Pour votre livre, j'ai envie de vous écrire une lettre. Une courte lettre de remerciement(s). Cependant, je les veux pluriels.

    D'abord parce que vous relatez vos engagements, votre vie, vos choix. Pour moi, ceci est très important. Un engagement dans une vie peut être multiforme, il prend une direction, et, à un nouveau croisement, il peut être remis en question. Il faut davantage en parler pour cette jeunesse qui "croit" que tout est linéaire. Non la vie n'est pas une ligne droite prédéterminée qui fait de vous un algorithme ou un like. La vie est amoureuse, complexe, subtile, elle change, elle bouleverse... Elle remet en cause les idéaux. 

    Dans un second temps, j'aime votre audace. La plume libère. Elle incise où il faut. Elle déchire le voile de l'histoire. 

    Par intermittence, je me demandais comment écrire sur votre texte, à la fois document, essai. Une note simple ne peut pas aller. Ce serait bâcler la lecture de votre travail. On doit vous lire, comme on découvre une oeuvre de pensée. 

    Vous êtes une audacieuse. Dans le bon sens du terme. Enfin de l'audace ! Celle dont on manque cruellement aujourd'hui. L'audace fait peur. Elle trouble l'ordre. Déjà, l'audace des bonnes questions : "comment ceux qui incarn(ai)ent la défense des opprimés, la cause sociale, peuvent avoir changé à ce point ?"

    Vous exprimez ici le renversement des valeurs. Après tout, ne serait-ce pas humain ? Qui fut résistant hier, se plie aujourd'hui à une drôle d'obéissance ? Nous courbons l'échine face aux nouveaux maux. Nous crions sans bruit.

    Quelque part en chemin, la presse s'est coupée de la réalité, de la narration des faits. Elle est devenue une presse d'actionnaire, narrant des storytelling à gogo. Rendant crédible des informations, donnant une couleur aux faits en activant le fabuleux levier de la croyance. Car tout être humain aime à croire les belles histoires. Gustave Le Bon, Edward Louis Bernays le savaient très bien. Le second en a joué jusqu'à sa mort, où dans un ultime rire, il a du prononcer cette phrase "c'est si facile"...

    La presse s'est coupée de son histoire. Elle a suivi les lanternes du marketing, de l'argent facile. Il faut nourrir la masse d'idées faciles, de concepts bêtes, lui donner des figures à aimer, à décrier. Surtout, la masse ne doit pas penser, elle doit l'obéissance. On devient adepte ainsi des étoiles ou des T dans Télérama. Pardon j'extrapole.

    Et en coulisse, il y a vous face à ce monstre qui ne dit pas son nom. L'ogre informe. "Comment me trouverai-je prise dans le drame qui n'allait pas tarder à se jouer place de la Bourse ? Depuis plusieurs mois, j'observais les manoeuvres en cours à "l'Obsolète". Les deux patrons historiques qui m'avaient recrutée comme directrice adjointe à Marianne venaient d'être ignominieusement licenciés, à la faveur d'un putsch actionnarial d'une rare brutalité" (Cf. Le monde libre, p.140).

    Tout ogre avale, conspue, dénigre... Il érige des barrières, fait des drames là où la pensée naît, fait taire... Mais les mots eux sont libres, ils peuvent sortir des carcans, détruire les arcanes en les donnant à voir. 

    Votre livre mériterait cette lettre de Victor Hugo, écrite à Baudelaire : "J’ai reçu, Monsieur, votre noble lettre et votre beau livre. L’art est comme l’azur, c’est le champ infini. Vous venez de le prouver. Vos fleurs du mal rayonnent et éblouissent comme des étoiles. Continuez. Je crie bravo de toutes mes forces à votre vigoureux esprit. Permettez-moi de finir ces quelques lignes par une félicitation. Une des rares décorations que le régime actuel peut accorder, vous venez de la recevoir. Ce qu’il appelle sa justice vous a condamné au nom de ce qu’il appelle sa morale. C’est là une couronne de plus.

    Je vous serre la main, poëte."

    Cette lettre date d'Août 1857. 

    La liberté de la pensée a toujours eu un prix. Sans doute celui du mépris en premier lieu. Quelle importance ? il s'agit de faire entendre un autre son, de donner à voir l'invisible, de renverser les idées reçues. C'est un long cheminement, mais des livres comme le vôtre en éclairent le chemin. Le terrain est celui des mots.

    Les mots des bureaux, les mots de machine à café, de déjeuner, de pouvoir rompu sur les fauteuils en cuir d'une brasserie parisienne. Quelle importance ?

    Ce qu'il faut, c'est faire entendre qu'autre chose est possible.Vos mots distillent le doute, percent l'aveuglement. Donnent à voir... L'ogre s'effacera face à une foule qui lui tournera le dos. 

     

     

  • Les assises de la traduction à Arles

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    Les mots sont des douceurs d'écume, fracasser dans le miroir des êtres. Ils jouent avec nos nerfs, nos rêves, nos croyances. La traduction demeure-t-elle impossible ? Tout langage ne pouvant dire qu'autre chose ? Face à l'impossible traduction que faut-il faire ? Une odyssée des langues et des questions de réceptions culturelles.

    Reste à entendre, le murmure de Umberto Eco "Laisse parler ton coeur, interroge les visages, n'écoute pas les langues..."

    Ecoutez les coeurs, les mots ne sont que des pulsations, des scansions infimes... Interrogeons les mots, chahutons-les...

     

  • Laurent Mauduit : Main basse sur l'information

     

    médias,manipulation,finance,indépendanceDepuis que j'ai commencé à travailler sur le langage, il y a bien longtemps en arborant fièrement un t-shirt avec des phrases de Samuel Beckett en seconde année de fac, ou encore dès le lycée en écoutant les conneries de mes camarades. Bref, j'ai attendu bien longtemps un livre comme celui-là. 

    Après le livre d'Ingrid Riocreux, je suis dans mon mois de lectures chanceuses. C'est vrai ! Enfin tout le monde s'y met, l'armure de la médiation se craquelle, les langues se délient.

    Et si concernant l'essai d'Ingrid Riocreux je partage bon nombre d'analyse, je dois faire remarquer que le consentement ne se fabrique plus. Il s'entretient. C'est fini, l'accès au mass média, à la culture de masse qui redemande des "ça pleut" ou des "télé-réalités où Nelson Mandela se confond avec un acteur américain", prolongent le consentement. On ne se demande plus "si on doit accepter les conditions d'utilisation de son smartphone". Cela commence là... 

    Bref, revenons au livre fabuleux de Laurent Mauduit. Hier, je ne l'ai pas lâché, je l'ai lu d'une phrase à l'autre en soulignant les passages truculents... Et il y en a tellement que j'ai eu la nausée. La nausée de ce monde que j'ai vu arriver, contre lequel je bataillais avec mes mots, choisissant constamment l'indépendance et son prix à payer : la précarité. 

    Qui détient les lignes téléphoniques, détient l'information ! En cours j'ai toujours dit aux étudiants qui détient l'information est le roi... Cela signifie aujourd'hui, comme évoqué dans l'article sur l'indépendance des médias, que tout média est possédé. Le terme possédé est ici très intéressant. 

    Qui possède le média, dénonce sa ligne éditoriale, change les équipes, balance des bons mots sur des livres à défendre (normal, ils appartiennent au même groupe)...

    Laurent Maudit me livre ici le complément d'information qu'il me manquait. L'ancrage dans l'histoire de la finance. Comme il le souligne à propos de Patrick Drahi (SFR) "Mais quiconque cherche à démêler l'invraisemblable lacis de holdings, groupes, sociétés, filiales ou sous-filiales de l'empire Drahi se perd dans un organigramme d'une infinie complexité, qui passe par d'innombrables pays et paradis fiscaux, et qui fait l'objet d'incessantes modifications" (Cf. p. 117).

    Pour moi c'est exactement cela, mais je n'ai jamais regardé à quel point tout n'est qu'entrelacs. Pourtant, j'aurais dû m'y pencher dès que j'ai mis un pied au secrétariat de la rédaction de l'Humanité. Simple remplaçante, mais tout était déjà visible. Le jeu des cartes déjà abattues. J'avais mis cela sur le compte de mon idéalisme, de ma jeunesse "rebelle"... 

    Mais que dire de Pierre Bergé au Monde ? "Tout le naufrage d journal est contenu dans ce pied de nez de l'histoire : Le Monde croqué par celui dont il a révélé jadis les manigances financières"(Cf. 240)

    Un peu plus loin Laurent Mauduit nous révèle les jeux d'influence de Matthieu Pigasse, Alain Minc, DSK, Xavier Niel et de tout ce petit monde de Euro-RSCG (Havas)... N'oublions pas Anne Hommel au milieu de cet univers. N'oublions pas non plus que souvent leur plume est Gilles Finchelstein (directeur de la Fondation Jean-Jaurès - dont le but consiste à « favoriser l’étude du mouvement ouvrier et du socialisme international, de promouvoir les idéaux démocratiques et humanistes par le débat d’idées et la recherche, de contribuer à la connaissance de l’homme et de son environnement, de mener des actions de coopération économique, culturelle et politique concourant à l’essor du pluralisme et de la démocratie dans le monde »). 

    Cette bonne blague !

    Et puis, évidemment, arrive dans quelques pages le chouchou des médias. Le "jeune loup", vous ne voyez toujours pas, attention, il porte rarement des cravates et est "en marche"... Et oui tout ne serait pas parfait sans cet autre banquier : Emmanuel Macron. 

    Le livre de Laurent Mauduit est plein de belles histoires nauséabondes à souhait. Mais son travail ne serait pas parfait s'il ne citait pas des auteurs qui ont fait l'histoire. De Hugo, à Blum en passant par Jaurès et cette phrase de Mirabeau "mais je soutiens que l'existence d'un bon livre ne doit pas plus être compromise que celle d'un bon citoyen ; l'une est aussi respectable que l'autre ; et l'on doit craindre également d'y attenter. Tuer un homme, c'est détruire une créature raisonnable, mais étouffer un bon livre, c'est tuer la raison elle-même" (Cf. p. 310).

    Il nous rappelle un peu plus loin que le même Robespierre (qui avait déclaré "la Liberté de la presse doit être entière et indéfinie, ou elle n'existe pas. Je ne vois que deux moyens de la modifier : l'un d'en assujettir l'usage à de certaines restrictions et à de certaines formalités, l'autre d'en réprimer l'abus par des lois pénales ; l'un et l'autre de ces deux objets exigent la plus sérieuse attention" (Cf. p. 316)) amende ses propres convictions le 19 avril 1793 en rétablissant la censure...

    Une respiration avec cette citation de Victor Hugo "permettez-moi, messieurs, en terminant ce peu de paroles, de déposer dans vos consciences une pensée qui, je le déclare, devrait selon moi dominer cette discussion : c'est que le principe de la liberté de la presse n'est pas moins essentiel, n'est pas moins sacré que le principe du suffrage universel" (Cf. p.319).

    Cet document fera date, c'est un travail minutieux. Je ne partage malheureusement pas sa conclusion optimiste, les rassemblements de journalistes, les nouvelles formes de résistances... Non... L'heure est malheureusement à l'écrasement des consciences, à l'oppression encore plus grande, au prolongement du consentement... Avant la refonte des médias, avant le réveil des plumes engagées, il y aura un long moment d'asservissement moderne. Un esclavage qui ne dit pas non nom : celui des esprits.