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interview

  • L'égalité en question... (interview d'Emmanuel Macron du 14 juillet 2020)

    Cela fait trop longtemps que je ne suis pas venue ici, évoquer un peu le langage médiatique et étatique actuel... Nous sommes le 14 juillet 2020, c'est un excellent jour pour pointer quelques travers de nos actualités.

    Il est 13h10, sans doute un peu plus, et nous allons "tou.te.s" assister à l'interview présidentielle, qui comme le souligne Léa Salamé n'aurait pas dû avoir lieu, car Emmanuel Macron avait annoncé mettre fin à cette tradition. Mais nous sommes dans le "monde d'après". Je plaisante, mais vous reconnaissez l'importance du rôle du langage et des expressions vides de sens pour paralyser la réflexion et jouer sur l'émotion.

    Je reprends.

    Pourquoi ce 14 juillet ? "Ce 14 Juillet est un peu particulier". C'est quoi un 14 juillet "un peu particulier" ? Je vous cite, sinon ce ne serait pas drôle "C'est un 14 Juillet qui consacre la fierté d'être Français. Notre fête nationale où nous célébrerons nos armées, auxquelles nous devons tant, leurs familles, leurs blessés".

    Attention, c'est quoi être français aujourd'hui dans un monde qui bouge ? Dans un monde qui se dérobe où l'on impose des sanctions, des distanciations physiques ? Nous fêtons les blessés, pas les morts ?

    "Nous étions émus ce matin face aux soignants, aux familles des victimes. Notre pays est dans un moment particulier de son histoire, nous devons en mesurer la gravité"

    C'est donc la gravité qui va mener la danse de cette interview. Mais est-elle là quand on évoque la nomination du Ministre de l'intérieur, Gérald Darmanin ? Il est 13h41.

    "Je respecte toujours l'émoi des causes justes. La colère féministe, je la partage. Nous avons fait voter des lois importantes". Cette juxtaposition de trois phrases courtes, de trois idées différentes est littéralement passionnante.

    En tout premier lieu, je m'attendais à une réponse journalistique du type "de quelles lois s'agit-il ?" ou encore "pouvez-vous nous citer les lois auxquelles vous faites références?"... De façon personnelle, je ne les vois pas. Mais sans doute, suis-je mal informée. Ce serait vraiment dommage en tant que présidente de l'AFFDU, association centenaire en septembre prochain, qui défend l'égalité des droits, l'accès des femmes à l'éducation...

    Reprenons le début de cette succession: "je respecte l'émoi des causes justes". Première phrase très intéressante, quand on regarde les mouvements sociaux en France depuis votre élection. Cela signifie-t-il que tous les émois précédents ne soient pas justes, ni justifiés ? Pour avoir suivi, photographié les manifestations (Gilets Jaunes, retraite, soignant...) pendant tous ces mois devenus années, j'ai comme l'impression que cela revient à dire que ces émois ne représentaient pas des causes justes ? C'est étrange, quand même, quand on voit qu'il s'agit de mouvements pour défendre le socle commun de notre société par exemple : l'accès aux soins gratuits, la retraite, ou encore une école gratuite, ouverte à tous...

    Deuxième phrase, deuxième idée. "La colère féministe, je la partage". Qu'est-ce que la colère féministe ? Pourquoi seules les femmes et les mouvements féministes seraient en colère ? Les mouvements Black Lives Matters (en France) et/ou contre les violences policières (en France) ne sont-ils pas en colère ? Je pense qu'il me faudra un autre article pour comprendre et interroger d'où vient cette association permanente de la notion de "colère" et de "féministe".

    Parlons de l'objet de cette "colère féministe". Cette "colère" du moment touche-t-elle autre chose que l'égalité des droits, des chances pour tou.te.s ? Évidemment non, mais son facteur déclencheur, la chose qui a mis le feu aux poudres, c'est la nomination d'un homme au poste de ministre de l'intérieur tandis que ce dernier a une plainte pour viol qui le suit. C'est étrange, non ?

    "Un responsable politique a fait l'objet d'une accusation grave. Cette affaire a fait l'objet de plusieurs enquêtes, qui ont donné lieu à une absence de suite. Il ne m'appartient pas d'en juger. Aucune cause n'est défendue justement si on le fait en bafouant les principes de notre démocratie. Je suis le garant de la présomption d'innocence".

    Je partage l'idée de la présomption d'innocence. Mais ce n'est pas pour autant que je nomme les personnes suspectées de viol à un ministère (particulièrement à l'intérieur)... Imaginons un seul instant, la difficulté pour une femme d'aller à un poste de police pour porter plainte pour viol. Elle doit non seulement apporter des preuves de ce qu'elle a subi, et en plus faire face à des personnes qui vont mettre en cause son récit avec des phrases du type "enfin vous l'avez bien un peu cherché, un peu provoqué..." ou encore "avec votre tenue, c'est de la provocation"... (cf. notamment cette émission de France Culture : le viol, aspect sociologique d'un crime). Maintenant concluons sur ce qu'une femme pourrait entendre à l'avenir "c'est bien d'être venue nous voir, d'avoir raconté ce que vous avez subi, mais vous savez le chef de mon chef, un violeur notoire, classera votre plainte sans suite...." Est-ce cela que vous entendez par "La colère féministe, je la partage" ? Que partagez-vous quand vous concluez de la façon suivante : "J'ai eu une discussion avec Gérald Darmanin. Il y a aussi une relation de confiance."

    Ne sommes-nous pas dans une contradiction constante ? Vous indiquez être dans une relation de confiance avec un ministre (donc vous reconnaissez indirectement être soumis, comme nous tous, au biais de confirmation). La suite de la réflexion est bien plus inquiétante je vous cite : "Je refuse de céder à l'émotion constante". C'est étrange car vous avez précisément dit le contraire avant "je respecte l'émoi des causes justes" ce à quoi vous avez ajouté "la colère féministe je la partage". En d'autres termes, au début de votre raisonnement, vous donniez raison à "l'émoi féministe", c'est une "cause juste"... mais au final non. Il ne faut pas céder...

    Remarquable parade rhétorique pour balayer d'un revers de verbe(s) le sujet de l'égalité des droits !

    Pour ceux qui seraient intéressés par l'égalité des droits, je rappelle que Anne Nègre a fait un travail colossal pour dénoncer le non respect par les pays européens dont la France (en tout premier lieu) de la Charte Sociale Européenne qui précise bien l'égalité des droits et donc par exemple des salaires. Elle a déposé des réclamations collectives. Et c'est amusant, le 29 juin 2020, le Comité européen des droits sociaux reconnaît les violations dans quatorze pays

    Nous pouvons donc affirmer avec vous que ce "14 juillet est un peu particulier" il confirme le non respect de l'égalité et donc des droits humains... Et encore, j'ai décidé de ne m'arrêter que sur ce passage... Mais il y a fort à dire sur celui des discriminations.... N'oublions pas "tout langage est écart de langage" (S. Beckett).

     

  • En avoir ou pas !

    Il y a quelques semaines, l'avocate Anne Nègre, experte égalité auprès du Conseil de l'Europe, déposait des réclamations collectives contre quinze états de l'Union Européenne pour non respect de la Charte Sociale européenne. Ni la France, ni l'Allemagne ni les autres ne respectent les lois en faveur de l'égalité entre les hommes et les femmes. La justice européenne a été saisie, mais bizarrement rien n'avance. Pour faire le point sur ce sujet, j'ai souhaité donner la parole à Anne Nègre afin qu'elle nous explique les enjeux de ces réclamations passées sous silence. 

     

    Vous avez passé 2 ans à monter ces réclamations collectives pour violation de la Charte Sociale, Pourquoi ? Quel est le but ?

    Anne Nègre : La Charte Sociale Européenne est en quelque sorte la Constitution Sociale de l’Europe, la Grande Europe celle du Conseil de l’Europe, car c’est un Traité du Conseil de l’Europe, de 1961. Depuis 1995 ces réclamations collectives sont aussi ouvertes à des organisations internationales non gouvernementales habilitées par le Conseil de l’Europe et 15 Etats Membres les acceptent, ils sont également des Etats Membres de l’Union Européenne. Il est clair qu’aucun pays en Europe ne respecte le salaire égal pour un travail égal entre les femmes et les hommes, ce faisant ils violent les dispositions de la Charte Sociale Européenne. Il s’avère qu’aucune réclamation collective n’avait, à ce jour, été déposée contre cette violation particulièrement grave et injuste qui touche toutes les femmes qui travaillent, quelque que soit leur niveau de qualification. L'une des premières conséquences, c'est que les femmes travaillent gratuitement en moyenne 2,5 mois par an. 

    Pensez-vous que l'égalité puisse arriver ? Est-ce là votre conviction ?  

    Anne Nègre : Oui si les citoyennes et les citoyens se mobilisent. Ce problème de l'égalité des saalires est crucial. Il doit être traité comme il se doit par les politiques, en mettant en place des structures juridiques et de contrôle efficaces. L'égalité est faisable si les preuves sont accessibles, si les juridictions saisies réagissent dans le bon sens, si les entreprises respectent les lois.

    Quels sont les états incriminés ? Pouvez-vous citer un ou deux exemples concrets ? 

    Anne Nègre : Les états vous avez la France, l'Allemagne, la Belgique, le Portugal, la Bulgarie, etc. Après, prenons l'exemple d'une femme qui travaille depuis 20 ans dans une entreprise. Elle constate que les hommes, engagés en même temps qu’elle, ont tous eu des promotions (ils ont des responsabilités reconnues) et donc des salaires correspondants. Dans les faits il ont fait la même chose. Ils ont le même job, mais on contourne l’égalité salariale en donnant des primes particulières uniquement aux hommes, justifiés par des horaires un peu différent. 

    Pensez-vous que les états vont vous laisser faire ?

    Anne Nègre : Non. Dans le cadre de ces 15 procédures, les états se sont concertés pour contester la recevabilité de Université Women of Europe (GEFDU/UWE) l'association avec laquelle j'ai déposé ses réclamations. Cette fédération regroupe des associations de femmes de divers pays européens qui pour certaines ont près de 100 ans. Elles ont toutes été à la pointe de tous les combats des droits des femmes. Toutes sont également membres de Graduate Women International qui a été créée en 1919. On est étonné de voir que les Etats estiment que UWE habilitée par le Conseil de l’Europe a déposé des réclamations collectives ne serait pas recevable. Dans ce cas aucune OING de femmes ne l’est. Ce qui est ridicule. Pourquoi donne-t-on des droits d’exercer des réclamations collectives pour après refuser les critiques inhérentes à ce type de procédure ? 

    Pensez vous qu’il y a des pressions pour que ces réclamations collectives n’aboutissent pas ?  

    Anne Nègre : On peut se poser des questions en lisant d’une part les observations des Pays-Bas qui indiquent la concertation des Etats. Notons, cependant que le Portugal, la Suède ou même la France ne critiquent pas la recevabilité d’UWE. La Grèce estime quant à elle que lancer des telles réclamations contre les 15 Etats qui les acceptent, met en péril le système lui même. En d'autres termes, on peut émettre des critiques mais surtout ne rien changer ! Refuser de payer à égalité les femmes et les hommes pour un travail égal est un scandale qui perdure. je pense, qu'au contraire, ce combat devrait mobiliser les forces vives pour renforcer la démocratie.

    Est-il possible d'accéder à vos réclamations ?

    Anne Nègre : Oui elles sont sur mon site mais aussi sur celui du Conseil de l'Europe.

    Pensez-vous que les états aient la possibilité de gagner face à ces réclamations ?

    Anne Nègre : Oui, malheureusement. Ils peuvent exercer tous types de pression. 

    Est-ce encore une affaire financière ?

    Anne Nègre : Bien sur, cela serait couteux pour les entreprises et les Etats de payer au juste salaire les femmes, de mettre en place un système efficace de lois, de contrôle des lois. Les inspections du travail ne recherchent guère ces défaillances. Les exigences de preuve sont telles que généralement ils reposent sur la salariée. Si elle commence à s’interroger, à poser des questions, elle risque de perdre sont travail avant même d’aller en justice. Et comment aller en justice sans preuve ? Et pourquoi les frais d’un procès doivent reposer sur une salariée souvent modeste ? Il y a peu de succès judiciaire en la matière en Europe. Les juges ne sont pas curieux, ils pourraient exiger la production de documents sur les salaries comparés dans les entreprises, ils pourraient décider d’expertises internes aux entreprises à défaut de réponse.

    Pourquoi avoir attendu avant d'accepter de répondre à cette interview ?

    Anne Nègre  : je suis étonnée par le silence des médias. Je ne comprends pas. L'égalité ce n'est pas simplement une journée "le 8 mars" qu'il faut s'en soucier. C'est toute l'année. Il faut que nous nous mobilisions.

  • Bertrand Russell


    Si vous ne connaissez pas Bertrand Arthur William Russell alors il est intéressant de vous plonger dans cette interview qui date de 1959. 

    L'extrait d'une minute c'est pour sensibiliser les nouvelles générations. Oui "La Philosophie peut vous parler au présent depuis le passé".  Contrairement à ce que vous entendez aujourd'hui de la part des "philosophes des mass médias" ce n'est pas de la philosophie c'est au mieux de l'histoire... Mais bon revenons à Russell.

    Né le à Trellech (Monmouthshire), et mort le près de Penrhyndeudraeth (en) (Pays de Galles), il est à la fois un mathématicien, logicien, philosophe, épistémologue, un homme politique et moraliste britannique. C'est l'un des plus grands penseurs du XX° siècle.

    Nous pouvons regarder son oeuvre sous trois angles.

    1. La logique est le fondement des mathématiques. Avec Frege, il est l'un des fondateurs de la logique contemporaine. Il co-écrit avec Alfred North WhiteheadPrincipia Mathematica. À la suite des travaux d'axiomatisation de l'arithmétique de Peano, Russell a tenté d'appliquer ses propres travaux de logique à la question du fondement des mathématiques.
    2. La philosophie doit être scientifique.  Il propose d'appliquer l'analyse logique aux problèmes traditionnels, tels que l'analyse de l'esprit, de la matière (problème corps-esprit), de la connaissance, ou encore de l'existence du monde extérieur. 
    3. L'engagement social et moral : il écrivit des ouvrages philosophiques dans une langue simple et accessible, en vue de faire partager sa conception d'une philosophie rationaliste œuvrant pour la paix et l'amour. Il s'est engagé dans de nombreuses polémiques qui le firent qualifier de Voltaire anglais, défendit des idées proches du socialisme de tendance libertaire et milita également contre toutes les formes de religion, considérant qu'elles sont des systèmes de cruauté inspirés par la peur et l'ignorance. Il organisa le tribunal Sartre-Russell contre les crimes commis pendant la guerre du Viêt Nam.