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livre

  • La Casse : quand les traces du passé viennent fissurer nos certitudes

    Il y a des livres qui ne se contentent pas de raconter une histoire. Ils nous prennent par la main, nous ramènent là où nous ne voulions plus retourner, ouvrent des portes que l’on croyait murées depuis longtemps. La Casse de Bérengère Voisin est de ceux-là : un roman qui se lit comme une exploration intérieure, un relevé sismographique de nos tremblements, une plongée dans l’épaisseur des vies qui nous précèdent.

    La mémoire n’est jamais silencieuse

    L’été commence comme un simple retour chez soi : une jeune chercheuse revient à Lille, dans la maison familiale. Mais il suffit d’un bourdonnement, d’une photographie datée de 1944, d’un vieux journal où un feuilleton change mystérieusement de titre, pour que le réel se lézarde.

    Dans la fente de ces fissures apparaît un monde oublié : celui des imprimeurs clandestins, des ateliers nocturnes, des tracts rédigés au péril de la vie, des hommes et des femmes qui ont refusé la résignation.

    Le passé ne revient jamais par hasard. Il revient lorsque nous sommes prêtes à l’entendre.

    Philosophie du fragment : comprendre en cassant

    Bérengère Voisin inscrit son roman dans une logique profondément philosophique : nous ne comprenons qu’en brisant. En brisant les récits figés.
    En brisant l’illusion des continuités. En brisant les silences transmis d’une génération à l’autre.

    Chaque découverte, une matrice de caractère, une lettre oubliée, un journal modifié, un portrait peint avant-guerre, devient un éclat de vérité. Comme si l’histoire ne pouvait apparaître qu’en fragments, comme si le chemin vers la lumière devait passer par cette fragmentation essentielle : la casse.

    Ce n’est pas un hasard si l’imprimerie, lieu de la fabrication du sens, est au cœur du livre. L’enquête est typographique autant qu’humaine. Dans les interstices des machines, dans les marges des journaux, dans les doublons et les “coquilles”, se cachent les vérités les plus brûlantes.

    Chercher la lumière dans l’ombre : un geste rebelle

    Le roman porte une dimension profondément rebelle,  non pas dans le bruit et la colère, mais dans la persistance de la recherche. Chercher, encore. Interroger, sans cesse. Refuser les évidences. Ne jamais croire que ce qui est donné est tout ce qu’il y a à savoir.

    Dans cette quête, trois femmes avancent : une mère, une fille, une amie. Trois sensibilités, trois façons d’ouvrir les yeux, trois manières d’accueillir ce que la nuit leur renvoie.

    La Casse  rappelle que la résistance ne fut jamais seulement une affaire d’hommes. Elle fut une affaire de mains, d’encre, de mots, de soin. Une affaire de femmes qui ont veillé, cherché, protégé, transmis.

    Ce que nous devons à celles et ceux qui ont osé vivre

    Ce livre nous dit une chose essentielle : nous portons en nous des histoires plus vastes que nous-mêmes.
    Et parfois, l’Histoire (avec un H majuscule)  attend qu’un geste minuscule la libère : ouvrir une valise, soulever un capitonnage, feuilleter un journal de 1942, regarder avec attention une photographie jaunie.

    Il n’y a pas de hasard, seulement des rendez-vous longtemps différés.

    En refermant La Casse, une phrase de Paulhan (placée en exergue par l’autrice) résonne longtemps : “Ils étaient du côté de la vie.”
    Ce roman, profondément humain, nous invite à nous demander où se situe aujourd’hui ce côté-là — et ce que nous sommes, individuellement, prêtes à en faire.

    Un livre qui éclaire ce que nos sociétés préfèrent oublier

    Avec finesse, poésie et une intelligence rare du rythme narratif, Bérengère Voisin nous guide dans cette traversée des ombres qui débouche sur une lumière fragile mais réelle. Il ne s’agit pas de “devoir de mémoire”. Il s’agit de désir de vérité.
    D’un désir qui ne se commande pas, mais qui se réveille quand nous cessons de nous mentir à nous-mêmes.

    La Casse  n’est pas seulement un roman. C’est une invitation : regarder autrement, questionner plus profondément, accepter que le monde ne dévoile ses ressorts qu’à celles et ceux qui ont la patience de les écouter.

    Un livre pour les esprits libres.
    Pour celles et ceux qui refusent les récits faciles.
    Un livre pour rebelles lumineux.

    Bérengère Voisin, La casse, livre, roman, littérature, Route de la Soie-éditions, Lille, Histoire, mémoire, rebelle, vie, liberté, amour

  • Les mains dans les poches avec Sophie Sendra

    Souvent on me demande pourquoi éditer des livres, pourquoi chercher encore à ouvrir des portes... À mesure que le monde se ferme, que les frontières se dressent, il est temps de marcher dans la pensée et d'habiter le monde autrement.

    Il est rare qu’un livre de philosophie parvienne à faire oublier qu’il en est un.
    Avec Les mains dans les poches, Sophie Sendra accomplit ce miracle : elle écrit la pensée comme on respire, sans appareil, sans prétention, mais avec une clarté désarmante.

    Ce livre n’est pas une somme théorique ; c’est une traversée. Chaque page est une halte sur le chemin de l’humain : la solitude, la liberté, la peur de l’autre, la violence du monde numérique, le retour à soi.
    Sendra observe, interroge, ressent. Elle nous apprend que philosopher, c’est marcher, marcher dans la poussière des idées et dans la lumière du jour.

    La philosophie comme résistance douce

    Le titre, Les mains dans les poches, dit déjà tout : une posture de retrait sans fuite, de disponibilité au monde. C’est la manière de celui ou celle qui refuse la vitesse imposée, la frénésie des opinions, le vacarme des certitudes.
    Sendra oppose à l’agitation du présent une lenteur pensante, une attention radicale à l’humain.

    Dans un siècle saturé d’informations et d’images, elle choisit la pensée comme dernier acte de liberté. Penser, ici, n’est plus un privilège : c’est une nécessité.
    Et si la rébellion, aujourd’hui, consistait simplement à ne plus céder à la bousculade du monde ?

    Marcher, penser, être

    De George Floyd à Hypatie, de l’enfant qui observe à la femme qui pense, l’autrice relie les blessures de notre histoire à l’expérience quotidienne du sens.
    Elle nous rappelle que la philosophie n’est pas un luxe, mais une respiration : une manière de ne pas mourir étouffés dans le vacarme.

    « Philosopher, c’est tenter de se poser les bonnes questions, au-delà de trouver les bonnes réponses. »

    Dans les pas de Montaigne, d’Arendt ou de Simone Weil, Sophie Sendra redonne à la pensée son visage humain : celui du doute, de la bienveillance, de la lucidité.
    Les mains dans les poches est un livre pour ceux qui croient encore que la douceur peut être une force, et la lenteur une arme.

    Sophie Sendra, philosophie, livre, Route de la soie - Éditions, habiter le monde, douter, rêver, politique, art

  • Atomisé d’Andrew Fowler : un livre coup de poing qui révèle l’envers d’AUKUS

    Il y a des livres qui se contentent de commenter l’actualité. Et puis il y a ceux qui la bouleversent. Atomisé d’Andrew Fowler appartient à cette seconde catégorie.

    Ce journaliste d’investigation, déjà mondialement reconnu pour ses enquêtes sur Julian Assange et la criminalisation du journalisme, signe ici une déflagration éditoriale. Page après page, il démonte le récit officiel qui entoure l’accord AUKUS, ce pacte militaire entre l’Australie, le Royaume-Uni et les États-Unis, qui a balayé d’un revers de main le « contrat du siècle » conclu avec la France pour la construction de douze sous-marins conventionnels.

    La force du livre ? Andrew Fowler ne se contente pas de poser des questions. Il expose des faits, des noms, des documents. Il montre comment l’Australie, par calculs politiciens et par soumission à Washington, a troqué son indépendance stratégique contre une dépendance totale. Il révèle les manipulations, les pressions des services de renseignement, les jeux d’ombre qui ont piégé Paris, et surtout, il dévoile l’immense opération de désinformation orchestrée pour vendre à l’opinion publique une fuite en avant nucléaire à 368 milliards de dollars.

    À la lecture, une évidence s’impose : ce fiasco dépasse la seule Australie. Il concerne toutes les démocraties. Car Atomisé  pose une question brûlante : que reste-t-il de la souveraineté d’un peuple lorsque les choix les plus engageants sont décidés dans le secret, loin des citoyens, avec pour seul objectif de satisfaire des alliés plus puissants ?

    Clinton Fernandes, ancien officier du renseignement, le résume d’une formule : « un torpille nucléaire au service de la vérité ».

    Ce livre est fort parce qu’il est précis. Fort parce qu’il ose nommer les responsables. Fort (encore) parce qu’il nous oblige à regarder en face un monde où l’on maquille la dépendance en alliance et où l’on justifie l’escalade militaire au nom d’une sécurité illusoire.

    Atomisé  n’est pas un simple ouvrage d’enquête : c’est un acte de résistance intellectuelle. Il appelle les citoyens, en Australie comme en France, à ne pas accepter les récits fabriqués, à refuser la mise sous tutelle de la pensée critique.

    Un livre rare, nécessaire, et pour tout dire : rebelle.

    Andrew Fowler, La route de la soie - Éditions, livre, France, Australie, géopolitique, diplomatie, enquête, AUKUS, sous-marin, nucléaire,

  • Sans excuse : un roman comme lieu d’éveil philosophique

    Qu’est-ce qu’une gifle ? Un geste brutal, presque anodin dans l’histoire d’une vie, et pourtant fondateur. Dans Sans excuse, Christian Brûlard fait de ce geste inaugural la matrice d’un récit qui interroge ce qui construit un être humain : la mémoire des blessures, la quête de reconnaissance, le refus obstiné de se laisser enfermer.

    L’enjeu dépasse largement la chronique familiale. Ici, il s’agit de comprendre ce qui, dans l’intimité, façonne l’universel. La philosophie nous apprend que nous ne sommes jamais réductibles à nos souffrances. Hannah Arendt écrivait que « la natalité » — le fait d’être né — nous condamne à commencer sans cesse. Christian Brûlard semble dire la même chose par la littérature : même marqué par l’injustice, l’homme est appelé à inventer une suite.

    Le titre, Sans excuse, frappe par sa sécheresse. Il dit tout à la fois : qu’aucune violence ne se justifie, qu’aucun pardon automatique n’efface, mais aussi qu’il existe une dignité à ne pas chercher de prétexte. Être « sans excuse », c’est choisir d’assumer, de faire face, de ne pas déléguer sa responsabilité à un alibi. C’est une posture existentielle, presque camusienne.

    Le roman déploie alors une double trame : celle des corps qui encaissent, qui se heurtent au réel social, et celle des consciences qui s’éveillent à la possibilité d’une autre vie. La gifle initiale devient le point de départ d’une réflexion sur la liberté : comment se libérer de l’humiliation, de l’emprise, du déterminisme social ? Peut-être justement en refusant la facilité des excuses, en cherchant dans l’expérience nue la force de se relever.

    Christian Brûlard réussit ici ce que la philosophie ne peut parfois qu’esquisser : il montre dans le tissu concret des existences ce que signifie la lutte pour la dignité. Et, ce faisant, il redonne au roman sa vocation première : être le laboratoire où s’éprouve la vérité de l’humain.

    En refermant Sans excuse, une évidence s’impose : nous avons besoin de ces récits qui ne fuient ni la douleur ni la beauté, qui révèlent l’universel dans le tremblement singulier d’une vie. Non pour s’y réfugier, mais pour apprendre. Car la littérature, quand elle ose ce pari, devient philosophie incarnée.

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