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Chine - Page 2

  • Shenzhen : la ville du futur

    Shenzhen 深圳市 est une ville sous-provinciale de la province du Guangdong en Chine.

    En 2019, elle compte environ 13 millions d'habitants et constitue une des municipalités les plus riches de Chine. Elle est considérée, au même titre que les villes de Pékin, Shanghai et Canton, comme l'une des plus grandes villes développées de Chine continentale. Elle fait partie de la mégalopole du delta de la Rivière des Perles. Etant l'une des premières zone économique spéciale en Chine, Shenzhen est souvent appelée la « Silicon Valley of China ».

    Ici je ne parlerai pas de son histoire, ou comment en une poignée d'années, cette ville est devenue le nouveau centre de la technologie du monde. Cependant, je vous encourage à lire, le Numéro 9 sur cette ville et à regarder le documentaire Shenzhen: The Silicon Valley of Hardware.

     

  • Préserver la culture tibétaine

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    Ce matin s'est déroulé le forum du Centre de recherche tibétologique. La culture tibétaine, comme l'ensemble des cultures de l'humanité est à un tournant. Elle a réussi à être préservée, défendue mais elle prend aussi des formes nouvelles. Ce séminaire passionnant a réuni de nombreux chercheurs, penseurs du monde entier. En présence notamment des chercheurs suivants : Dramdul, Tamla Ukyab, Luobouzhaki, Liu Gowei, Nanjiacairang, Luo Zhongzhan, Zhang Ning, Birgit Kellner, Pascale Hugon, Wei Wen, Francesco Sferra, Li Hui, Rudolf Lantschbauer, Fengzhi, Laxianjia, Yongbin, Zhaluo....

    Il est fascinant de voir l'évolution de la culture tibétaine née sur ce haut plateau dont la topographie est complexe. Le sud-est est généralement chaud et humide tandis que le nord-ouest, plus rude, est froid et aride. Cela donne lieu à des contrastes climatiques marqués entre le sud-est et le nord-ouest, qui forment des les zones climatiques verticales.

    Historiquement, le Tibet et la Chine sont intimement liés depuis au moins la dynastie de Yuan ( ). Cette dynastie mongole a été fondée par Kubilai Khan, le chef du clan des Bordjiguines, qui règne sur la Chine de 1279 à 1368. Elle vient à la suite de la dynastie Song (宋朝), qui avait régné sur la Chine entre 960 et 1127, puis sur la Chine du Sud entre 1127 et 1279, et précède la dynastie Ming (明朝). 

    Ce qui est fascinant dans l'évolution de la région tibétaine, c'est son passage à une vie moderne. Ce Tibet moderne était espéré par certains, comme en a témoigné Tashi Tsering, dans son livre Mon combat pour un Tibet moderne.

    De mon côté, en l'espace de douze années, j'ai pu observer les évolutions du Tibet (construction des routes, des hôpitaux, des maisons, des écoles, etc.). Mon premier voyage date de 2007. Et en effet, les routes n'étaient pas encore là, ni l'électricité partout, ni les accès aux nouvelles technologies, etc. Puis j'ai pris le temps de revenir régulièrement pour rencontrer, discuter, la population du plateau. En découvrir la diversité et les nouvelles pratiques quotidiennes.

    D'un point de vue économique, le Tibet a connu un taux de croissance à deux chiffres pendant 26 années consécutives, se classant en tête du tout le pays. Son PIB est monté en flèche pour atteindre 147,763 milliards de yuans en 2018, avec une croissance annuelle de 12,7 %. Et le le revenu disponible par habitant des résidents urbains et ruraux a atteint respectivement 33 797 et 11 450 yuans, en hausse de de 10,2 % et 10,8 %. Ces taux de croissance sont tous en tête du pays.
    La capacité de production globale de l'agriculture et de l'élevage a été constamment s'est améliorée, la production totale de céréales dépassant pour la première fois le million de tonnes en 2017 et passant à 1,049 million d'euros en 2018. La valeur de la production totale des entreprises de transformation des produits agricoles et animaux a atteint 4,2 milliards de yuans en 2018.

    Et ce développement économique a permis à la culture tibétaine à se préserver, et à se développer. Il est fascinant d'observer les nouvelles générations s'emparer des codes culturels traditionnels et les transmuter dans une modernité. 

    Le séminaire a mis en évidence tous les efforts de préservation des textes traditionnels, leur publication puis leur diffusion auprès de la communauté internationale nous permettent de développer de nouvelles recherches, de nouvelles compréhensions du Tibet.

    La conclusion sur l'importance de la transmission de la culture par la gastronomie, nous a rappelé toute l'importance de la vie quotidienne et de son observation pour mesurer la transmission culturelle.

  • Hong Kong (toujours) sous un autre angle

    Première publication sur le site de Chine-Info, le 29 mai 2020.

    Pourquoi « toujours sous un autre angle » ? Simplement parce qu’en 2014, je titrais un article « Hong Kong sous un autre angle1 » où je notais que notre vision occidentale nous empêchait de mesurer la situation correctement. Comment dépasser cet empêchement ? Comment changer notre vision ? Pour la changer, il faut regarder l’histoire… et en dessiner en creux ses conséquences sur le présent. Dans cet article un peu long, j’en conviens (mais je laisse à chacun le soin de lire les parties comme il le souhaite) il s’agit de revenir sur l’histoire de ce territoire. Nous parlons beaucoup de Hong Kong mais qu’en savons-nous au juste ? Avons-nous pris le temps de considérer sa situation autrement ?

    Pour ceux qui ne souhaitent pas lire l’intégralité de l’article, je résume les six parties qui le composent. La première s’attache à connaître les origines de ce port de pêche sur les rives de la Rivière des Perles. La deuxième fait émerger sa situation commerciale et son rôle dans la première guerre d’opium. Enjeu qui sera confirmé, dans la troisième partie, lors de la seconde guerre d'opium et aussi sous l’occupation japonaise. La quatrième partie évoque la « rétrocession ». La cinquième partie vous présente les éléments de la loi fondamentale de Hong Kong et ceux de la loi de sécurité proposée à l’Assemblée Nationale populaire. Enfin dans la sixième partie, nous questionnons légitimement le symbole que représente Hong Kong. Serait-ce la fin de l’impérialisme occidental ? Serait-ce la raison pour laquelle le Président américain menace Pékin de répercussions « très vigoureuses2 » ?

    Regarder autrement

    Hong Kong (香港, littéralement « port aux parfums » ou « port parfumé ») se situe dans le sud-est de la Chine, sur la rive orientale de la Rivière des Perles. Précisons que la Rivière des Perles naît de la jonction de deux fleuves, le Xi Jiang (西江, fleuve de l'ouest) et le Bei Jiang (北江, fleuve du Nord). Au-delà de l’anecdote géographique, il est probable que cette image de jonction a inspiré la réflexion autour de la notion « un pays deux systèmes ». Aujourd’hui, elle compte sept millions d’habitants. Pour vous donner un ordre de grandeur, Paris compte trois fois moins d’habitants (2,5 millions environ). Hong Kong est baignée par la mer de Chine. J’arrête ici ma carte postale.

    Car Hong Kong c’est aussi une histoire bien particulière, que nous avons tendance à oublier.

    Tout d’abord, c’est sous la dynastie Qin qu’elle a été incorporée, pour la première fois à la Chine, soit environ en 214 avant notre ère, après avoir conquis les Yue (peuple de l’Antiquité qui vivait principalement au sud-est de l'actuelle Chine et au nord de l'actuel Vietnam). Je passe sur l’effondrement de la dynastie Qin, la reprise par les Han, le passage par la dynastie Song… pour arriver à son premier visiteur européen : le navigateur portugais Jorge Álvares. Nous sommes en 1513. Il est intéressant de voir que les marchands portugais établissent un comptoir portugais (sous le nom de « Tamão ») et commencent à commercer régulièrement avec la Chine. Et surtout les portugais fondent en 1550 Macao. Ils sont les premiers à ouvrir la voie du commerce avec la Chine et l’Asie de façon générale3. En 1685, sous le règne de l’empereur Kangxi, un édit impérial autorise l’ouverture de tous les ports chinois aux navires étrangers. Cependant, ce commerce est limité, c’est-à-dire encadré par des règles strictes : taxes pour les négociants étrangers, obligation de passer par un seul intermédiaire (le marchand de l’empereur) qui prélève des taxes au profit de l’État. En 1720 cet intermédiaire est remplacé par des Hongs qui auront le monopole du commerce avec les étrangers jusqu’en 1842.

    Du commerce à la guerre d’opium : la cession de Hong Kong

    En 1830, Hong Kong demeure un joli port de pêche qui compte environ 7 500 habitants (majoritairement des pêcheurs4 et des producteurs de charbon de bois5). Mais sa position stratégique sur la rive orientale de la Rivière des Perles attire les convoitises. Hong Kong devient très vite le lieu « relais » de Canton, ville plus éloignée, plus complexe à atteindre. La profondeur des eaux de Hong Kong permet le transport de plus de marchandises par des navires marchands volumineux. Ce qui favorise le développement du commerce. En d’autres termes, toutes les marchandises transitent ici. Sans doute est-ce l’une des raisons pour laquelle les britanniques se sont installés à Hong Kong d'abord pour le commerce, ensuite pour la première guerre d'opium (1839-1842).

    Nous devons ici rappeler ce qu’est la « guerre d’opium ». Les chinois connaissent l'opium par le biais de leur médecine, comme analgésique. Les Portugais sont les premiers à leur vendre des caisses d’opium provenant d’Inde. En 1729, les Britanniques se lancent dans ce commerce lucratif qui se développe. La même année, l’empereur Yong Zheng promulgue l’interdiction du trafic d’opium, le considérant dorénavant comme un produit de contrebande. À cette période, les Britanniques exigent d’être payés en lingots d'argent. Ainsi ils récupèrent le précieux métal précédemment cédé dans le commerce du thé. Les échanges commerciaux sont donc en faveur de l’Empire britannique et la Chine tend à se replier.

    En 1796, l’empereur Jiaqing confirme l’interdiction du trafic de l’opium, sous peine de mort. Un troisième édit est proclamé en 1800. Il confirme la prohibition de l’opium et interdit sa culture sur le sol chinois. En 1839, Lin Zexu arrive à Canton. Nous pourrions le qualifier d’incorruptible. Il établit la liste de toutes les fumeries d’opium, de leurs tenanciers et des vendeurs. Il confisque les stocks d’opium. Il demande aux propriétaires de remettre la drogue en échange de thé. Et il leur fait renoncer par écrit au commerce avec les Chinois. Il édicte une loi concernant la fouille des bateaux étrangers entrant dans les eaux territoriales chinoises. En parallèle il écrit une lettre à la reine Victoria pour lui expliquer que la consommation d’opium est interdite en Chine et lui demande d’en faire cesser le trafic. C’est le début de la première guerre d’opium.

    Les représentants de la Cour signent à bord d’une canonnière britannique le Traité de Nankin (29 août 1842), qui sera complété en 1843 par le Traité du Bogue (虎门条约). Ce dernier est d’importance car il ajoute au précédent une garantie d'extraterritorialité et une clause de la nation la plus favorisée aux Britanniques.

    Dans ce traité nous trouvons les points suivants :

    - la cession de Hong Kong ;

    - l’ouverture de cinq ports : Xiamen, Canton, Fuzhou, Ningbo et Shangai ;

    - des indemnités de guerre (frais de guerre auxquels s’ajoute la destruction des stocks d’opium) : 21 millions de yuans ;

    - les droits de douanes : les commerçants britanniques sont assujettis au paiement de droits sur les importations et les exportations ;

    - le droit de la juridiction consulaire : en cas de litige entre un Chinois et un Britannique, une juridiction britannique tranchera sur la base des lois britanniques ;

    - la nation la plus favorisée : si la Chine signe un traité avec une autre puissance, le privilège accordé à la nation en question sera également accordé au Royaume-Uni.

    Cette dernière clause permet aux États-Unis6 et à la France7 de signer des accords pour avoir des droits en Chine. Ces traités sont loin d’être anecdotiques, ils entraînent la Chine dans un repli sur elle-même et des affrontements internes sans précédents.

    Seconde guerre d’opium et occupation japonaise

    La dynastie Qing mettra quinze longues années à venir à bout de la révolte des Taiping (1851-1864). Et en parallèle doit gérer la seconde guerre d’opium entre 1856 et 1860. La France et le Royaume-Uni s’opposent à la Chine. Si nous devions résumer cette seconde guerre de l’opium nous devrions nous arrêter un instant sur ce qui l’a déclenchée. Nous sommes en octobre 1856, la police chinoise arrête à Canton l’équipage chinois d'un navire accusé de piraterie. Le consul britannique prétend mensongèrement que le bateau arborait le drapeau britannique, qu’il était enregistré à Hong Kong. La Chine n’a donc aucun droit d’arrêter ce navire. Même si le gouverneur chinois Ye Mingchen propose l’apaisement en libérant les prisonniers, les Britanniques décident de soumettre Canton en bombardant la ville pendant trois semaines. Les Britanniques investissent Canton à la fin du mois d’octobre. En 1857, les Français s’associent aux Britanniques et bombardent la ville à nouveau. Mai 1858, les troupes navales occidentales bombardent les forts qui protègent l'accès à Pékin.

    Le 26 juin 1858, signature du traité de Tianjin (天津条约)8. Le Second Empire français, le Royaume-Uni, l'Empire russe et les États-Unis obtiennent :

    - l’ouverture de onze nouveaux ports en plus de ceux mentionnés par le traité de Nankin ;

    - Britanniques, Français et Américains auront le droit d'établir des délégations permanentes à Pékin;

    - les bateaux étrangers (même militaires) pourront naviguer sans contrôle sur le fleuve Yangzi Jiang (fleuve qui traverse presque toute la Chine) ;

    -les étrangers pourront voyager dans les régions intérieures de la Chine afin de commercer, envoyer des missionnaires ou pour tout autre but ;

    - la Chine devra payer une indemnité à l'Angleterre et à la France de 2 millions de Tael d’argent et une compensation aux marchands anglais de 2 autres millions ;

    - les lettres et documents officiels entre la Chine et le Royaume-Uni devront exclure, pour désigner les sujets de la Couronne britannique et ses officiels le caractère « 夷 » (yi) qui signifie « barbare » ;

    - la légalisation de l'opium par la Chine, dont l'illégalité n'avait pas été remise en cause par le traité de Nankin.

    En 1860, les armées britannique et française débarquent sur le sol chinois. En septembre, elles prennent la ville de Tianjin, puis elles campent sous les murailles de Pékin. En octobre 1860, Pékin tombe et est pillée. Le Palais d’été (圆明园 Yuanmingyuan) est pillé et incendié.

    Le 24 octobre 1860, signature de la convention de Pékin (北京条约) entre le Royaume-Uni, la France, la Russie et la Chine. Cet accord rend aux Britanniques le commerce de l’opium et les droits des chrétiens sont légalisés (ils ont accès à la propriété privée et le droit à l’évangélisation). Dans les clauses de cet accord, on trouve également la cession perpétuelle du sud de la péninsule de Kowloon (九龍) au Royaume-Uni, ainsi que de Ngong shuen chau (昂船洲), ce qui agrandit notablement la colonie de Hong-Kong.

    En 1898, l'Allemagne, la France et la Russie acquièrent des droits sur différents territoires chinois. Par réaction, le Royaume-Uni cherche à agrandir sa colonie de Hong Kong. Il signe avec la Chine la Convention pour l'extension du territoire de Hong Kong, un traité concède un bail de 99 ans sur l'ensemble des nouveaux territoires.

    L’occupation japonaise de Hong Kong intervient quant à elle de 1941 à 1945. Les forces indiennes, britanniques et canadiennes cèdent, après dix huit jours de combats, face aux forces impériales japonaises. Hong Kong retournera sous juridiction anglaise, après la capitulation du Japon le 2 septembre 1945. Comme le souligne Pierre Grosser9, nous avons tendance à oublier que c’est ce traité qui met fin à la seconde guerre mondiale.

    Sans ces présupposés historiques, impossible de comprendre la situation actuelle de Hong Kong et tout l’enjeu des guerres d’influence qui s’y opèrent. Et pour en saisir l’organisation, nous devons regarder avec attention la période de « rétrocession » de Hong Kong à la Chine. Nous devons également avoir à l’esprit la question suivante : pourquoi l’occident cherche-t-il à interférer dans la gestion de Hong Kong ?

    La rétrocession de Hong Kong

    Tandis que la Grande Bretagne est fortement affaiblie par la Guerre des Malouines (Falklands War) de 1982, la Chine négocie la rétrocession de Hong Kong. Margaret Thatcher rencontre, en septembre 1982, Deng Xiaoping. Les discussions sont houleuses, la Chine cherche à s’émanciper de toute pression tutélaire. En 1984 est signée la « déclaration conjointe du gouvernement de la république populaire de Chine et du gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord sur la question de Hong Kong10 ».

    Aux yeux de la Chine, Hong Kong dans son ensemble devait être rendu car ce territoire, comme d’autres avaient été acquis par des traités inégaux11. Ces traités inégaux recouvrent tout ce qui a été acquis par les puissances étrangères lors du siècle d'humiliation qui recouvre la période (évoquée précédemment) d'intervention et d’impérialisme par les puissances occidentales et le Japon en Chine entre 1839 et 194912. En d’autres termes, il s’agit d’en finir avec une vision unique du monde.

    Cet accord de 1984 prévoit la rétrocession pour le 1er juillet 1997. Il précise également que Hong Kong devra conserver de 1997 à 2047 un certain degré d’autonomie en vertu du principe « Un pays, deux systèmes ». L’Assemblée nationale populaire chinoise adopte en ce sens en 1990 une Loi fondamentale13 garantissant à Hong Kong la conservation de sa monnaie, de son administration et de son système judiciaire.

    « Un pays, deux systèmes » et la loi de sécurité nationale

    « Notre politique consiste à appliquer le principe dit "un État, deux systèmes" ; pour parler plus précisément, cela signifie qu'au sein de la République populaire de Chine, le milliard et demi de Chinois habitant la partie continentale vit sous un régime socialiste, tandis que Hong Kong, Macao et Taïwan sont régis par un système capitaliste. Ces dernières années, la Chine s'est attachée à redresser les erreurs "de gauche" et a élaboré, dans tous les domaines, une politique qui tient compte des conditions réelles. Cinq ans et demi d'efforts ont porté des fruits. C'est précisément dans cette conjoncture que nous avons avancé la formule "un État, deux systèmes" pour régler le problème de Hong Kong et de Taïwan. »

    Deng Xiaoping

    D’un point de vue linguistique l’expression « deux systèmes » signifie que deux systèmes coexistent au même endroit, au même moment. Comment en un même lieu, en une même place faire coïncider deux systèmes (économique, social, etc.) si différents ? C’est un pari historique plus que risqué. D’un point de vue global, c’est très intéressant. Appliquer un double système, c’est chercher à ne garder que le meilleur de chacun des systèmes, devenus des sous-systèmes de ce nouveau système. Cet entre-deux est unique. Il fait progresser un nouveau système qui se nourrit des avancées de ces deux sous systèmes : le capitalisme et le socialisme. Il convient donc de voir comment, dans le futur, la fusion de ces deux systèmes serait possible pour le bien commun de l’ensemble de la population chinoise.

    Mais si nous prenons l’effet sur les esprits de chaque citoyen, nous pouvons y lire très vite les failles. Deux systèmes signifient alors que chacun, en fonction de sa propre expérience, de sa propre histoire (donc de ses frustrations), va espérer selon un des systèmes. Peu à peu, de génération en génération, se transmet une forme d’idéalisme doublée d’une fantasmagorie qui est propre à chaque citoyen. Comment dès lors accepter une situation contractuelle établi des années en arrière ?

    Selon l’article 31 de la Constitution de la République populaire de Chine14 « L’État établit, en cas de besoin, des régions administratives spéciales ; les systèmes à appliquer dans ces régions administratives spéciales sont déterminés sous forme de loi, selon la situation concrète, par l’Assemblée populaire nationale ». Il faudra attendre début de l’année 1983 pour que le gouvernement chinois formule douze points fondamentaux qui régissent Hong Kong.

    Au point numéro deux, on peut lire « la Chine créerait, en vertu de l’article 31 de la Constitution, une région administrative spéciale à Hong Kong, qui relèverait directement du gouvernement populaire central et jouirait d’une autonomie de haut degré ».

    Au point trois, on peut lire « la Région administrative spéciale de Hong Kong serait dotée du pouvoir législatif et du pouvoir judiciaire indépendant ».

    Le point quatre stipule clairement « le gouvernement de la Région administrative spéciale serait constitué d’habitants locaux, les principaux membres du gouvernement seraient nommés par le gouvernement populaire central sur la base des résultats des élections ou consultations organisées dans les différentes régions de Hong Kong ». Le cinquième article établit que les acquis sociaux en matière de système de santé, de liberté d’expression, etc. seraient préservés.

    Le dixième article précise que Hong Kong peut et est encouragé à poursuivre ses relations extérieures avec les autres pays.

    Enfin le douzième article explique la durée de ce contrat : cinquante ans. Ce système est donc conçu pour durer jusqu’en 2047.

    Ce jeudi 28 mai 2020, l’Assemblée Nationale Populaire15 devait voter une loi pour « sauvegarder la sécurité nationale dans la région administrative spéciale de Hong Kong » qui a pour principes de bases : la protection de la sécurité nationale, maintenir et améliorer « un pays deux systèmes », gouverner Hong Kong selon la loi, s'opposer aux ingérences internationales, protéger les droits et les intérêts légitimes des résidents de Hong Kong16. Cette loi soulève des craintes17 quant à des modifications de la loi fondamentale. Mais justement d’où vient cette crainte ? Est-elle justifiée ? Nous devons nous demander ici si le prisme médiatique occidental qui répète en boucle cette crainte est justifiée ou non ? Ou s’il masque un jeu d’influence ?

    Hong Kong symbole de la fin de la domination occidentale

    Le journaliste Frédéric Lemaître justifie cette crainte en soulevant l’article n°6 qui vise « à prévenir, stopper ou punir toute conduite qui met sérieusement en danger la sécurité nationale, telle que le séparatisme, la subversion du pouvoir d’État, ou l’organisation ou l’exécution d’activités terroristes aussi bien que des activités des forces étrangères et menées de l’étranger qui interfèrent dans les affaires de Hongkong »18.

    Il est intéressant de voir qu’il juxtapose cet article de façon immédiate au précédent de 2003 qui prévoyait l’adoption, par les autorités de la région administrative spéciale, d’une législation permettant d’interdire « tout acte de trahison, sécession, sédition et subversion ». Mais ce que ne dit pas Frédéric Lemaître c’est le financement du mouvement « Occupy Central », un mouvement dit étudiant et spontané mais dont les fonds proviennent de la part de la NED19.

    Cette collusion a déjà été soulevée par Tony Cartalucci dans un article en 201420 dans lequel il soulève les liens entre cette fondation et des entreprises. Il y note également que le système de propagande américaine dessert les intérêts de sa propre population21. Wei Xinyan et Zhong Weiping démontrent dans un article22 que la NED a des implications dans le recrutement dans certains médias dont le South China Morning Post et la Hong Kong Free Press, qui organisent les manifestations contre la loi de l’extradition.

    Hong Kong est devenue en 2019, la troisième place financière du monde (et elle talonne de près Londres pour la seconde place)23. Nous pouvons mesurer le parcours historique de ce petit port de pêche à la ville moderne, place financière mondiale incontournable. Une ville-monde en quelque sorte. Mais cette ville-monde n’en demeure pas moins toujours un port d’entrée vers la Chine intérieure. Par l’adoption de cette loi, Pékin réaffirme que Hong Kong est un territoire chinois et, comme tel, il est régi non pas par les multinationales occidentales ou leurs fondations mais bien par le gouvernement chinois. À nouveau, Hong Kong retrouve cette position historique de charnière, de lieu où se rencontrent deux visions du monde. Deux systèmes, certes, mais bien un pays. Et ce pays a été, est et sera la Chine.

    Hong Kong, animé par une jeunesse dont la mémoire ne va pas chercher ses racines dans les faits historiques mais davantage dans des storytelling ne peut vivre cela que comme un déchirement, une incompréhension. Mais cette jeunesse n’est pas Hong Kong dans son ensemble. Hong Kong, ce doux port parfumé, tend à l’Occident un miroir. Au lieu de se complaire dans une image, nous devrions prendre le temps de regarder avec acuité le nouveau monde qui se dessine. Hong Kong symbole de la fin d’une domination occidentale sans partage. La seule question qu’il convient de se poser maintenant est : l’occident se résoudra-t-il à laisser émerger un monde multipolaire où les responsabilités sont mises en commun ?

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    1 Accessible désormais à l’adresse suivante : https://www.academia.edu/8788475/Hong_Kong_sous_un_autre_angle

    2 Cf. Florence de Changy, correspondante du journal Le Monde, dans son article intitulé Pékin se prépare à imposer une loi de sécurité nationale à Hongkong, le samedi 23 mai 2020

    3 Rappelons que les Espagnols s’installent aux Philippines en 1565. Les Hollandais, quant à eux, occupent une partie des îles indonésiennes.

    4 Les pêcheurs sont une ethnie appelée « Tankas » (疍家) ou « peuple des bateaux » qui vivent sur des jonques.

    5 Concernant le bois, c’est l’ethnie appelée « Hakkas » (客家人) ou « familles invitées/familles qui ne sont pas d'ici » et sont ainsi qualifiés les Han vivant au sud de la Chine. Ils sont considérés comme les lointains descendants de réfugiés originaires des provinces du Henan, du Shanxi et du nord du Hubei.

    6 Pour les États-Unis, le traité de Wanghia (望厦条约) qui garantit tarifs fixes sur les échanges des ports ouverts au commerce étranger :

    - le droit d'acheter des terres dans les cinq ports ouverts au commerce étranger et d'ériger des églises et des hôpitaux dans ces villes ;

    - le droit d'apprendre le chinois en supprimant une loi qui jusqu'ici interdit aux étrangers de le faire ;

    - les États-Unis reçurent le statut de nation favorisé, et ainsi donnait aux États-Unis le même traitement salutaire que la Chine donnait à d'autres puissances telles que la Grande-Bretagne, et permis aux États-Unis de modifier le traité après 12 ans.

    7 Le traité de Huangpu (黄埔条约) garantit l'ouverture de cinq ports au commerce français (Canton, Fuzhou, Ningbo, Shanghai et Xiamen) et approuve des privilèges extraterritoriaux pour les citoyens français en Chine, des droits de douane fixes sur le commerce franco-chinois et le droit pour la France de mettre en poste des consuls en Chine. Une convention supplémentaire assurait la protection des missionnaires catholiques en garantissant leur reconduite auprès du consul de France si une autorité chinoise locale les jugeait indésirables, et l'absence de persécution pour les Chinois catholiques à qui rien d'autre ne pouvait être reproché.

    8 Le traité est intégralement disponible en ligne à l’adresse suivante : https://web.archive.org/web/20101225022905/http://web.jjay.cuny.edu/~jobrien/reference/ob28.html

    9 Cf. Pierre Grosser, L’histoire du monde se fait en Asie, éd. Odile Jacob

    10 Comme le fait remarquer Peter Slinn, c’est un moment exceptionnel dans le droit international, car il s’agit d’un accord sans précédent qui inaugure des nouveaux procédés et réglementations. Voir son article Le règlement sino-britannique de la question de Hong-Kong paru en 1985 dans le numéro 31 de l’Annuaire de Droit International - accessible à l’adresse suivante : https://www.persee.fr/doc/afdi_0066-3085_1985_num_31_1_2652

    11 Cf. Auslin, Michael R. (2004). Négociation avec l’impérialisme : Les traités inégaux et la culture de la diplomatie japonaise. Cambridge : Harvard University Press.

    12 Cf. Hsu, Immanuel Chung-yue (1970). La montée de la Chine moderne. New York : Oxford University Press

    13 Ce texte est accessible à l’adresse suivante : https://www.basiclaw.gov.hk/en/anniversary30/ce-message.html

    14 Approuvée et promulguée le 4 décembre 1982 par la 5e session de la Ve Assemblée populaire nationale

    15 L'Assemblée nationale populaire ou ANP (全国人民代表大会) est composée de 3 000 représentants, élus pour cinq ans par un système de vote indirect.

    16 Voir notamment le reportage de CGTN accessible notamment à l’adresse suivante : https://youtu.be/5_yBGqWwBBo

    17 Comme le souligne Zhang Zhulin dans son article Tensions à Hong Kong à la veille de l’adoption de la loi sur la sécurité nationale, repris dans le Courrier International du 27 mai 2020 - accessible à l’adresse suivante : https://www.courrierinternational.com/revue-de-presse/chine-tensions-hong-kong-la-veille-de-ladoption-de-la-loi-sur-la-securite-nationale

    18 Cf. Frédéric Lemaître Pourquoi la Chine veut imposer sa loi sur la sécurité à Hongkong, Le Monde du 25 mai 2020 - accessible à l’adresse suivante : https://www.lemonde.fr/international/article/2020/05/25/pekin-veut-securiser-hongkong-contre-les-interferences-etrangeres_6040658_3210.html

    19 National Endowment for Democracy ou Fondation nationale pour la démocratie (NED). Il s’agit d’une fondation privée à buts non lucratifs. Elle a été fondée en 1983 et son objectif est le renforcement et le progrès des institutions démocratiques à travers le monde. Pour plus d’informations : https://www.ned.org/

    20 Cf. Tony Cartalucci Les États-Unis reconnaissent qu’ils financent « Occupy Central » (octobre 2014), Les Crises - accessible en ligne à l’adresse suivante : https://www.les-crises.fr/les-etats-unis-reconnaissent-quils-financent-occupy-central/

    21 Nous pourrions ici remémorer tout le travail de la commission Creel (ou Committee on Public Information) dont l’objectif a été de faire adhérer l’opinion publique à l'effort de guerre ou encore les œuvres de Bernays dans la conception de la propagande moderne. Pour ceux qui ne souhaitent pas lire ses ouvrages, je conseille l’excellent documentaire de Jimmy Leipold intitulé Propaganda - la fabrique du consentement (Arte - 2018) - accessible en ligne à l’adresse suivante : https://www.dailymotion.com/video/x6kqf6i

    22Cf. Wei Xinyan & Zhong Weiping, Who is behind Hong Kong protests ?, China Daily (août 2019), article accessible à l’adresse suivante : https://www.chinadaily.com.cn/a/201908/17/WS5d578b28a310cf3e355664f1_2.html

    23 Voir sur ce point l’article de Etienne Goetz, Hong Kong, troisième place financière au monde, Les Echos, 17 août 2019 - article accessible en ligne à l’adresse suivante : https://www.lesechos.fr/finance-marches/banque-assurances/hong-kong-troisieme-place-financiere-au-monde-1124778

  • Macron & la Chine

    Nous vivons un monde hautement paradoxal, où la vitesse de passage sur l’actualité nous fait trop vite oublier les évènements passés. L’actualité retenue par la presse française en ce moment, en dehors des voeux, c’est la visite d’Emmanuel Macron en Chine du 8 au 10 janvier 2018 (1).

    Que devons-nous retenir de cette annonce ?

    La première sans doute c’est la brièveté de cette visite en Chine. Deux jours pour comprendre l’immensité, la diversité, la force de la Chine, c’est impossible. Deux jours pour se saisir d’une philosophie de la durée. C’est incompréhensible.
    En France et dans le monde, Emmanuel Macron se présente comme « le maître les horloges »(2), mais en Chine il va découvrir qu’il n’est pas le maître du temps. En effet, si en France les annonces sont faites pour rester dans le monde des mots et n’avoir aucune portée collective ou temporelle, à l’inverse en Chine les objectifs sont énoncés clairement. Dans ses vœux XI Jinping a rappelé tous les efforts entrepris, il a aussi souligné : “Nous avons fait la promesse solennelle que la population défavorisée sorte de la pauvreté en 2020. Une promesse vaut mille pièces d’or. Il ne nous reste que trois ans avant 2020. Toute la société doit se mobiliser”.
    En Chine, personne ne doit être oublié sur le chemin du progrès, et les mots engagés ne le sont pas au niveau individuel ou simplement financier.

    La seconde ​chose que nous devrions retenir et que les médias français ne font pas ressortir, c’est qu’en Chine les enjeux sont collectifs et non individualistes. À nouveau, je rappelle les voeux de Xi Jinping : “nos acquis du développement reviennent à la population, et doivent lui profiter. Je sais que le peuple est préoccupé par divers problèmes, tels que l’éducation, l’emploi, les revenus, l’assurance sociale, les soins médicaux, les services aux personnes âgées, le logement et l’environnement. Les acquis sont nombreux, les soucis également. Notre travail pour le bien-être est encore long, ce qui nécessite de consolider le sens de notre devoir et de notre responsabilité, et de parachever le travail profitant à la population.
    La population est au coeur des préoccupations du gouvernement chinois, le bien-être, les objectifs à 2020 et à 2050 sont clairs et le chemin est tracé, il se poursuit, il se perpétue.

    La troisième ​chose que nous devons retenir de cette annonce, c’est ce qu’elle masque. Si on regarde les propos tenus par Emmanuel Macron lors de sa campagne électorale, alors nous devons nous souvenir que la Chine posait
    problème. En tant que ministre de l’économie, il voulait lui imposer des règles. Dans son programme de campagne, il écrit “la présidence de Donald Trump inquiète nos concitoyens et bouleverse les équilibres mondiaux, au profit de la Chine”. Attention aux mots employés où l’on voit clairement se dessiner non une amitié mais une guerre des législations, car si l’économie américaine continue de chuter l’Europe dépendante des États-Unis doit trouver d’autres partenaires.
    Un peu plus loin sur son site de campagne, il écrit : "la Chine est un acteur fondamental avec lequel la France et l’Europe doivent renforcer et équilibrer leurs relations dans les domaines sécuritaires, commerciaux et écologiques. Nous lancerons dans cet esprit avec nos partenaires européens une initiative globale pour négocier un accord transversal avec la Chine". Cette phrase est très intéressante, car on voit que l’on ne peut pas faire sans la Chine. La Chine est incontournable, il veut établir un partenariat en faveur de l’Europe. En réalité, l’Europe n’a jamais eu autant besoin de la Chine. À nouveau cela montre combien, il va s’engager sur le plan commercial et financier. Mais ce ne sera pas au profit de la population française et encore moins européenne.

    La quatrième chose à retenir est celle que les médias effacent ou soulignent comme étant de la “realpolitik” : sa rencontre avec le Dalaï-Lama "J'ai vu le visage de la bienveillance” écrit-il sur son compte twitter le 12 septembre 2016. Nous pourrions longuement argumenter sur le mot “bienveillance”...

    Enfin la cinquième chose à retenir est lié au contexte. Emmanuel Macron bénéficie du fait que l’Allemagne peine à trouver un gouvernement, que l’Italie ne peut s’affirmer... Donc il se proclame comme étant le porte-parole de l’Europe. Cependant, ce n’est pas la population européenne qui le met à cette place. Donc attention aux effets d’annonce.

    Comme je l’ai déjà écrit dans mon article intitulé Le sens de l’avenir (3), les médias occidentaux véhiculent une image négative de la Chine. Cette image passe par l’emploi de certains mots. Aujourd’hui l’annonce de cette visite fait rejaillir cela et l’opposition philosophique fondamentale entre deux pays, d’un côté une pensée de la durée (la Chine) de l’autre une pensée de l’instantanéité. Le paradoxe occidental consiste à avoir fait des mots, des pièges, des illusions où les imaginaires se précipitent, et où ils sont déchus tout aussi vite. Tout langage est écart de langage en occident.