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Rebelle - Page 20

  • L'illusion

    Premier thème de l'année en "images et photographies", l'illusion. Excellent choix de la part des étudiants de première année de l'ISEG Communication School.

    La question qui demeure est comment photographier une illusion ? 

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    Commençons d'abord par nous poser la question de la définition de l'illusion. 

    Etymologiquement le terme "illusion" vient du latin illudere, "se jouer de ". L'illusion est donc une apparence trompeuse que notre esprit prend pour la réalité. 

    Selon CNRTL : nous devons nous accorder qu'il peut y avoir illusion d'abord à cause d'une erreur dans le domaine sensoriel - "Perception erronée dans la mesure où elle ne correspond pas à la réalité considérée comme objective, et qui peut être normale ou anormale, naturelle ou artificielle." Puis nous devons l'illusion peut également être un principe d'erreur dans le domaine intellectuel et affectif - "Croyance ou conception erronée procédant d'un jugement ou d'un raisonnement faux (dû à l'ignorance ou à l'imagination)". Enfin l'illusion peut être un effet de la création et principe de représentation dans les arts - "Phénomène par lequel un acteur ou un créateur, à l'aide des techniques diverses de son art, reconstruit une certaine réalité qu'il tend à imiter ou qu'il transforme et transpose, et suscite l'adhésion du spectateur, de l'auditeur ou du lecteur en lui donnant le sentiment du vrai. Créer, obtenir, produire l'illusion; détruire l'illusion, nuire à l'illusion; illusion complète, parfaite; l'illusion de la réalité, du réel, du vrai".

    Demandons-nous maintenant comment faire pour illustrer ce sujet, si tout est illusion (rappelons-nous que nous ajustons à chaque instant nos représentations mentales) ? Faut-il prendre l'oeuvre de Joana Vasconcelos exposée ce jour au Bon Marché. Un nuage de parfum qui tombe ou s'élève dans la verrière. Voyez-vous l'odeur ? Sentez-vous la douceur du nuage ? Ressentez-vous les lumières, le flirt des escaliers avec l'apesanteur ?

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    Philosophiquement, nous savons que les illusions des sens ne sont pas le fait des sens. En effet, l'illusion d'optique nous fait bien percevoir comme brisé un bâton droit plongé dans l'eau. Il y a donc bien une perception déformée explicable par les lois de l'optique. Cependant, nous ne pouvons affirmer qu'il s'agit d'une illusion que si nous affirmons haut et fort que ce qui nous paraît comme tel l'est bien réellement. L'illusion provient alors du jugement et non des sens. Ce jugement ne corrige pas nos perceptions erronées. Prendre l'apparence pour la réalité est l'illusion la plus élémentaire, celle que critique Platon au travers du mythe de la caverne, où des prisonniers assistent à un spectacle d'ombres. Au nom de la "vérité", Platon chassait hors de la République, les artistes auteurs d'apparences trompeuses donc faiseurs d'illusions. 

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    Cependant selon Emmanuel Kant une illusion "naturelle et inévitable"  qu'aucune critique ne peut supprimer, c'est "l'illusion transcendantale". Elle nous fait prendre de purs raisonnements pour des réalités objectives... Méfions-nous donc des idées relatives aux croyances (Dieu, l'âme, l'immortalité...).

    Jouons encore un peu avec l'illusion, car si l'erreur peut être corrigée par un effort d'attention, la force de l'illusion vient du plaisir et du réconfort qu'elle procure. Dans ses Pensées, Pascal nous montre que "si l'homme n'est qu'un sujet plein d'erreur naturelle", c'est pour fuir la cruauté de la vie ou la peur de la mort grâce au "divertissement". 

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    L'illusion sert la vanité humaine. C'est ce que Spinoza a, en un sens, cherché à théoriser dans son oeuvre. En critiquant l'illusion de la finalité  qui place l'homme au centre du monde et qui fait de la nature un simple lieu pour servir nos besoins et nos désirs. 

    Ainsi en traversant toute l'histoire de la philosophie, nous pourrions questionner un bon nombre d'illusions (philosophiques comprises). Faut-il dès lors, comme Nietzsche, poser que l'illusion aide à vivre et que "tout ce qui console ment" ?  

    Pour Nietzsche, la vérité même est une illusion. Pour le comprendre, il estime qu'il suffit de poser la distinction entre les "bonnes" illusions au service de la vie (l'art) et les "mauvaises" qui affaiblissent la vie (comme la morale et la religion). 

    Une fois que l'on dit tout cela, j'ai pour ma part, choisi de représenter l'illusion par cette photographie. 

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  • Rabbit Hole

    0x1200x17698-or.jpgNous sommes vendredi 18 janvier 2019. Le froid bat les pavés parisiens. Les discours volent en tous les sens, comme autant de commentaires infinis sur le désordre social. Tout ceci rime dans mon esprit avec l'absence de réflexion, de mise en perspectives (un effondrement d'un système ne signifie pas la fin de tout, mais bien la nécessaire mise en commun de nos réflexions pour en élaborer un autre - cf. Traces de révoltes). Serions-nous en dissonance cognitive collective ? 

    Pourquoi cette introduction me direz-vous ? Parce que nous sommes des corps situés. Le contexte d'une rencontre, d'une découverte importe donc pour comprendre ce qui é-meut. Rendez-vous donc au Théâtre des Bouffes Parisiens pour découvrir la pièce Rabbit Hole.

    Il fait froid, il fait nuit, la journée a été longue de ces contradictions permanentes, et je ne vous cache pas mon a priori énorme à voir une pièce qui nécessairement allait me faire remonter des souvenirs.

    Lorsque j'ai lu le résumé de la pièce, mon envie de faire demi-tour était grande : "Une création tout en nuances et en émotions. Comment des parents peuvent-ils se remettre de la perte d'un enfant...? Loin des facilités du pathos, cette histoire nous plonge dans le quotidien d'une famille tentant de se reconstruire. Un quotidien sensible, lucide, souvent drôle, même, qui transcende les petites choses de l'ordinaire pour faire vibrer la profondeur de l'humain." 

     

    Disparaître ou continuer à aimer ?

    Quel est donc cet endroit où nous pourrions nous cacher ? Cacher notre douleur de cet amour impossible à se détacher de nous-même ? Sans doute est-ce là l'enjeu du "Rabbit Hole", ce trou de lapin où nous aimerions tous nous cacher quand rien peut aller à la suite de la perte tragique d'un enfant (ou d'un proche). David Lindsay-Abaire, l'auteur américain de cette pièce a sans doute eu cela en tête lorsqu'il a décidé d'écrire avec force et sincérité l'histoire de ce couple huit mois après la disparition de leur fils. 

    C'est  donc l’histoire de Becky (Julie Gayet) et Howard (Patrick Catalifo), qui tentent, chacun à leur manière de faire face à la mort de leur enfant de quatre ans, fauché par une voiture alors qu'il courait après son chien. L'univers bascule, les souvenirs envahissent le présent, la perte occupe l'espace de cette maison. L'onde de choc parcourt le plateau. Comment revenir à la vie ? Comment aimer à nouveau ? Le couple est entouré ici de Izzy (Lolita Chammah), la sœur de Becky qui tombe enceinte et ne sait pas comment l'annoncer à sa soeur et Nat (Christiane Cohendy), leur mère. 

     

    Dire avec le tranchant de l'humour

    Comment faire disparaître cette boule (de douleur) au fond de soi qui empêche d'avancer ?  David Lindsay-Abaire se joue des mots, du quotidien. Tout se révèle au fur et à mesure de la pièce. Les situations, les gestes, les phrases rien ne doit dépasser, rien ne doit provoquer le chagrin, la douleur des parents. 

    Là où je m'attendais à du pathologique, du drame en noir : surprise ! L'humour implacable de la langue et des absurdités du quotidien sont mises en avant. À chaque instant, jaillit un trait d'humour. Quand Becky parle de la crème caramel, quand Izzy raconte son altercation en boîte de nuit, ou quand Nat évoque le bruit autour des jouets offerts... L'humour noir entre Becky et Howard. L'humour tragique jaillit aussi au moment où les personnages perdent le contrôle, ne voyant plus leur maladresse (je pense ici où Nat évoque avec insistance la malédiction du clan Kennedy). 

    Il y aussi le renversement de nos biais cognitifs, nous pensons immédiatement que Howard semble plus armé pour survivre au drame et renouer avec une vie "normale"... Mais une fois au coeur de leur quotidien on s'aperçoit que la situation est plus complexe. Les douleurs respectives du couple mais également de leurs proches résonnent en écho. Comment s'en sortir ? Comment vivre après la perte ? "Rien ne sera plus comme avant" alors à quoi bon chercher ? 

    Ce fragment de vie passé au microscope, nous fait voir une chose remarquable: la vie en elle-même. Vivre c'est s'accrocher, se raccrocher, c'est un déséquilibre. Vivre, c'est faire résonner nos écorchures plus ou moins profondes. Sans cesse, sur le fil de l'humour. Il ne faut pas vous tromper en lisant le résumé de cette pièce, le fil conducteur n'est pas le pathologique mais l'amour (et son liant universel l'humour). 

     

     

    Des acteurs remarquables 

    Comment entrer dans ces rôle complexes sans y laisser des plumes ? Comment faire la part des choses entre les douleurs des personnages et ses propres douleurs ?

    Je dois avouer ici que j'ai complètement découvert Julie Gayet. Une révélation en mère forte et fragile. Elle incarne Becky. Elle veut dire sa douleur de mère tout en cherchant à faire sans son fils. En violences contenues, en mots jetés, rattrapés, en gestes pour dire sans dire. Je l'ai trouvée renversante de sincérité.  

    Face à elle, Patrick Catalifo incarne Howard (son mari). Une présence scénique puissante et fragile. On le voit comme mari, mais il est le père. Et c'est dans ce renversement permanent du père qui veut dire sa douleur et du mari qui veut aider sa femme à s'en sortir que Patrick Catalifo prend une dimension magnifique. 

    Lolita Chammah incarne Izzy (la soeur) de façon à la fois sublime et fantasque. Une énergie à toute épreuve, un humour incisif, une belle et attachante présence. 

    Renan Prévot qui incarne le jeune conducteur joue à la perfection sa présence fragile, perdue, déboussolée, déboussolante. 

    Christiane Cohendy (Nat) en mère de Becky est totalement bouleversante de justesse. Elle une palpitation. Elle qui doit ou devrait consoler sa fille, tout en soutenant la grossesse de son autre fille, tout en pleurant la perte de son petit fils, tout en revivant la mort de son fils. Il y a chez Christiane Cohendy une magnifique facilité à être ce personnage. Elle lui donne corps, faisant régner la mélodie des fractales temporelles.

     

    Comment conclure ?

    Maison ouverte, mouvante. Claudia Stavisky et le scénographe Alexandre de Dardel ont mis en écho les souvenirs par des jeux d'espace qui se plient, se replient, se déplient. Où l'humour transcende la douleur, où les pas des uns font danser les souvenirs des autres. Ainsi portée et orchestrée, Rabbit Hole est une pièce qui donne envie de retrouver sa joie de vivre, son humanité. Une bouffée d'air frais. Une véritable leçon d'amour.

     

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    Mise en scène : Claudia Stavisky 

    Adaptation : Marc Lesage

    Distribution : Julie Gayet, Patrick Catalifo, Lolita Chammah, Christiane Cohendy, Renan Prévot

    Informations & Réservations : Guichet - 4, rue Monsigny,  75002   Paris

    Tél. location : 01.42.96.92.42 / 01.42.96.92.44 Fax location : 01.42.86.88.73

     

     

     

     

  • Diplômées : artistes empechées

    Artistes_empêchées.jpgDans ce numéro, nous avons souhaité interroger la thématique « de l’art et des femmes ». Quels sont leurs liens ? Les femmes ont-elles toujours été considérées comme des artistes ou bien simplement comme des « objets » à recréer ? De la préhistoire à l’Antiquité, les femmes sont représentées comme des déesses, des héroïnes. Elles ne sont cependant pas perçues comme des artistes.

    Il faut attendre le XIXe siècle pour commencer à voir des femmes s’imposer comme artistes. Et c’est en poursuivant leurs combats que le XXe siècle leur ouvre les portes des rencontres avec le public.

    Rappelons qu’en 1989, des affiches sont apparues dans les rues de NewYork. Elles ont été placardées par le groupe d’activistes féministes les Guerrilla Girls. Elles souhaitent ainsi interpeller les passants. Sur les affiches nous pouvions lire : « Faut-il que les femmes soient nues pour entrer au Metropolitan Museum ? Moins de 5% des artistes de la section d’art moderne sont des femmes, mais 85% des nus sont féminins ». Dans ce numéro nous avons souhaité donner la parole autant à des chercheuses qu’à des femmes artistes. Toutes témoignent de la difficulté à être (artiste). C’est cela l’empêchement. À la fois visible et invisible.

    Ont participé à ce numéro : Marie Bagi, Isabelle Bene, Anne- Claire Boshâ, Sonia Bressler, Michelle Brieuc, Hélène Bruller, Yvette Cagan, Anne Sophie Coppin, Anne Creissels, Catherine Lopez Curval, Pierrette Germain-David, Christine Jolly, Suzanne Larrieu, Fanny Levy, Claude Mesmin, Karin Müller, Anne Rougée, Erica Mancel Salino, Maria Giuseppina Scanziani,Valérie Simonnet, Catherine Stoessel.

    • Genre : Essai/Revue
    • ISBN : 979-1097042141
    • Nombre de pages : 252
    • Format : 15,5 x 22 cm 
    • Prix : 14€
  • Trace(s) de révolte(s)

    Donner à voir. Dire l'indicible. Tenter de formuler une question. Rompre une soumission. Faire corps. Donner de la voix. Chercher à briser une fatalité. Poser des limites. Demander des droits. DIRE. C'est tout cela à la fois le(s) mouvement(s) des Gilets Jaunes. Une colère plurielle, multiforme qui veut dire la misère, la difficulté des fins de mois, les errances de discours, les résignations, les désignations faciles, les nouvelles formes de totalitarisme(s).

    Comment rendre compte de cette actualité tout en gardant la possibilité de l'examen critique ? Paradoxe que nous devons dépasser pour élaborer une tentative de compréhension. Dans son ouvrage Oppression et liberté, Simone Weil écrit : "on pense aujourd’hui à la révolution, non comme à une solution des problèmes posés par l’actualité, mais comme à un miracle dispensant de résoudre les problèmes". Se révolter c'est hurler au monde, c'est rétablir le rapport de force. La résolution, elle, arrive bien plus tard. 

    Le monde réel n'existe pas. Poser ainsi cette affirmation fait crier, fait taire, fait rire... Le réel (notre réel) est une réorganisation permanente de nos perceptions. Notre cerveau trie, met en forme, détourne, retourne. Première résultante de nos errances perceptives : les biais cognitifs. Nos biais cognitifs sont parfois entretenus par des paroles répétées, des paroles d'autorité, des paroles amicales, médiatiques, familiales, etc..

    Si on vous montre le(s) mouvement(s) des Gilets Jaunes par le biais de la casse, alors vous répèterez cette idée que le mouvement a été mis en place pour casser. Si on vous le montre sous un autre angle comme celui de la pauvreté alors vous serez enclin à vous en détacher en disant que vous n'appartenez pas à cette catégorie. Si on vous montre les violences policières vous allez probablement dire que tout ceci est une injustice. 

    L'ensemble de ces propos sont au coeur des Gilets Jaunes. Nous pourrions y ajouter une part de racisme, une part d'anti-sémitisme, etc. Mais il y a aussi mille autres choses.

    Tous les samedis, je suis venue au coeur de ce mouvement, j'ai pris des clichés (comme souvent décalés) pour montrer, pour décliner autrement cette actualité. Au fil des rues, au fil des cris, au fil des gaz étoilés dans le ciel de Paris, des rebonds de fumée sur les toits, les feux de rues, j'ai suivi les pas usés, j'ai écouté les propos, j'ai pleuré, j'ai eu le coeur serré...

    Un corps doit être situé disais-je dans une réponse à un article de Pascal Engel.  Un corps situé dans le mouvement des gilets jaunes, c'est un corps qui brave le froid, qui se fait prendre entre les avancées des CRS, les souffrances morales des citoyens, les gaz, la pluie... C'est aussi un corps traversé, transpercé des discours médiatiques, des incertitudes des étudiants, des amis, des doutes (sur l'avenir, le temps présent, l'actualité).

    Cette carcasse, qui est mon corps depuis des années, a décidé de donner à voir. Juste montrer, à chaque instant saisi, tout ce qui trouve devant mes yeux (partie infime de mon corps situé, pris dans toutes les contradictions de l'instant). Certains me reprochent de ne pas faire de vidéo.

    Nous n'avons pas besoin de mes vidéos, nous avons besoin d'images fixes, d'images suspendues à notre réflexion, à notre respiration, à notre recherche de sens. Les réseaux sociaux débordent de vidéos, de témoignages directs. Ma recherche re-stitue, suspend le flux de l'actualité. Prendre le temps, le distordre pour en saisir les flux permanents. Donner à voir encore. Donner à regarder. Donner du temps à l'urgence. Sortir des ghettos, des partis, regarder au plus près notre malheur commun. 

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    Aujourd'hui j'ajoute les traces des luttes tantôt imperceptibles (presque poétiques) et les rages en mots (ou les maux en mots) surexposées. Des restes de grenade entre les feuilles, des verres éclatés, des vitrines brisées, des tags, des pavés abandonnés au pied d'une église. 

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    Dans Réflexions sur les causes de la liberté et de l'oppression sociale, Simone Weil écrit "le mot de révolution est un mot pour lequel on tue, pour lequel on meurt, pour lequel on envoie les masses populaires à la mort, mais qui n'a aucun contenu". Aucun contenu ou bien tous les contenus en même temps ? La révolution vient de toutes les contradictions qui ne peuvent plus être silencieuses.

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    Dire l'urgence pour rétablir le rapport de force entre deux camps invariablement toujours les mêmes : opprimés & oppresseurs.

    L'État, par définition, est une structure hiérarchique, il est donc nécessairement celui qui opprime. C'est sa structure fondamentale, il exerce le pouvoir en ordonnant, en soumettant la population à ses ordres. De l'autre côté, la population qui doit être aux ordres, est structurellement (à l'heure où nous parlons) dans la partie adverse : elle est opprimée. Mais ce n'est pas parce que ceci est vieux depuis des millénaires que cela ne peut pas changer. Nous n'allons pas vers plus ou moins de barbaries. Nous sommes des barbares. 

    Dans Réflexions sur la barbarie, Simone Weil  écrit :"Bien des gens aujourd'hui, émus par les horreurs de toute espèce que notre époque apporte avec une profusion accablante pour les tempéraments un peu sensibles, croient que, par l'effet d'une trop grande puissance technique, ou d'une espèce de décadence morale, ou pour toute autre cause, nous entrons dans une période de plus grande barbarie que les siècles traversés par l'humanité au cours de son histoire. Il n'en est rien. Il suffit pour s'en convaincre, d'ouvrir n'importe quel texte antique, la Bible, Homère, César Plutarque". 

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    Ce tag est particulièrement frappant. Il nous rappelle plusieurs choses. La première est la dimension géopolitique de la question sociale qui nous est posée. Sur ce point, revoir ou voir le documentaire de Manon Loizeau États-Unis : à la conquête de l'Est (vous y trouverez des similitudes et des différences avec ce que nous pensons être un mouvement uniquement franco-français). Nous pourrions nous questionner sur le nouveau embargo sur l'Iran et ses suites... Nous pourrions également soulever la question suivante : qui profiterait le plus du démantèlement du marché européen ? Autant de questions indirectes, invisibles et pourtant bien palpables. 

    La seconde chose que nous rappelle ce tag, c'est tout le travail psychologique à l'oeuvre dans une foule. Une somme d'individus, c'est une somme de multiples expériences et de discours. L'échauffement des esprits ne signifie pas qu'il n'y ait aucune pensée derrière. Relire absolument la Psychologie des foules de Gustave Le Bon. Il y écrit "Les grands bouleversements qui précèdent les changements de civilisation semblent, au premier abord, déterminés par des transformations politiques considérables : invasions de peuples ou renversements de dynasties. Mais une étude attentive de ces événements découvre le plus souvent, comme cause réelle, derrière leurs causes apparentes, une modification profonde dans les idées des peuples."

    D'où vient la modification profonde, si ce n'est ici de l'usage du tout technologie, de la mutation permanente de notre être, de notre subjectivité ? De là résulte la confrontation permanente entre une identité profonde et des désirs furtifs renouvelés... mais comme le souligne Zygmunt Bauman dans ce Présent liquide impossible de se construire sans s'auto-détruire en permanence. "La modernité liquide ne se fixe aucun objectif et ne trace aucune ligne d’arrivée ; plus précisément, elle n’attribue la qualité de la permanence qu’à l’état d’éphémère. Le temps s’écoule, il n’avance plus". Il n'y voyait pas de solution. Nous devons voir au-delà de ses craintes. Nous devons aller plus loin et retrouver le fil du temps, de la durée de notre humanité.

    Le(s) mouvement(s) des Gilets Jaunes nous mettent face à notre propre contradiction :  nous devons avancer mais nous sommes englués dans nos biais cognitifs répétés (conditionnés à nos habitudes dirait Bergson). Avancer signifie aujourd'hui opérer un changement de nos infrastructures économiques, sociales, collaboratives, ordonnatrices, etc. Mais cela ne doit pas rimer avec l'établissement définitif du totalitarisme (ou une réduction de la démocratie). C'est avant tout de démocratie dont l'humanité a besoin.

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    Le cri collectif est celui-là. Pour vivre nous avons besoin de plus de démocratie, de plus de représentations, d'échanges, de participations. La démocratie doit évoluer, prendre un nouveau visage. Poursuivons le fil sur lequel notre compréhension humaine est structurée. Culturellement nous n'avons pas encore opéré un changement de perspective(s). Ce n'est pas parce que l'état est encore une figure hiérarchique et autoritaire qu'elle ne peut pas se métamorphoser en une figure coopérative.

    C'est dans un effort commun, que nous pourrons lancer les bases d'une démocratie représentative. Dans le rang des Gilets Jaunes on voit apparaître des slogans en faveur du RIC (référendum d'initiative citoyenne). C'est une étape. 

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    Une étape qui doit nous mener vers une démocratie que je qualifie de liquide. Une démocratie dans laquelle les lignes hiérarchiques sont remplacées par des lignes égalitaires. Où le consentement éclairé doit prendre la place de la soumission (ou du marketing de la permission). Tant que nous prendrons pas le temps d'établir ce nouveau mode de fonctionnement, tant que nous restons soumis à l'ordre hiérarchique (tant confortable à certaines de nos habitudes), nous ne pourrons rendre à l'humain sa place réelle dans l'écosystème de l'humanité. Nous resterons au bord du chemin. Ne l'oublions pas, au milieu de tous les discours médiatiques faussement contradictoires entre experts (hors sol soit hors des réalités - voir le fantastique travail de l'ACRIMED sur ce sujet) : la première violence est celle économique.

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