En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.
Raoul n'est pas un personnage comme les autres. Raoul est une constellation comme les aime Philippe Minyana. Un point dans l'univers où se croisent les énergies, la grande histoire du théâtre et des arts. Un point des humanités. Un point fragile et fort.
À quoi pouvons-nous résumer une vie ? À un ensemble de personnes croisées ? À un ensemble de liens tissés ?
Faire le portrait de Raoul, c'est entrer dans la doublure invisible du visible. Alternativement, nous passons du bruit de la canette, à la lumière des plus grandes scènes du monde. Des fantômes des petits frères à la voix de la grand-mère puis à la douceur de sa mère. Cette mère qui lui a transmis le goût de la couture, du travail bien fait. Les catalogues des costumes français dans le coin de la pièce. Des heures à voir et à faire des robes de Dior, de Lanvin...
Oui. Raoul est couturier, costumier, acteur, chanteur. Comme tous les êtres brillants, il est polyvalent. Multiple. Joueur, rieur, fin observateur. Malicieux, tendre, inventif, mélancolique.
Entrons dans la constellation de Raoul Fernandez.
Suivons le fil de la tendresse bienveillante de la mise en scène de Marcial Di Fonzo Bo. Fragilités, couleurs, émotions. De l'ombre à lumière. Du costumier à l'acteur, de l'acteur au metteur en scène, deux constellations se font écho. L'intime se révèle. Et cette part de l'intime ne serait-elle pas cet "entre-deux" ?
Un entre-deux. Sommes-nous de la terre où nous sommes nés ? Ou bien sommes-nous seulement de celle où nous vivons ? Être ici et pourtant d'ailleurs. Impossible d'être uniquement de là-bas. Ce léger accent, ce léger attachement à cet endroit fantomatique. Cette terre native qui chante, enchante et hante. L'Amérique latine mère des constellations de Raoul Fernandez et de Marcial Di Fonzo Bo. Marcial est né à Buenos Aires, Raoul, quant à lui, est né à El Tránsito au Salvador.
Sous les projecteurs, les mots d'une vie. Nous voyons les parois blanches de El Tránsito. Nous sentons la mer. Nous pleurons les enfants perdus. La folie d'un père. Le bruit de la machine à coudre. Les drames sont des joies. Les joies sont des drames. Au milieu de ces odeurs, de ces couleurs, des glaces de la rue principale, le fil d'une vie se lance, s'étire, s'agrafe. Paris comme lumière, comme rêve.
Raoul aime Molière. La langue française c'est comme cela qui l'a apprise. "Le scandale du monde est ce qui fait l’offense Et ce n’est pas pécher que pécher en silence (Molière, Tartuffe)."
Raoul part. Il traverse un océan.
Raoul rencontre Raúl Damonte Botana (Copi). Il lui fera les costumes. Mais Copi lui fera découvrir la joie de s'affirmer. Quoi de mieux qu'une perruque ? L'entre deux revient dans une valse incessante.
“Si vous me réduisez au désespoir, je vous avertis qu’une femme en cet état est capable de tout. (Molière, Georges Dandin)”
Raoul est une très belle femme.
Comme toutes les femmes, il cherche à avoir des seins. "Mes nichons poussent". L'identité est une effervescence, elle ne peut se résumer à un seul genre, à un seul lieu.
Raoul rencontre Rudolf Noureev directeur du ballet de l'Opéra de Paris. Il fera les costumes, savourera les opéras depuis les coulisses.
Raoul rencontre Stanislas Nordey qui le fera monter sur la scène. La fin des coulisses pour Raoul. La scène. La lumière. Le désir. Les mots sortent, les mots se dévoilent. L'acteur se révèle.
Raoul rencontre Marcial Di Fonzo Bo. La scène théâtrale se fait moins clivante. Le cinéma entre sur scène. Il devient lumière, danse, transe, transition. Joie, joyau. Le portrait de Raoul est un festival de couleurs, de points, de plis, de déliés, d'odeurs, de souvenirs, de voyages, de tendresses.
Une vie c'est un imaginaire. C'est aussi la force des fantômes qui la hante. Nous cheminons avec délice sur le fil d'une vie. Une pièce sur mesure, réalisée à plusieurs mains.
Quel doux nom de rue. Ne trouvez-vous pas ? Elle chante comme une fontaine de jouvence. Le jour s'y lève sur les rêves d'une famille. Une vie. Des vies. Une mélodie familiale. La guerre et ses frayeurs : ses découvertes et ses pertes. Le bruit des bombes, des premières amours. La maison tient toujours. Solide bâtisse où tout y vit, tout y vibre, même les ombres. Surtout les ombres. À hauteur d'enfant, nous nous glissons dans leurs coulisses. Nous savourons les pommes, ramassons les fleurs, jouons avec le chien. Ce chien qui du fond des âges nous revient. Comme une lumière de printemps.
Fin de la guerre, la joie, la libération. La maison ouvrière est devenue bourgeoise. Changement de génération autour d'une maison "épicerie".
Que trouvons-nous dans une épicerie ? Des odeurs, des saveurs, des trucs, des astuces. Nous sommes ici dans une pièce de Philippe Minyana. Nul doute possible. Les inventaires des délices comme des silences sont là. Les détails s'écrivent autour d'une facilité de la langue. Facile cela signifie juste. Efficace. Sensible. Hyper-sensible pour être à la mode. Toujours à la limite. Toujours à la faille. Toujours face au précipice.
Une joie sautille, un humour grinçant se dessine. C'est pur, c'est tendu. Cette langue fragile et douce, forte et féroce, nous accompagne. Elle est souple. Elle virevolte. Elle sait se saisir du temps. Suspendue, elle regarde l'espace. Il n'y a pas de plus belle langue théâtrale.
Soudain. Vous vous surprenez à en dire les mots. Elle est dans votre mémoire. Elle joue avec vous. Elle vous invite dans cette maison pour une visite extraordinaire et joyeuse.
Assis, debout, volant. Vous êtes là. Vous suivez cette langue. Avec elle, vous prenez corps dans le souvenir. Deux fantômes vous y accompagnent. Laurent Charpentier et Catherine Matisse.
Deux lueurs, je n'ai pas envie de dire "acteurs". Deux fantômes, deux présences incroyables. Deux voix splendides. Deux chants. Deux histoires parallèles. Ce dialogue est-il possible ? Il est une joie, une tendresse, une jubilation. Corps, sans corps ou double perspective des souvenirs.
Ils jouent de pièce en pièce, de charme en charme. Ici la cuisine. Ici le salon. Ils nous entraînent dans les méandres de cette maison. Regards sur leurs passés croisés, communs. Tout se déplie. Ils touchent en écho. Grandeurs et décadences de cette famille. Dès les premières phrases, nous sommes cueillis. "Fatigués de cette journée..." Invitation au voyage.
« Tu les entends ? » « Oui je les entends. » Mais qui entendons-nous ? Qui attendons-nous ? Deux fantômes énigmatiques. Fiers de leurs beaux costumes retrouvés ? Sincérité étincelante des choix de Raoul Fernandez (costumier). Le blanc. Plus tout à fait blanc. Blanc du mariage, de la mort, des souvenirs écornés.
Nous aussi, nous les entendons. Au milieu des souvenirs, jaillissent les HLM, les voitures, la fin des Trente Glorieuses. Nous suivons le fil. Cette lumière tendre d'où procède l'imaginaire. L'espace se dessine furtif. Nous allons de pièce en pièce avec les nuanciers de Marylin Alasset (scénographie /lumière). Qu'il est doux de donner l'espace à l'imaginaire du spectateur. Il peut ainsi vagabonder dans les photos souvenirs, les joies perdues, les innocences cachées, les rires, les maladresses. Tout se conserve dans cette famille.
Et puis il y a cette douce mélodie. Ponctuations de notes qui nous conduisent entre les larmes des souvenirs et les joies des drames. Nicolas Ducloux se joue du piano. Il épaissit les souvenirs. Il redonne du corps à ses deux fantômes. Nos deux amis de la soirée.
« C'est là que je suis morte » dit madame Avril. « Je me suis offert un platane » dit l'Ami. Écoutez, il n'y a pas de drame. Juste la vie. Pas de tristesse. Juste de la mélancolie. « L'ordre des choses est toujours un désordre » dit l'Ami.
Comme le souligne Philippe Minyana "Les Mots fabriqueront la Fiction ! Et on entendra la belle et terrible histoire des Trente Glorieuses ; métamorphoses et mutations ! Passions et mortifications ! Une vie, des vies ordinaires, donc exemplaires. La vie d'une maison comme la métaphore d'une civilisation en mouvement, comme le reflet d'un fragment d'histoire. Vérité déformée, aléatoire, universelle."
J'ai aimé ces fantômes. J'étais bien avec eux au coeur de la malice de leurs souvenirs. Avec eux se dessine la profonde tendresse de l'auteur pour l'humanité des humbles.
___________
Texte et mise en scène : Philippe Minyana Avec : Laurent Charpentier, Catherine Matisse Pianiste : Nicolas Ducloux Costumes : Raoul Fernandez Magie : Benoit Dattez Scénographie / lumière : Marylin Alasset Assistant à la mise en scène et servant de scène : Julien Avril
Durée : 1h30
Production : Centre Dramatique National Nancy Lorraine, La Manufacture Coproduction : La Passerelle, scène nationale de Saint-Brieuc ; Comédie de Caen, CDN de Normandie ; Théâtre du Rond-Point, Paris Texte lauréat de la Commission Nationale d’Aide à la Création de textes dramatiques-ARTCENA Compagnie en résidence à La Passerelle, scène nationale de Saint-Brieuc
Prenons une profonde respiration. Regardons par la fenêtre. Que voyons-nous ? Sommes-nous, comme dans Les Méditations Métaphysiques de Descartes, dans l'impossibilité d'affirmer que ce sont bien des humains qui marchent dans la rue ? « Que vois-je de cette fenêtre, sinon des chapeaux et des manteaux, qui peuvent couvrir des spectres ou des hommes feints qui ne se remuent que par ressorts? Mais je juge que ce sont de vrais hommes, par la seule puissance de juger qui est en mon esprit, ce que je croyais voir de mes yeux ».
Nous ne sommes plus à l'époque de Descartes, nous sommes au XXI° siècle. Nous avons été percutés de plein fouet par la technologie. Mais quelles sont les conséquences de cette "percussion" sur notre mode de fonctionnement. Aujourd'hui, grâce à Méta de Choc, je vous donne le choix suivant : écouter mes propos via deux épisodes (le temps d'un marathon) - n°1 & n°2 - ou lire cet article jusqu'au bout de votre attention... Tout en sachant que l'article et les podcasts vont ensemble. Ils se complètent parfaitement.
À quoi notre capacité d’attention est-elle soumise aujourd’hui ?
D'abord nous devons chercher à définir notre "attention". Elle se définit par la tension de l'esprit vers un objet à l'exclusion de tout autre. Selon William James elle se définit comme la « Prise de possession par l’esprit, sous une forme claire et vive, d’un objet ou d’une suite de pensées parmi plusieurs qui semblent possibles [...] . Implique le retrait de certains objets afin de traiter plus efficacement les autres » (Extrait de The Principles of Psychology, Vol. 1, Chap. 11, « Attention », pp. 403-404).
Notre capacité d'attention peut se définir comme le temps que nous nous accordons à la tension de notre esprit vers cet objet. Est-il possible de tordre notre capacité d'attention en la détournant ? En la soumettant à autre chose ? Ici quand on dit "à quoi est-elle soumise", je vais recentrer sur la "soumission librement consentie". Cette expression recouvre la traduction de Robert-Vincent Joule et Jean-Léon Beauvois (1987) d'un concept de psychologie sociale (Compliance without pressure) introduit par Jonathan L. Freedman et Scott C. Fraser en 1966. Elle décrit la conséquence d'un procédé de persuasion qui conduit à donner l'impression aux individus concernés qu'ils sont les auteurs de certaines décisions. Cette « responsabilisation » a pour objectif de conduire une personne à prendre plus rapidement et plus facilement une décision qui peut ou non lui être bénéfique mais qui est surtout favorable à celui qui use de cette méthode.
D'où vient cette soumission librement consentie ?
Pour répondre, nous devons adopter le regard de l’épistémologue et mettre en regard différentes évolutions technologiques et scientifiques (y compris les sciences humaines). Le fil de l’histoire entre nouvelles technologies depuis la cybernétique, en passant par l’ingénierie du consentement (fantastique remplacement de la propagande via Edward Luis Bernays). La systématisation des esprits, l’automatisation des prises de décisions va avec le développement des techniques de marketing. Équation simple d’une société qui a besoin de reconstruire son économie à la suite de la seconde guerre mondiale. Il faut faire entrer l’idée qu’une démocratie fonctionne que si les individus consomment des produits, des biens, des services….
Norbert Wiener, en 1947, (au même moment que l’ingénierie du consentement de Bernays…) développe la théorie de la cybernétique formé à partir du grec κῠβερνήτης « pilote, gouverneur », apparaît dans la classification des sciences proposée par André-Marie Ampère et désigne « la science du gouvernement des hommes ». C'est en 1947 qu'un nouveau sens pour la version anglaise de ce mot est choisi par le mathématicien Norbert Wiener. Son but était de donner une vision unifiée des domaines naissants de l'automatique, de l'électronique et de la théorie mathématique de l'information, en tant que « théorie entière de la commande et de la communication, aussi bien chez l'animal que dans la machine ».
De son côté, E.L. Bernays écrit : "La manipulation consciente et intelligente des habitudes et opinions des masses est un élément important dans une société démocratique. Ceux qui manipulent ce mécanisme secret de la société constituent un gouvernement invisible qui est le vrai pouvoir dirigeant de notre pays. Nous sommes gouvernés, nos esprits sont modelés, nos goûts formés, nos idées suggérées pour la plus grande part par des hommes dont nous n'avons jamais entendu parler" (cf. Propaganda).
Si nous devons citer quelques mécanismes, alors nous allons comprendre leur simplicité évidente :
les insultes (ou attaque ad hominem) : coco, fasciste, youpin, clodo, terroriste, anti-sémite, conspirationniste, complotiste, radical...
les généralités accrocheuses : civilisation, démocratie, la religion, patriotisme, l'amour, la santé...
les euphémismes : "dommage collatéral" au lieu de l'expression "victimes civiles", "TSPT (trouble de stress post-traumatique) au lieu de "névrose des tranchées"
le transfert d'autorité: user de l'autorité ou du prestige d'un symbole comme l'église (la croix), la démocratie (la statue de la liberté), la nation (l'oncle Sam) pour soutenir un programme ou une campagne. Également la médecine ou la science qu'on utilise pour renforcer un concept : par ex. "De plus en plus de médecins fument des Camel..."
utiliser les témoignages : citer une source respectable (par exemple : New York Times), une célébrité (Angelina Jolie) ou une figure du sport (Mohammed Ali) pour promouvoir par association d'idée un produit ou un concept.
Jouer avec la peur ou le sentiment de catastrophe / catastrophisme : la guerre froide est de retour, 11 septembre = peur du terrorisme.
Le prisme du sondage : utilisé pour changer un programme ou un concept mais les résultats peuvent être faussés selon les paramètres et les questions. Il est aussi facile d'utiliser les études corroborées par un comité d'experts.
E.L. Bernays écrit : « l'ingénierie du consentement est l'essence même de la démocratie, la liberté de persuader et de suggérer » (cf. The Engineering of Consent, 1947).
En 1962, Jacques Ellul distingue deux types de propagande la propagande politique, très ancienne et dont on connait globalement aujourd'hui les modes de fonctionnement, et un nouveau type de propagande, la propagande sociologique : « La première (celle des gouvernements, partis et groupes de pression) se distingue de la seconde qui, moins visible, se rapproche de la socialisation, que l’on peut définir elle-même comme "processus d’inculcation des normes et valeurs dominantes par lequel une société intègre ses membres". Ellul oppose le caractère direct, délibéré et coercitif de la propagande politique (que l’on trouve en priorité dans les régimes totalitaires) au caractère "plus vaste", "plus incertain", idéologique, "diffus", inconscient et spontané, de la propagande sociologique. Celle-ci, que l’on répugne à désigner sous le terme de propagande dans nos démocraties pluralistes, agit "en douceur", par "imprégnation". Il s’exprime par la publicité, le cinéma commercial, les relations publiques, la technique en général, l’éducation scolaire, les services sociaux... En partie non intentionnelle, cette propagande repose sur ces activités multiples qui agissent de façon concordante comme un ensemble pour inculquer un certain mode de vie" (source site de l'Association de Jacques Ellul "la propagande" par Patrick Troude-Chastenet, 2006)
Pour comprendre cette évolution des mécanismes de l'influence, et donc de la torsion de notre attention. Nous devons prendre en considération, l'émergence de la publicité et de son "ombre" : le marketing.
Le marketing de l’attention
Dans ce contexte, l'attention consiste à se mettre en position ou capacité de recevoir des informations dans le but de le traiter et prendre une décision. L'objectif d'un publicitaire consiste à déclencher l'attention de sa ou ses cibles par différents procédés. Capter l'attention pour déclencher un comportement et ou une intention comportementale sont les enjeux du marketing.
Cette expression "marketing de l'attention", dans un sens restrictif, désigne un principe par lequel des individus sont rémunérés pour accorder de l’attention, lire, recevoir, ou réagir à des messages publicitaires. La rémunération est proposée par un éditeur de base de données qui loue sa base à des annonceurs, elle peut être monétaire ou se faire en offrant le support de réception des messages publicitaire (fax, tel mobile, accès Internet,etc.). L'autre expression également employée est "l’économie de l’attention".
Nombreux modèles issus du marketing de l'attention n'ont pas connu de larges succès. Le surf rémunéré sur Internet ou les communications téléphoniques sponsorisées furent des exemples typiques de modèles d’économie de l’attention ayant rencontré l’échec. Au début des années 2000, des projets de distribution gratuite d’ordinateurs financés par la publicité furent même sérieusement évoqués et projetés. Et comme le site Elisabeth Feytit il y a eu des rémunérations proposées par Facebook à de jeunes internautes en échange de leurs données.
Maintenant, dans un sens plus large le "marketing de l’attention" fait également référence aux techniques publicitaires classiques qui cherchent à capitaliser sur l’attention apportée à un support publicitaire pour que celle-ci se transforme en attention portée au message publicitaire.
Pour comprendre cela, il faut se remémorer le modèle dit AIDA :
A = attirer l'attention
I = susciter l'intérêt
D = provoquer le désir
A = inciter à l'action
La hiérarchie des effets publicitaires est un modèle théorique d’explication de la persuasion publicitaire dans le cadre duquel plusieurs étapes doivent se succéder pour aboutir à la persuasion. Il existe plusieurs hiérarchies des effets publicitaires. La plus connue est probablement celle des chercheurs Lavidge et Steiner publiée en 1961.
Les étapes de ce modèle sont les suivantes : notoriété > connaissance > attitude > préférence > conviction > achat.
Mais finalement dans un monde où nous sommes percutés à chaque instant de messages (pas seulement publicitaires, les alertes d'informations, les messages personnels, les alertes concernant des jeux, des réseaux...), comment être certains que nous soyons attentifs ? Le marketing semble évoluer, depuis quelques années, vers la notion "d'intention".
Du marketing de l’attention à celui de l’intention Le marketing de l’intention regroupe les techniques marketing basées sur la détection d’un signal d’intention. Ce dernier est ensuite utilisé pour soumettre un message marketing ou publicitaire dont la vocation est de transformer l’intention en action réalisée au profit de l’annonceur. Le plus souvent, le marketing de l’intention vise à exploiter la détection d’intentions plus ou moins directes d’achat, mais il peut également s’agir de détecter des intentions afin de tenter de les « décourager » comme par exemple dans le cadre de la prédiction du churn ou du retargeting on-site.
Le marketing de l’intention regroupe donc de nombreux usages marketing :
usage des liens commerciaux ou du SEO pour cibler des requêtes « intentionnistes »
retargeting (la consultation d’une fiche produit est à priori un signal d’intention)
retargeting on-site (détection d’une intention de sortie)
relance panier
achat de fichiers d’intentionnistes ou de données intentionnistes
La notion de marketing intentionniste est souvent liée à celle de marketing prédictif. C'est là qu'interviennent l'ensemble de nos datas que nous libérons gratuitement, spontanément partout. Là interviennent les nouvelles "customers data platform", les plateformes de récoltes des données clients. Elles savent tout de vous et bien plus (vos préférences horaires, sémantiques, vos trajets, votre carnet d'adresses, vos achats, etc.).
Un instant nous pourrions nous croire protéger par cette masse de données (numériques ou non). Nous pourrions nous sentir en confiance, ce que nous faisons assez naturellement, puisqu'il nous est impossible de penser à tout cela, à chaque instant de notre existence. Nous pourrions également croire que finalement, nous ne sommes pas tant que cela attentifs aux publicités. Nous avons appris à vivre avec, à ne plus les voir... En sommes-nous si sûrs ?
Attention publicitaire Dans le monde du marketing, nous parlons de l’attention publicitaire. Cette expression "d'attention publicitaire" recouvre l'un des grands facteurs d’efficacité publicitaire. Elle correspond au « A » du modèle A.I.D.A. Elle se traduit par l’attention apportée au message et constitue un préalable à la mémorisation. La notion d’attention publicitaire est complémentaire de celle de visibilité publicitaire.
Selon les médias et supports publicitaires pris en considération, l’attention publicitaire est influencée par de nombreux facteurs :
disponibilité du contact exposé (un spectateur assis dans une salle de cinéma est plus disponible qu’un piéton)
implication à l’égard de l’univers produit
encombrement publicitaire
techniques d’accroche publicitaire utilisées …
Le potentiel d’attention publicitaire dépend notamment fortement du média publicitaire utilisé. L’attention publicitaire sur les formats display Internet est par exemple souvent limitée par le phénomène de « banner blindness ». L’attention publicitaire est également de plus en plus impactée par l’utilisation des smartphones et notamment par les pratiques de second écran en ce qui concerne la publicité TV.
Pour certains médias et supports, l’attention publicitaire peut se mesurer par le biais d’études d’eye tracking ou par le biais d’indicateurs spécifiques tel que l’Alpha de l’attention. (Attention cependant à cette expression . Car « L’alpha d’attention » est un indicateur d’attention publicitaire développé par l’agence My Media en 2018 et destiné notamment à mesurer l’attention publicitaire potentiellement « accordée » aux différents médias publicitaires. Selon cette agence
Bien que les données de cette étude soient potentiellement intéressantes, il convient de noter que l’usage du terme Alpha (en lien avec le Bêta de mémorisation ou Le Bêta de Morgensztern) pourrait laisser à penser que ces valeurs sont issues d’études qualitatives / quantitatives menées sur le long terme alors qu’elles proviennent d’une « simple » étude déclarative ponctuelle réalisée par Harris Interactive auprès de 4.000 Français âgés de 15 ans et plus en Octobre 2018.
Comment définir le concept "d’économie de l’attention "?
Les ressorts de la captation de notre attention sont toujours plus ou moins les même : l'habitude, la diversion, la réassurance...
L'expression "économie de l'attention" a commencé à être utilisée en 1996. Son origine remonte à un article de l’économiste et sociologue américain Herbert Simon, publié en 1971, qui oppose les sociétés du passé, caractérisées comme « pauvres en informations », à nos sociétés actuelles, « riches en informations ».
La différence tient à ce que nous avons tous désormais accès à une quantité d’informations pertinentes (voire indispensables pour nos pratiques) bien supérieure aux capacités attentionnelles dont nous disposons pour en prendre connaissance. Il convient donc de mettre au premier plan de nos analyses une nouvelle rareté : l’attention.
En 1969, le chercheur Herbert Simon formule le concept en des termes plus précis : « Dans un monde riche en information, l'abondance d'information entraîne la pénurie d'une autre ressource : la rareté devient ce que consomme l'information. Ce que l'information consomme est assez évident : c'est l'attention de ses receveurs. Donc une abondance d'information crée une rareté de l'attention et le besoin de répartir efficacement cette attention parmi la surabondance des sources d'informations qui peuvent la consommer ». Pour les plus curieux, je vous renvoie à l'article de Stéphanie Arc dans le journal du CNRS et à l'essai de Yves Citton intitulé L’Économie de l’attention. Nouvel horizon du capitalisme ?
Vous y découvrirez le fait que la différence entre ces deux périodes tient donc à ce que nous avons tous désormais accès à une quantité d’informations pertinentes (voire indispensables pour nos pratiques) bien supérieure aux capacités attentionnelles dont nous disposons pour en prendre connaissance.
L'économie de l'attention est une nouvelle branche des sciences économiques et de gestion. Elle a pour fonction de traiter l'attention comme une ressource rare en prenant appui sur les théories économiques afin de problématiser, comme le souligne Daniel Kaplan, « le fonctionnement de marchés dans lesquels l’offre est abondante (et donc économiquement dévalorisée) et la ressource rare devient le temps et l’attention des consommateurs ».
Je n'ai pas ici évoqué les biais cognitifs ce que j'avais fit lors de mon précédent article sur la notion d'attention. Cependant ce petit tour de notre attention n'est pas là pour vous faire peur, mais bien pour tenter de vous inciter à méditer sur la seule attention qui vaille : celle à soi-même. Il ne s'agit pas de dénoncer des mécanismes, il s'agit d'en prendre conscience afin de mieux interagir avec eux et d'essayer de se dessiner un "espace à soi". Un territoire de l'intime qui pour le moment semble s'émietter, voire même à disparaître. Cet espace mérite de renaître, afin de ne pas parachever la création de ce que Marcus appelait l'homme unidimensionnel ou encore de ce que Musil appelait l'homme sans qualités. Mes recherches sont des invitations, des ponts jetés par dessus bord. " Un rêve sans étoile, est un rêve oublié" disait Paul Eluard, évitons de nous oublier nous-mêmes : redonnons de l'épaisseur qualitative à l'humain.
Quel drôle de mot "pornographie" ! Dès que nous l'entendons, nous prenons une mine particulière. Attention, nous allons entrer dans ce qui choque, ce qui est obscène. C'est exactement ce que souligne le Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales (CNRTL) Si nous regardons avec attention, ce mot apparaît au XIXème siècle. La pudeur ferait-elle nouvelle apparition ?
Il paraît que la pornographie se déclinairait en porno chic, porno soft, porno hard, porno féministe, porno gay, porno-réalité... Et tout un tas de catégories. Mais pourquoi ? À l'heure du Web 4.0, ce fameux web sémantique où les images pornographiques tournent en boucle, où certaines entrent dans cette grande catégorie du porno sans plus d'explication et sont censurées (je pense ici au tableau l'Origine du Monde de Courbet censuré sur Facebook, oeuvre réalisée en 1866), ne serait-il pas temps de se poser les bonnes questions ? Les mots perdent-ils leurs sens ? Ou bien les algorithmes auraient-ils eux aussi des biais cognitifs ?
Définir la Pornographie
Selon le dictionnaire historique de la langue française de Alain Rey, le mot "pornographe" est emprunt au grec tardif pronographos (πορνογράφος) qui signifie auteur d'écrits sur la prostitution, composé de - graphos (γράφος) - et de pornê (πορνο) "prostituée", qui dérive de prenênai "vendre des marchandises et des esclaves".
Et évidemment pour écrire l'histoire des esclaves (homme, comme femme), il fallait écrire sur leur chair, sur leur peau... c'est ce qui leur confèrait une valeur. C'est aussi ce qui les dinstinguait des autres individus. Impossible de se défaire des traces sur sa chair.
Le Pornographe est le titre d'une oeuvre de Restif de La Bretonne qui atteste en quelque sorte de l'usage du mot dans la langue française. Ce qui est amusant, c'est que le plus souvent nous oublions de citer la suite du titre. C'est pourtant bien dans cette suite que nous lisons la bonne définition du mot : "ou Idées d’un honnête homme sur un projet de règlement pour les prostituées, propre à prévenir les malheurs qu’occasionne le publicisme des femmes avec des notes historiques et justificatives". Le sens étymologique est donc bien conservé, il s'agit d'écrire sur la prostitution. Comme le note la Société Restif de la Bretonne"toutefois, les différentes utilisations de Rétif du mot « pornographe » que nous avons pu relever dans quelques-unes de ses œuvres renvoient toutes au projet de réforme pour les prostituées et non à l’auteur qui traite de la prostitution pour exciter ou parler des choses obscènes."
Pornographie est un mot dérivé (qui apparaît en 1800). Dès son apparition, il perd son ancien sens didactique de "traité sur la prostitution" et se dit d'une représentation (écrits, photographies, dessins, etc.) de choses obscènes (1831, d'une peinture). Par extension, la pornographie designe la représentation directe et concrète de la sexualité, de manière délibérée, en littérature, dans les spectacles...
Ma réponse est toujours aussi cinglante ce "retour à" correspond à un manque d'imagination. Cela revient à cette expression "c'était mieux avant". Cette expression va rechercher en arrière, en fantasmant un passé, en imaginant plus de liberté notamment pour le corps. Notons que c'est une forme d'économie de la pensée, il est plus facile de dire "c'était mieux avant" que de réfléchir collectivement à comment nous pourrions améliorer notre quotidien, à comprendre les failles de nos organisations. La pornographie (ou du moins la représentation de ce milieu) devient la valeur refuge d'une société qui ne cherche plus à se penser ou se panser. Reste l'image d'une fête sans fin, d'une jouissance permanente.
En dehors du vide de la pensée cela souligne une réflexion mise en avant par le philosophe Zygmunt Bauman dans le Présent liquide, il écrit "si la société de consommation tient à ne jamais se retrouver à court de consommateurs, l’anxiété en question — en violation flagrante des promesses explicites et véhémentes du marché — doit toutefois être constamment renforcée et stimulée. Les marchés de la consommation se nourrissent de l’anxiété des consommateurs potentiels qu’ils suscitent eux-mêmes et s’évertuent à intensifier." En d'autres termes dans notre société d'hyper consommation où les corps sont oubliés ou placés face à une recherche de perfection permanente, il ne reste que le fantasme de la jouissance permanente pour trouver son bonheur... Ce qui est une quête impossible, une sorte d'injonction contradictoire.
Ce glissement volontaire ou non, montre à quel point notre imaginaire collectif est imprégné des images sur la chair. Il est évident que la part d'information "rationnelle" et "objective" que nous trouvions dans les anciennes publicités a entièrement disparu. J'avais écrit un article sur ce sujet en remarquant la publicité Aubade où l'on vend par le biais de fantasmes inconscients...
Il me semble me souvenir qu'en 2014, une publicité pour le guide des restaurants au Canada, l'équivalent du Guide Michelin avait fait une campagne du type "Food Porn"... Franchissant ainsi une limite mal définie... jouant sur la notion de jouissance.
La jouissance a priori n'appartient pas à la pornographie...mais bien à la chair... Un autre exemple peut se trouver dans la publicité "#SansLesMains" de Marc Dorcel (en 2015).
Il n'est donc pas incompréhensible que l'iconographie de la jouissance envahisse l'espace public, la culture via des habitudes de langage... La guerre de l'attention étant déclarée, on dirait que certains font le pari de l'expérience de la jouissance inconsciente pour attirer l'attention de consommateurs et les inviter à une action d'achat ou de consommation... Le succès de l'expression "Merci qui ? Merci Jacky et Michel" tient de cela et du fait que c'est la nouvelle génération qui a eu accès à cette pornographie numérique très rapidement (car née avec les ordinateurs).
Pornographie & contrôle social
Touchons à ce qui fâche : le contrôle social. Toucher à cette notion, c'est piquer à l'exact endroit où nous refusons de regarder. Nous vivons en société, nous nous accomodons donc parfaitement nos comportements au groupe social dans lequel nous nous trouvons. Nous cherchons parfois à nous émanciper, puis nous revenons à la normale, c'est-à-dire au comportement normatif (ce qui ressemble à nos yeux à une habitude pas plus). La question du ressenti des émotions est donc primordial dans la compréhension du contrôle social.
Regardons les nouveautés et questionnons un peu plus loin cet étrange rapport entre pornographie & contrôle social.
Four Chambers, un studio de production qui associe art et pornographie ? Il y a eu cette exposition Study in Scarlet organisée par Gallien Déjean (voir lien ici), qui pose la question de la représentation d'une pratique sexuelle -cette question est ancienne. Nous pourrions remonter largement plus loin que les années 1970 et nous amuser du sort du tableau L'origine du monde de Courbet (aujourd'hui censurée via Facebook).
Aujourd'hui nous entendons parler fréquemment de "porno". Le "porno" semble être complètement à part de la "pornographie". Cela signifierait-il qu'il est temps de distinguer ces deux mots, deux expressions ?
Regardons d'un peu plus près encore. Là nous prenons conscience que ces deux mots ne dénotent pas du tout la même chose. Il y a eu une sorte "d'empire pornographique" avec diffusion de son produit illicite. Les endroits étaient cachés à l'abris des regards, des "bonnes moeurs", aujourd'hui ce sont des lieux touristiques.
Et puis le "porno" est arrivé, il est venu de toute part, il circule librement. Il est partout. Il existe sous de multiples formes. Il est un "pharmakon" (drôle de mot également sur lequel il faudrait revenir). À la fois un poison et un remède.
Il est d'un côté un fantastique instrument de contrôle social (qui permet de contrôler, par exemple, les normes sexuelles et physiques) et en même temps, il est un terrain d'expérimentations (hors de toutes les limites sociétales, culturelles et structurelles). En même temps, le porno n'est qu'une infime partie de la pornographie...
Comme le souligne Ruwen Ogien dans son ouvrage Penser la pornographie (PUF), la pornographie est bien plus complexe que le "porno". Elle est aussi beaucoup plus paradoxale. Elle n'est pas une matière, elle n'a pas de contours, c'est une zone, une ligne mouvante. Elle évolue au fil des siècles, se nourrit d'images, de pratiques, de recherches. Elle est une démarcation du sensible. Ainsi nous pourrions finir par nous demander si l'art n'est pas inévitablement pornographique ?