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technologie

  • Un monde qui vacille : de la fiction d’Alexandre Arditti à la réalité sanglante des affaires économiques

    Alexandre Arditti, Littérature, roman, IA, technologie, droits humains, Facebook, MetaDans son roman choc L’assassinat de Mark Zuckerberg, Alexandre Arditti nous plonge dans un thriller politique où la frontière entre réalité et fiction s’efface dangereusement. Ce récit haletant suit une enquête policière sur l’exécution publique du fondateur de Facebook, mêlant critiques acerbes de la société numérique, dérives du pouvoir technologique, et réflexions existentielles. Une fiction ? Pas si sûr, à en juger par les récents événements qui secouent les sphères du pouvoir économique mondial.

    En effet, l’assassinat de Brian Thompson, PDG d’un des plus grands groupes d’assurance mondiaux, survenu en décembre 2024, semble tristement faire écho à l’intrigue du roman d'Alexandre Arditti. Ici, ce n’est plus la fiction qui s’inspire du réel, mais le réel qui semble rattraper la fiction. Comme Mark Zuckerberg dans le livre, Thompson a été abattu en public lors d’un événement médiatique. Si les circonstances diffèrent, la symbolique est tout aussi glaçante : des figures emblématiques du capitalisme global deviennent des cibles. Pourquoi ?

    Dans L’assassinat de Mark Zuckerberg, le meurtrier, membre d’une mystérieuse organisation appelée Table Rase, revendique ses actes comme une lutte contre la déshumanisation engendrée par les géants de la tech et la marchandisation de la vie privée. Alexandre Arditti dresse un portrait sans concession d’une société où la surveillance, les algorithmes, et l’obsession de la rentabilité écrasent les individus. Le roman questionne : jusqu’où sommes-nous prêts à aller pour défendre nos libertés face à des multinationales devenues plus puissantes que certains États ? Brian Thompson incarnait-il, malgré lui, ce visage du pouvoir devenu insupportable pour certains groupes extrémistes ?

    Si Alexandre Arditti choisit la fiction pour dénoncer ces dérives, les récents événements réels nous forcent à nous interroger sur le climat actuel. Les inégalités sociales croissantes, les scandales à répétition dans les hautes sphères économiques, et la concentration des richesses sont autant de combustibles pour une colère qui gronde. Des actes isolés ? Peut-être. Mais comme le souligne un personnage du roman : "Ce n’est pas la folie qui est inquiétante, mais la normalité qui tolère l’inacceptable."

    Au-delà du spectaculaire, la juxtaposition de la fiction d’Arditti avec l’actualité révèle un malaise profond. Il serait facile – et rassurant – de réduire ces actes violents à de simples dérives terroristes. Pourtant, ils interpellent sur notre propre complicité passive. Acceptons-nous, sans broncher, que les décisions de quelques PDG déterminent la vie de millions de personnes ? Que des algorithmes prédisent nos comportements mieux que nous-mêmes ?

    Ce que montre brillamment L’assassinat de Mark Zuckerberg, c’est cette mécanique du consentement, cette insidieuse érosion de la pensée critique. Et si l’assassinat de Brian Thompson est encore entouré de zones d’ombre, il pousse, lui aussi, à cette question fondamentale : dans quelle société voulons-nous vivre ? Une société où l’argent justifie tout ? Où ceux qui dénoncent sont réduits au silence, qu’ils le fassent par les mots ou par les balles ?

    Alexandre Arditti ne donne pas de réponses faciles. Son roman est un miroir tendu à notre époque, une invitation à refuser l’évidence – cette évidence qui, comme il l’écrit, "passe son temps à changer". Face aux récits qui nous sont imposés, aux vérités prêtes à consommer, il appartient à chacun de chercher, questionner, résister.

    La littérature, quand elle dérange, est peut-être le premier pas vers cette résistance. Et parfois, il faut savoir entendre les cris derrière les silences, même quand ils nous effraient.

  • L'IA "Lucie" : symbole du naufrage numérique européen ?

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    L’Europe accuse un retard considérable en matière d’intelligence artificielle, et l’épisode tragi-comique de l’IA "Lucie", récemment lancée et immédiatement débranchée, illustre à quel point ce retard est problématique (Europe1, 2024). Pendant que les géants américains et chinois avancent à pas de géant, développant des modèles de plus en plus sophistiqués et capables d’interagir de manière cohérente avec les utilisateurs, l’Europe peine à définir une stratégie claire et efficace (Villani, C. Donner un sens à l’intelligence artificielle, 2018).

    Un fiasco révélateur

    Lucie, censée être une alternative française aux IA conversationnelles américaines, s’est illustrée par ses réponses absurdes : erreurs factuelles, non-sens logiques, incompréhensions basiques du langage. Très vite, elle a été désactivée, faute de pouvoir rivaliser avec des modèles bien plus avancés. Cet échec n’est pas anodin : il est le reflet d’une absence criante de vision stratégique sur l’intelligence artificielle en Europe, un continent qui semble condamné à n’être qu’un consommateur des technologies développées ailleurs.

    Un chaos informationnel à venir ?

    Nous sommes entrés dans une nouvelle ère : celle d’un Internet façonné par l’IA, où l’accès à l’information est structuré par des algorithmes de plus en plus performants. Or, sans une IA souveraine, l’Europe risque de perdre toute maîtrise sur l’écosystème numérique. La désinformation, déjà omniprésente, risque de s’amplifier si nous laissons aux seules entreprises privées américaines ou chinoises la responsabilité d’organiser la hiérarchie de l’information.

    Ce qui se profile, c’est un chaos informationnel où la vérité sera façonnée par ceux qui maîtrisent la technologie. Sans alternative crédible, les sociétés européennes deviendront des territoires où l’information sera filtrée, organisée et parfois manipulée sans aucun contrôle démocratique. Le risque ? Un effondrement du débat public et une accentuation des fractures sociétales.

    Repenser l’IA avec une éthique du sens

    Ce retard technologique ne pourra être comblé que si nous changeons de paradigme. Plutôt que de poursuivre une course effrénée à la puissance brute, nous devrions nous tourner vers une IA fondée sur le sens et la qualité de l’information. C’est ici que la pensée de Martha Nussbaum et sa théorie des capabilités peuvent offrir une piste de réflexion précieuse. Comme elle l’écrit dans "Creating Capabilities: The Human Development Approach" (2011), "Le développement humain ne peut se limiter à la croissance économique ; il doit viser l’épanouissement des capacités individuelles et collectives".

    Nussbaum propose une vision du développement basée non pas sur l’accumulation quantitative, mais sur la capacité réelle des individus à s’épanouir. Appliquée à l’IA, cette approche signifierait un recentrage sur l’humain, sur la création d’outils qui ne se contentent pas de traiter de gigantesques quantités de données, mais qui favorisent une intelligence collective, critique et éthique.

    Vers une IA européenne responsable et souveraine

    L’Europe a une occasion unique de prendre un autre chemin que celui du transhumanisme débridé ou de l’hégémonie des big tech. Elle peut promouvoir une IA qui ne cherche pas seulement à imiter l’intelligence humaine, mais à l’enrichir, en mettant en avant la diversité culturelle, le débat critique et l’éthique du numérique.

    Le fiasco de "Lucie" devrait être une alarme. Non pas pour abandonner, mais pour repenser. La révolution de l’IA est en marche, et si l’Europe veut y participer activement, elle doit impérativement définir un cadre basé sur le sens, la qualité et l’autonomie technologique. Faute de quoi, elle ne sera qu’un spectateur impuissant du chaos informationnel qui s’annonce.

  • La fin de nos libertés

    “Le premier des droits de l'homme c'est la liberté individuelle, la liberté de la propriété, la liberté de la pensée, la liberté du travail.”

    Jean Jaurès

     

     

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    Entre la phrase de Jean Jaurès et ce livre de Jean-Hervé Lorenzi & Mickaël Berrebi, quelque chose s'est perdu en chemin. C'est étonnant, non ?

    Mais quoi me direz-vous ? Le mythe de notre liberté, de notre indépendance ? Ce livre comme l'indique sa quatrième de couverture est "un plaidoyer pour le progrès. Il nous fait pénétrer dans l'univers des nouvelles technologies, ses exceptionnelles perspectives et ses risques.

    On évoque aujourd'hui beaucoup le numérique, à juste titre, mais bien d'autres domaines scientifiques sont concernés, la génétique, l'énergie, les nano-technologies. Peut-être notre liberté est-elle en danger : les dirigeants de ces grandes entreprises technologiques veulent définir le monde dans lequel nous vivrons dans les décennies à venir.

    Il s'agit donc d'éviter que les entreprises imposent leurs choix au monde, au détriment des puissances publiques, dans tous les domaines de notre vie sociale et privée.

    Une première question parmi bien d'autres émerge : faut-il démanteler Google et les autres GAFA ?"

    Mais il est aussi une enquête dans l'envers du décor. Le décor c'est notre paysage quotidien : les yeux rivés sur les smartphones, les pouces joueurs, les casques sur les oreilles (ou nouvelle mode l'enceinte portable)... Une société atomisée, divisée déjà évoquée de multiples fois dans mes articles ou dans mon essai "Nouvelles technologies - Nouveaux publics".

    Mais reprenons, dès l'introduction les auteurs, cite Raymond Kurzweil (vous savez le futurologue du MIT - le maître de Google) "sa liste de prédictions est longue elle s'étend jusqu'en 2099. Il décrit les différentes phases qui vont conduire l'homme vers un nouveau genre, celui de l'homme "augmenté", mi-homme, mi-robot" (Cf. page 17). Cela fait un moment que nous le savons, que nous essayons d'éveiller les consciences vis-à-vis de leur addiction technologique qui peut aller jusqu'à son ingestion. Bref, l'humain doit s'habituer à ses nouveaux comportements, les siens... Je me souviens encore des premiers "kit oreillette" dans les bus, où nous pouvions encore croiser le regard d'un autre humain sans craindre de déclencher une guerre. Celui qui avait l'oreillette et qui avait une conversation, passait pour un fou (de raconter sa vie ainsi)... C'était il y a sans doute un peu plus de quinze ans maintenant, aujourd'hui la vie s'étale en réseaux... 

    L'observation de ces comportements est un indicateur de ce qu'il se produit réellement dans l'envers du décor. Qui décide ? Qui dicte ces nouveaux modes de fonctionnement ? Quelque chose de fou se produit sous nos yeux et pourtant personne ne semble bouger. Nous sommes quelques fous à crier, à faire prendre conscience. Nous tentons de faire bouger les lignes face à une génération fataliste qui ne cherche pas à sortir de ce conformisme imposé. 

    Ce livre arrive au bon timing. Il évoque dans le passage à l'intelligence artificielle, le lien entre déshumanisation et asservissement volontaire. Cette déshumanisation "suppose un processus où l'homme se voit retirer, ce qui est force de droit dans les sociétés modernes, sa dignité d'être humain" (cf. p.53). 

    Il ne s'agit pas d'arrêter le progrès, mais il s'agit de l'encadrer, de lui proposer un système épanouissant pour tous, pas seulement pour certains privilégiés (soit les 1% des jobs)... Sur ce point, il aurait été intéressant de s'attarder sur les villes dites du futur (comme Google, Apple, Facebook, etc.)... villes dont les internautes sont exclus. C'est un paradoxe des plus frappants. 

    Mais le plus alarmant, c'est que cela indique clairement que nous (les citoyens) mais aussi les pouvoirs publics ne décident de rien face à ces géants capables de faire bouger les lois, les règles comme ils l'entendent. "Les grandes sociétés technologiques, qu'elles soient numériques, de génie génétique, de l'énergie ou du transport spatial, ont rapidement compris cette situation, cette vacuité publique et ont décidé de décrire l'avenir, leur avenir et désormais le nôtre, dessinant ainsi une société telle qu'elles la voyaient" (Cf. p. 159). Il est urgent que les institutions publiques reprennent les cartes en mains, en posant les véritables questions, sinon les citoyens devront entrer en résistance. 

     

    Un livre à lire, relire qui devrait éveiller les consciences de ceux (même des nouvelles générations) qui sentent que leurs quêtes personnelles est ailleurs : dans la réalisation d'eux-mêmes....

     

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    L'avenir de notre liberté Faut-il démanteler Google... Et quelques autres ?

    Ed. Eyrolles.