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Lecture(s) - Page 3

  • Fathallah Oualalou

    Fathallah Oualalou, Chine, espace arabo-africain, route de la soie, route de la soie-édition, OBORAu travers de cet essai, Fathallah Oualalou nous entraîne dans la compréhension d'un nouveau monde qui se met en place.  Plus qu'un monde, il s'agit d'un axe. Nous n'en avons pas l'habitude, nous ne l'avons que très peu vu ou imaginé. Par nous, je dis les occidentaux. Notre prisme de lecture n'est donc pas le bon et entrer dans ce livre est par moment difficile tant il nous demande de faire l'effort de considérer non seulement un point aveugle de notre construction mentale à savoir la Chine, mais aussi de considérer le continent africain dans sa possible autonomie et surtout sa volonté de se défaire du colonialisme subi. 

    Avec habilité de l'ancien ministre marocain, nous entrons dans une dimension nouvelle du monde, celui du projet "une ceinture, une route" (OBOR). Lancé par le Président Xi Jinping en 2013, ce projet vise à faire renaitre les anciennes routes de la Soie (terrestre, ferroviaire et maritime) en construisant ou modernisant les infrastructures d’énergie et de transport entre la Chine, l’Europe, l'Afrique et l' Amérique du Sud. 

    Fathallah Oualalou met en évidence que la réalisation d'un tel projet demande de lourds investissements pour moderniser l’ensemble des infrastructures de communication et de transports. La Chine a mis à disposition 40 milliards de dollars à travers son fond souverain « Silk Road Fund ». Bien que colossal ce budget devra sans aucun doute être revu à la hausse. Et il faut effectivement pour changer le fonctionnement du monde proposer des échanges "gagnant-gagnant" et ainsi partager les risques liés à la construction de ces infrastructures. 

    Pourquoi alors s'intéresser précisément à l'insertion de ce projet dans l'espace arabo-africain ? 

    Au-delà des liens historiques passés par les grands voyageurs, il y a un lien indéfectible entre la Chine et le continent africain. Et comme le note, Fathallah Oualalou nous devons revenir à la conférence de Bandung (18-24 avril 1955) qui réunit pour la première fois les représentants de vingt-neuf pays africains et asiatiques dont Gamal Abdel Nasser (Égypte), Jawaharlal Nehru (Inde), Soekarno (Indonésie) et Zhou Enlai (Chine). Cette conférence marqua l'entrée sur la scène internationale des pays décolonisés du « tiers monde ». Ceux-ci ne souhaitant pas intégrer les deux blocs qui se font face, menés par les États-Unis et l'URSS, choisissent le non-alignement. Ce non-alignement tisse des liens entre ces pays. 

    Nous sommes obligés de reconnaitre que la Chine depuis ce jour a sorti sa population de sa misère. Éradiquer la pauvreté et la création d'une classe moyenne permet à la Chine de montrer la nécessité d'imaginer un monde autrement, selon un axe neuf : les routes de la soie. Pour la première fois, la Chine s'ouvre au monde et lance un projet sans commune mesure. Il s'agit de faire émerger la Chine comme une nouvelle puissance. La Chine fait naître une vision à long terme qui intègre les pays pauvres. Et c'est novateur. 

    Ce livre fera date car il met en évidence le regard d'un homme politique sur ce projet et cherche à établir la viabilité des partenariats sur le continent africain. Un livre qui éclaire ce projet OBOR et nous montre à quel point nous devons comprendre ce changement de paradigme qui s'opère sous nos yeux. 

  • Et si on questionnait la démocratie ?

    Dominique Motte, démocratie, Suisse, route d cela soie - éditions, essai, philosophie, idéesIci, j'ai déjà écrit sur la démocratie, sur l'utopie qui la sous-tend. Spinoza écrivait, avec justesse : "la démocratie est l’union des hommes en un tout qui a un droit souverain collectif sur tout ce qui est en son pouvoir".

    Bizarrement, nous vivons une époque où les moyens d'expression sont démultipliés, nous laissant penser que nos voix sont entendues pourtant le sentiment d'insatisfaction grandi. Comme le note Cynthia Fleury, les pathologies de la démocratie sont nombreuses. Il y a comme un paradoxe : quand on défend l'individualisme alors la démocratie s'éloigne. En d'autres termes, la démocratie ne peut pas être une somme d'individus isolés. Cependant elle doit garantir la liberté de tous ses membres.   

    C'est là que nous devons prendre conscience, comme le souligne Dominique Motte qu'il n'y aura pas de démocratie en France (ni ailleurs dans le monde) sans de fortes transformations sociales. Il est donc temps de questionner les entrailles même de la démocratie et de son fonctionnement. Dans un livre de 800 pages aux couleurs suisses, Dominique Motte, interroge le modèle démocratique suisse. Comme il le souligne dans un magnifique sous-titre "vous ne vivez pas en démocratie, et vous ne le savez pas..." Il est donc temps de prendre conscience  du fonctionnement suisse et de voir ce qu'il peut nous apporter. 

     

    Qu'est-ce la confédération suisse ?

    La Confédération suisse a été fondée en 1291. Elle est l’aboutissement d’un processus de rapprochement entre des cantons, différenciés les uns des autres par leurs langues puis par leurs religions, mais unis dans leur opposition à des voisins puissants. État fédéral depuis 1848, sa structure constitue un modèle singulier, considéré comme la clé du succès national. Sa politique interne se caractérise par la recherche du consensus dans les affaires communes. La nature des institutions politiques du pays souligne cette volonté de prévenir les tensions internes : les singularités locales sont défendues par un fédéralisme garantissant d’importantes prérogatives aux 26 cantons. Il s’agit d’un système politique à trois niveaux : la Confédération, les cantons et les communes.

     

    La démocratie selon la Suisse

    L'intérêt du livre de Dominique Motte c'est que nous pouvons choisir de poser notre regard sur un ensemble de mots, de principes de façon précise. Donc si nous regardons au mot "Démocratie", nous trouvons l'explication de la "démocratie directe" : "Le peuple prend part aux décisions politiques du pays par le droit de vote, mais il peut également soumettre ses idées et modifier des lois par l’initiative populaire, le référendum facultatif et le référendum obligatoire (obligation de soumettre à une votation, mais le peuple n'a pas d'obligation de voter (sauf dans le canton de Schaffhouse). Ce système fonctionne donc à tous les niveaux fédéral, cantonal et communal" (p. 197)

    Dans ce système tout repose sur le référendum. Mais ce n'est pas un référendum une fois tous les siècles, bien au contraire puisque les citoyens sont invités à proposer des questions, des problèmes à résoudre. "Le référendum facultatif permet aux citoyens de demander qu’une loi votée par l’Assemblée fédérale soit soumise au vote populaire. 50 000 signatures doivent être récoltées dans les 100 jours qui suivent la publication de la loi pour passer devant le peuple" (p.608)

     

    Le référendum en Suisse 

    L'une des plus grande transformation sociétale que la France doit connaître c'est celle de la participation de la population aux prises de décision. Et il est évident que regarder le fonctionnement suisse en la matière est très éclairant. 

    "Le référendum se divise en 2 catégories distinctes : le référendum facultatif et le référendum obligatoire. Le référendum facultatif est une démarche populaire ; il faut récolter 50 000 signatures en 100 jours pour se prononcer sur des décisions du Parlement. Le référendum obligatoire est une démarche du Parlement ; c’est une obligation de soumettre au vote certaines des décisions prises par ce dernier" (p.608). 

    Je ne reviens pas sur le référendum facultatif évoqué plus faut. Le référendum obligatoire concernent certains actes votés par le Parlement, notamment les révisions de la Constitution, sont obligatoirement soumis au vote du peuple et des cantons ; les révisions de la Constitution n’entrent en vigueur que si la majorité du peuple et des cantons les acceptent en votation (cf. Art. 140 de la Constitution fédérale - Actes soumis au vote (référendum obligatoire) )

    Dominique Motte nous invite ainsi à questionner les mots clefs de notre époque, (y compris le "Covid-19") en fonction de nos envies, de nos réflexions. À la fin de son ouvrage, tous les lecteurs sont invités à répondre à un questionnaire qui nous permet de mesurer notre "indice démocratique". C'est un outil pertinent particulièrement au moment des élections françaises. 

    Le livre vient renforcer un dispositif plus intuitif qui est son site swiss-poc.ch. Chaque jour, vous pouvez questionner l'histoire Suisse, son fonctionnement démocratique sur des grands thèmes.  Ce site est mis à jour régulièrement pour suivre les avancées législatives, les débats. C'est un travail titanesque. 

    En ces temps de déploiements autoritaires, ce projet de Dominique Motte ne peut que me séduire tant il nous place au coeur même de la démocratie à savoir son expérimentation collective.

    Un livre doublé d'une expérimentation permanente qui nous plonge dans le processus, dans la remises à plat d'un système et nous permet d'interroger notre conception même de la démocratie.  Conclure est impossible tant je devrais rechercher, confronter tous les mots, mais je veux souligner cette incroyable exploration qui nous permet de questionner avec joies les failles de notre système et découvrir qu'autre chose est bien possible et surtout réalisable. Je prends pour finir ce bref article une judicieuse citation placée au début du livre "le plus grand danger pour la démocratie est de croire qu'elle est acquise" Wolfgang Schäuble (2018).

    Dominique Motte, livre, essai, démocratie, suisse, transformation sociale, la route de la soie- editions

  • Questionnons le(s) "genre(s)"...

    Genre, féminisme, droit des femmes, égalité, LGTBQI, trans, homosexualité, droit des femmes, AFFDU, DiplôméesLa Revue Diplômées est une revue de l’Association Française des Femmes Diplômées des Universités (AFFDU). Revue scientifique à comité de rédaction, elle a pour vocation de promouvoir la recherche et la visibilité des femmes chercheuses en Europe.

    Une fois cela posé, il nous faut nous demander pourquoi ce numéro de la revue Diplômées est un indispensable... voire même un incontournable. 

    Pourquoi un tel thème pour ce numéro ? L’Association, en 2020, a eu cent ans et deux numéros nous ont permis d’aborder l’histoire des femmes avec les Pionnières (n°270-271) puis avec le numéro 100 ans de luttes pour l’égalité (n°272-273). Mais au fur et à mesure de la constitution de ces numéros ainsi que du suivant sur les Passions (n°274-275), nous nous sommes retrouvé.e.s face à un océan de nouveaux questionnements autour  du « genre » et de ses intersections pluridisciplinaires. 

    Raisons pour lesquelles, nous faisons aujourd’hui un numéro autour du « genre ». Comme champ de recherche, on évoque les « études de genre » (traduction littérale de l’anglais gender studies). Ces études se définissent de façon très large comme « l’ensemble des recherches qui prennent pour objet les femmes et les hommes, le féminin et le masculin ». 

    Mais que faut-il entendre par cet ensemble de recherches ? Sommes-nous en quête de la compréhension de comment le « genre » se forme, se caractérise puis s’encre définitivement dans la structure psychique individuelle et/ou collective ? 

    Le concept de genre aurait-il été construit pour étudier la façon dont « nos » sociétés pensent, organisent, arrangent, hiérarchisent la différenciation des sexes ? Est-ce aussi questionner les normalisations des comportements sexuels ?

    Nous le voyons « le genre » interroge les catégories de femmes, d’hommes, de sexe, de sexualité, d’intersexuation, de féminin, de masculin, de féminité, de masculinité. Le genre les regarde comme des constructions sociales. Pour répondre à nos interrogations sur le genre nous devons donc convoquer l’ensemble des disciplines en sciences humaines et sociales mais également les sciences du vivant, l’architecture, la politique, la géographie. 

    Dans l’Introduction aux études de genre, on peut découvrir que ce concept de « genre » repose sur quatre dimensions fondamentales.

    La première dimension est une évidence : le genre est une construction sociale. Une attribution qui nous plonge dans des habitudes mentales et sociétales telles qu’il est souvent difficile de les déconstruire.

    La deuxième dimension pose le genre comme un processus relationnel. Ici nous pourrions penser aux travaux de Christine Delphy (cf. L’ennemi principal). Elle proposait une approche des relations hommes/femmes en termes de rapports sociaux de production – un féminisme matérialiste.

    La troisième dimension fait du genre un rapport de pouvoir. Cette dimension serait-elle mise en évidence par les « Queer studies » ? Marie-Hélène Bourcier qui traduit littéralement « Queer » par « ordure, taré, anormal, gouine, trou du cul, malsain, vraiment bizarre » (cf. Queer Zone, éd. Balland, 2001). Pour sortir de ce rapport de pouvoir Marie-Hélène Bourcier propose une boîte à outils qui n’est pas purement universitaire, au sens traditionnel du terme, puisqu’il y a dedans « le cul ».  

    Et c’est là que nous pouvons prendre conscience que la question du genre s’imbrique dans d’autres rapports de pouvoir. 

    Quatrième dimension du genre, cette imbrication dans tous les états de nos vies sociales. Là nous devons prendre conscience que le genre est relié aux enjeux de pouvoirs liés au sexe, aux identités sexuées et aux sexualités. Nécessairement questionner le genre c’est mettre en évidence des formes d’inégalités et de discriminations.

    Autant de questions auxquelles nous souhaiterions vous inviter à investiguer. Quel que soit votre champ de recherche, questionnons ensemble « le genre » dans tous ses états…

     

    Ont participé à ce numéro : Nicole Mosconi, Marie Buscatto, Yanick Ripa, Sonia Bressler, Véronique Perry, Annie Crépin, Claire Viennet, Corinne M. Belliard, Nicole Fouché & Évelyne Nakache, Anne-Sophie Coppin & Émilie Gapaillard, Maude Delabarre, Evelyn Campos Acosta, Chantal Morley et Carmen Gordon-Nogales, Mérabha Benchikh, Natacha Quiniou, Isis Castaneda et Daniela Jacob, Claude Mesmin, Isabelle Béné, Alex.ia Tamécylia.

    Genre, féminisme, droit des femmes, égalité, LGTBQI, trans, homosexualité, droit des femmes, AFFDU, Diplômées

     

  • Pascal Ordonneau & la monnaie

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    Si vous ne connaissez pas Pascal Ordonneau (ancien banquier, essayiste, faiseur d'or et de talents), alors ce livre est une excellente entrée en matière. 

    Sur un sujet auquel nous sommes tous sensibles, parce que c'est notre quotidien, ce par quoi nous échangeons, payons nos factures : la monnaie, il nous entraîne dans des histoires et des faits. Il nous promène avec talent entre les expressions de la langue française "un sou est un sou", tout en nous livrant des indices sur ce qui ressemble à une croyance. En fait, quand nous parlons de monnaie ? Parlons-nous de sa valeur ? Mais à l'heure numérique, vaut-elle encore quelque chose ? Comme il le souligne lui-même "La monnaie est un fait de société compliqué. Vous savez intuitivement beaucoup de choses sur la monnaie. On s'attachera ici à les rendre encore percutantes, à les relier aux grandes théories et à montrer que bon nombre de dictons ou formules lapidaires véhiculent des vérités économiques profondes. Il y aura parfois des moments amusants, des commentaires cocasses ou des étonnements : on s'efforcera de les rendre aussi vivants et curieux qu'il est possible. "

    Mais alors comment sortir de ce drôle d'adage "l'or te donne la terre et la terre te donne l'or" ? C'est là tout le principe de ce livre vous mettre sur l'échelle historique des économistes et de leurs grands principes mais également de rire de tout, de ce billet de 200 euros froissé qui revient dans les mains de son propriétaire... La monnaie racontée par Pascal Ordonneau c'est drôle et intelligent, cela nous montre combien la "quadrature du cercle" est une hypothèse humaine qui nous fait avancer... La monnaie une imagination qui aujourd'hui prend de nouvelles formes... Bref un livre truculent... Parfait pour cet été !