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Rebelle - Page 53

  • Et si 2017 n'avait pas lieu ?

    Au lendemain du débat de la primaire, à l'heure où toutes les chaînes font preuve d'une inventivité extrême (ironie) pour rendre "sexy" la politique, il serait bon de se poser l'unique question : l'élection présidentielle de 2017 aura-t-elle bien lieu ?

    Notons cependant, qu'à l'échelle du monde, cette question est elle-même anecdotique. Mais elle mérite que nous nous y attardions. Pourquoi ? J'y vois au moins une raison : avons-nous mesurer notre ignorance en matière législative concernant l'état d'urgence et ses conséquences juridiques ?

    Mais revenons, à notre question centrale. Quand on cherche rapidement sur le moteur de recherche préféré des internautes (celui-là même qui ampute notre capacité réflexive), alors nous découvrons que plein de personnes y ont déjà pensé, et puis surtout on parle d'un hoax... Le hoax figue de la rumeur sur le net. Est-il besoin ici de rappeler les mécanismes d'une rumeur ? Je vous laisse relire les mécanismes de la rumeur établis par Jean-Noël Kapferer. Mais notons qu'une rumeur fonctionne car elle a une valeur informative pour celui qui la porte, et surtout qu'elle est avant tout contre le pouvoir établi... Elle gagne d'ailleurs en vélocité plus elle est contre-pouvoir.

     

    Ceci posé que masque cette rumeur ?

    Elle révèle surtout notre ignorance, notre manque de temps pour aller chercher des informations véritables. Qui prend le temps de se dire "qu'est-ce que l'état d'urgence" ? Que recouvre cette expression ? Nos droits sont-ils les même ? De façon générale comment notre quotidien est-il impliqué ? Evidemment, faire vos courses, boire des verres entre amis, dîner, aller au cinéma, ou au théâtre... De cela rien ne change a priori. Votre regard s'habitue juste à voir plus de forces armées, à ouvrir vos sacs, à accepter des fouilles, des vérifications d'identité... Et finalement ce qui semblait un effort, devient une habitude... Tout passe finalement... Ca c'est ce que nous pouvons voir à l'oeil nu... Mais derrière cette "sécurisation" sans précédent, il y a des lois, des législations, des jurisprudences, etc.

     

    Etat d'urgence, kesako ?

    "L'état d'urgence est, en France, une situation spéciale, une forme d'état d'exception permettant aux autorités administratives (préfet, police) de prendre des mesures restreignant les libertés comme l'interdiction de la circulation ou la remise des armes à feu de certaines catégories" (Cf. Wikipédia)... Oui je cite cette définition, car elle est très intéressante. Car elle joue sur les mots.

    L'état d'urgence est une "situation spéciale"... déjà là nous devrions nous poser des questions. C'est quoi une situation spéciale ? Devons-nous tous porter des jupes, des plumes ? Le temps est-il suspendu ? Serait-ce une situation pour les poètes ? En France nous sommes donc dans une situation spéciale non définie, non déterminée qui engendre un "état d'urgence". Curieux, poursuivons au-delà de la seconde virgule.

    Là arrive une autre expression étrange "une forme d'état d'exception"... Une belle équation que ce début de phrase. Nous glissons en deux virgules vers une autre définition et un autre principe juridique.

     

    "Une forme d'état d'exception", c'est quoi ?

    L'état d'exception désigne des situations où le droit commun est suspendu, ce qui peut se référer à des cas juridiques distincts, tels que l'état d'urgence, l'état de guerre, etc. Donc nous devons être attentifs sur le fait que nous sommes encore en "état d'urgence" et ce jusqu'en janvier 2017. Logiquement, un tel état faisant peser des risques considérables sur les droits de l'Homme et sur les démocraties, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques prévoit que l'ensemble de ses signataires sont théoriquement tenus de signaler aux autres États « les dispositions auxquelles ils ont dérogé et les motifs qui ont provoqué cette dérogation, ainsi que la date à laquelle ils mettent fin à ces dérogations ».

    Ce même pacte rappelle, au point 1 de son premier article que "Tous les peuples ont le droit de disposer d'eux-mêmes. En vertu de ce droit, ils déterminent librement leur statut politique et assurent librement leur développement économique, social et culturel". Il y a donc collusion entre les pactes et la législation.

    En d'autres termes, il semble que nous ayons consenti à cet exercice de la loi. Pour la définition du consentement, il faudrait faire un autre article pour expliquer comment cela marche, mais ici je vous renvoie à la lecture d'Edward Louis Bernays (Propaganda), ou Noam Chomsky...

    En réponse à cette forme "d'état d'exception", la Constitution française, dans on article 16, la possibilité pour le Président de la République de disposer de pouvoirs exceptionnels...

     

    Article 16 de la Constitution Française

    "Lorsque les institutions de la République, l'indépendance de la Nation, l'intégrité de son territoire ou l'exécution de ses engagements internationaux sont menacés (1) d'une manière grave et immédiate et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels est interrompu, le Président de la République prend les mesures exigées par ces circonstances, après consultation officielle du Premier ministre, des Présidents des Assemblées ainsi que du Conseil constitutionnel.

    Il en informe la Nation par un message.

    Ces mesures doivent être inspirées par la volonté d'assurer aux pouvoirs publics constitutionnels, dans les moindres délais, les moyens d'accomplir leur mission. Le Conseil constitutionnel est consulté à leur sujet.

    Le Parlement se réunit de plein droit.

    L'Assemblée nationale ne peut être dissoute pendant l'exercice des pouvoirs exceptionnels.

    Après trente jours d'exercice des pouvoirs exceptionnels, le Conseil constitutionnel peut être saisi par le Président de l'Assemblée nationale, le Président du Sénat, soixante députés ou soixante sénateurs, aux fins d'examiner si les conditions énoncées au premier alinéa demeurent réunies. Il se prononce dans les délais les plus brefs par un avis public. Il procède de plein droit à cet examen et se prononce dans les mêmes conditions au terme de soixante jours d'exercice des pouvoirs exceptionnels et à tout moment au-delà de cette durée."

     

    Quand on lit cela, on s'aperçoit que nous sommes en plein paradoxe. En effet, il s'agit de la suppression légale des droits civils, humains dans un pays ou état de droit qui les applique.

     

    Création de ce régime "état d'urgence"

    La création de l'état d'urgence fait suite à la vague d'attentats perpétrés par le Front de libération nationale algérien dès novembre 1954. Sous la IVe République, les présidents du Conseil successifs, Pierre Mendès France puis Edgar Faure, souhaitaient éviter la proclamation de l'état de siège, dont le régime existe depuis 1849 et qui aurait transféré la responsabilité du maintien de l'ordre à l'armée. Il n'existe pas alors de régime juridique adapté à la guerre asymétrique.

    Selon la loi de 1955, le régime d'état d'urgence ne pouvait alors être déclaré que par la loi (donc par un vote du Parlement). La loi du 17 mai 2011 de simplification et d'amélioration de la qualité du droit supprime toutes les références à l'Algérie. La loi du 20 novembre 2015 actualise les mesures pouvant être prises et renforce le contrôle du Parlement et abroge l'article 12 selon lequel la juridiction militaire, via un décret d'accompagnement, pouvait « se saisir de crimes, ainsi que des délits qui leur sont connexes ». La loi du 21 juillet 2016 réintroduit la possibilité de copie des appareils numériques, et autorise la fouille des bagages et véhicules.

    Ce qu’il faut comprendre c’est bien que l’état d’urgence permet aux autorités administratives de prendre des mesures exceptionnelles en matière de sécurité qui sont susceptibles de porter atteinte aux droits et libertés des personnes. Mais il existe donc bien une degré supérieur.

     

    Basculement en « état de siège »

    Il y a encore un degré, après « l’état d’urgence », c’est donc bien « l’état de siège ». Evidemment personne ne souhaite en arriver là. Mais il est évident qu’il suffirait d’un autre attentat aussi dramatique que celui de Nice ou du Bataclan pour y arriver. Qu’est-ce que cela signifierait ?

    En France, l'état de siège est un dispositif législatif et constitutionnel permettant le transfert de pouvoirs de police de l'autorité civile à l'autorité militaire (donc à son chef des armées), la création de juridictions militaires et l'extension des pouvoirs de police.

    L'état de siège est créé sous sa forme actuelle par la loi du 3 avril 1878. Les premières applications de l’état de siège en France ont été instituées pour parer à des troubles intérieurs, comme les journées de Juin 1848, ou pendant la Commune de Paris en 1871. Il est déclaré plus tard durant la Première et la Seconde Guerre mondiale.

     

    La Constitution de 1958 a encadré cette disposition dans son article 36. Il ne peut être mis en œuvre que sur une partie du territoire, après délibération du Conseil des ministres et avec signature présidentielle, lorsqu'il y a péril imminent du fait d'une insurrection armée ou d'une guerre. Pendant l'état de siège, il y a un transfert de pouvoirs des autorités civiles aux autorités militaires. La prolongation de l'état de siège au-delà de 12 jours est soumise à l'autorisation du Parlement.

     

    Un gouvernement d’union nationale

    Et si entre l'état d'urgence et l'état de siège, il y avait une voie médiane ? Ne serait-elle pas celle de l'établissement d'un gouvernement d'union nationale ?

    Selon un sondage paru dans "Le Journal du Dimanche" du 24 juillet, 67% des Français souhaitent un  "gouvernement d’union nationale" pour lutter contre le terrorisme.

    L'Union nationale correspond à la formation d'un gouvernement unissant l'ensemble des forces politiques face à une situation exceptionnelle, en particulier lorsque l'indépendance nationale, l'intégrité du territoire ou la continuité de l'État sont menacées. En ce cas là pas besoin d’élections présidentielles pour 2017.

  • Rebelle - revient, merde !!!

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    Quoi ?

    Et oui laissé à l'abandon, il y a 10 ou 20 ans... pour cause "mais enfin il serait temps de se calmer un peu"...

    Rebelle avait rangé ses stylos et endormi ses théories sur le langage...

    Et puis il faut un sursaut... 

    Une claque du réel, un retour...

     

  • L'Europe vue par les féministes

    Les élections européennes qui auront lieu dimanche 25 mai prochain font naître de nouveaux enjeux citoyens. Face au ras-le-bol général que pouvons-nous faire ? Certains évoquent le retour des extrêmes mais peu de personnes évoquent de cette initiative européenne menée par les féministes. Découverte du mouvement Féministes pour une Europe Solidaire. 

    Anne Nègre
    Avocate, tête de liste pour Féministes pour une Europe Solidaire #FPES Euro-Région du Sud-Ouest

    Le féminisme sonne souvent comme ringard, totalement dépassé. Pourtant jamais en France et dans l'ensemble des pays européens, le droit des femmes n'a été aussi fragilisé. Alors face à l'écart des salaires, aux chiffres scandaleux des 17% des femmes qui vivent sous le seuil de pauvreté, des voix ont commencé à se faire entendre. Elles viennent de partout. Des hommes, des femmes, tous ont des parcours différents mais tous se retrouvent sur un fait : si nous voulons une Europe démocratique, il faut défendre la place des femmes dans nos sociétés. 

    Pour comprendre ce mouvement, j'ai décidé de rencontrer Anne Nègre, elle est tête de liste pour l'Euro-Région du Sud-Ouest. 

    - Pourquoi avoir choisi de défendre ce mouvement et de vous engager à ses côtés ?

    Anne Nègre : pensant sincèrement qu'ensemble tout est possible, j'ai décidé de m'engager avec "Féministes pour une Europe Solidaire". Tête de liste dans l'euro région Sud-Ouest, je souhaite m'engager auprès de tous les citoyens de cette région, pour que les choses bougent. Pour plus de solidarité, plus d'égalité !

    - L'égalité, n'est-ce pas simple une utopie issue des mathématiques ?

    Anne Nègre : Non. Elle existe, elle est possible. C'est mon combat depuis toujours comme avocate. L'égalité entre les femmes et les hommes grâce à notre combat féministe, à mon combat, est devenue une valeur fondamentale de la Constitution Européenne, article 1-2. Mais, c'est insuffisant, il convient que les droits des femmes soient spécifiquement intégrés dans la Charte des Droits Fondamentaux pour arrêter les régressions sur la contraception ou l'avortement par exemple. 

    - Après des années auprès du parti radical de gauche, pourquoi avoir choisi la voie féministe pour ces élections ?

    Anne Nègre : Après avoir été de celles qui ont fait émerger en France l'idée de parité dès 1994 avec le Réseau Demain la Parité où j'étais mandatée par l'Association Française des Femmes Diplômées des Universités, AFFDU, Reconnue d'utilité publique, branche française d'une ONG présente dans 120 Pays (ensuite j'ai été présidente de l'une et vice présidente de l'autre), nous avons obtenu avec toutes les associations féminines et féministes et bien sur au delà, cette réforme de la constitution et les lois subséquentes. On a cru que c'était gagné cette égalité. Et là, stupéfaction, les partis importants ont préféré payer des contributions financières à l'état plutôt que la respecter pour le nombre de femmes aux élections, ils valident ces attitudes de non respect de la loi ce qui est dommageable dans le public. C'est légal mais non moral. Pour les sénatoriales par exemple, sont montées des listes dissidentes pour avoir bien un homme dans la liste officielle et un homme en dissidence en tête de liste, les deux sont élus. Deux mois après, les dissidents reviennent dans leur parti généralement. Les têtes de listes sont massivement des hommes etc. Ce sont des pratiques anormales qui seraient fustigées dans les pays anglo-saxons. Dans le PRG, la parité est une façade même si elle est dans les statuts, elle est contrainte. Les programmes sont oublieux de ces questions, 5 minutes de paroles aux congrès, quelques tribunes mais sans effet certain. Les présidents de fédérations sont presqu'uniquement des hommes comme ce sont eux qui proposent les candidats aux investitures… J'ai pu constaté aussi que les personnes qui portent des propositions autres, différentes, avec de vraies compétences partent généralement rapidement des partis politiques qui ne sont pas des lieux de réflexion et de synthèse vers l'action. 

    - L'égalité, slogan de notre République n'a donc qu'une existence de surface ?

    Anne Nègre : Les féministes, nous avons constaté que nous avons eu cette même expérience dans tous les partis. Et nous sommes partis ans nous concerter mais c'est quand même étonnant d'avoir toute la même réaction. Le PRG bénéficiant d'un accord avec le PS, il n'est pas astreint directement à la parité. Au comité directeur du 30 novembre 2011 du PRG, il est apparu que sur les 55 circonscriptions environ dans l'accord projeté pour les élections législatives, seules les 5 députées sortantes étaient investies. Pas une seule autre femme. Cela n'avait aucun sens. On remarque paradoxalement que les ministres radicaux au gouvernement sont des femmes, le PS a surtout des hommes a placé comme ministres, la variable d'ajustement pour la parité devienne les femmes des partis alliés.

    - L'égalité est un combat humaniste pour vous ?

    Anne Nègre : A ce jour, mes idées sont toujours radicales, Humanisme, Laïcité et Solidarité, j'ai de nombreux amis radicaux, mais le fonctionnement de ce parti et des autres, nous imposent cette démarche de créer nos propres partis à l'échelon national, européen et pourquoi pas mondial. De nombreux amis hors Union Européenne suivent notre aventure avec grand intérêt.

    - Croyez-vous que le droit à l'avortement ou à la contraception soit essentiel dans cette campagne ?

    Anne Nègre : La contraception est à développer, intensifier, sous toutes ses formes, des informations auprès des jeunes et des moins jeunes sur la pilule du lendemain, avoir des financements pour des recherches permettant une solution viable et pérenne de la contraception féminine mais aussi masculine. Mais toutes ces politiques sont peu existantes et celles qui restent disparaissent faute de crédit. Ce qui est un point commun à toute l'Europe. L'échec de la contraception est souvent lié à des conditions de vie difficiles, à une absence d'accès aux soins médicaux, car là encore c'est couteux, c'est compliqué. Nos sociétés sont complexes.

    - Que masque cette complexité ? Que nous faut-il voir ? 

    Anne Nègre : C'est assez simple. Pour une femme qui porte un enfant parce qu'elle n'a pas eu le choix. Il s'en suit souvent une absence de père et un rejet des familles, c'est toujours actuel. L'impossibilité de faire face psychologiquement à une telle détresse qui pour d'autres est le plus bel accomplissement de la vie ? Financièrement une trappe sans appel vous happant vers la pauvreté, le désespoir, l'impossibilité d'élever cet enfant à venir. Nous ne sommes pas égales devant la détresse et les malheurs de la vie. Il ne nous appartient pas de juger mais d'aider et de permettre à ces femmes à toutes les femmes "d'avoir un enfant si je veux, quand je veux". Il est un constat sans appel que ce sont les femmes qui portent les enfants. Encore pour quelque temps.

    Il est un autre constat, ce sont les femmes qui se retrouvent seules face à une grossesse non désirée. Et ce sont ces mêmes femmes qui doivent pouvoir bénéficier de la maitrise de la fécondité, de pouvoir avorter si elles le veulent dans les meilleures conditions médicales possibles. On a oublié ces drames de ces femmes qui avortaient seules et mourraient, la mort rode, il faut l'éloigner.

    L'humanisme cherche à défendre les droits pour toutes et tous et particulièrement ceux liés aux soins. Privés les femmes de ces soins, c'est les priver de leur liberté fondamentale. 

    Pour plus d'informations : 

    Le site FPES 

    Blog de Anne Nègre

  • Josiane Balasko à fleur de peau

    Invitée d’honneur de la trentième édition du Festival international de films de femmes, Josiane Balasko évoque son parcours et ses engagements.

    Difficile, voire impossible de résumer en une phrase lapidaire la vie de Josiane Balasko. Son père décède alors qu’elle est adolescente, Josiane Balasko est élevée par sa mère et sa grand-mère. Dès son plus jeune âge, elle a rêvé d’embrasser une carrière artistique : après s’être essayée au dessin en intégrant une école de graphisme, et à l’écriture en rédigeant des nouvelles de science-fiction, elle opte pour la comédie et suit les cours de théâtre de Tania Balachova. Sa filmographie démarre fort avec son apparition très remarquée dans Le Locataire de Roman Polanski. Au milieu des années 70, Josiane Balasko rejoint l’équipe du Splendid, alors à la recherche d’une remplaçante pour Valérie Mairesse, partie faire du cinéma. Parallèlement, elle monte ses propres spectacles et incarne Ginette Lacaze dans une pièce écrite par Coluche. Elle apparaît à l’écran en 1973 dans L’An 01 et trouve son premier rôle "d’envergure" dans Les Petits Câlins de Jean-Marie Poiré (1978). Jouant de son image d’anti-sex-symbol, Josiane Balasko accède à la notoriété en même temps que ses camarades du Splendid, grâce aux succès des comédies Les Bronzés (1978) puis Les Bronzés font du ski, sans oublier Le Père Noël est une ordure (1982). A travers des films comme La Smala ou Nuit d’ivresse (1986), Josiane Balasko impose une nouvelle image d’elle et des femmes. Elle incarne une femme ordinaire à laquelle arrive l’extraordinaire. En 1989, grâce à Blier dans Trop belle pour toi, elle est la secrétaire pour qui Depardieu quitte Carole Bouquet. Elle multiplie les rôles de composition : militante exaltée dans Tout le monde n’a pas eu la chance d’avoir des parents communistes (1993) ou alcoolique pathétique dans Un crime au paradis, elle nous surprend en incarnant en 2003 un flic à la dérive dans le polar Cette femme-là de Guillaume Nicloux, puis elle incarne Marguerite Duras dans J’ai vu tuer Ben Barka. Josianne Balasko reste fidèle à la troupe du Splendid, participant donc au retour des Bronzés en 2006, puis à L’Auberge rouge de Gérard Kramczyck. En 2007, elle retrouve Guillaume Nicloux dans La Clef.

    Mais ne parler que de sa carrière d’actrice c’est oublier que Josiane Balasko, c’est aussi une réalisatrice engagée et lucide ! Dès le milieu des années 80, elle révèle cet autre talent. Elle dévoile ainsi son anticonformisme avec Sac de noeuds (1985) et Les Keufs (1989). Pourtant ce n’est qu’avec Gazon maudit, qu’elle obtient les éloges du public et de la critique (emportant le César du Meilleur scénario en 1995). En 1998, elle porte à l’écran sa première de théâtre à succès Un grand cri d’amour, récidive avec L’Ex-femme de ma vie (en 2005), puis son livre Cliente (en 2008). Comme personnalité, à l’honneur, de cette trentième édition, elle a accepté de nous parler de sa carrière, de son engagement, de sa volonté.

    Comment en êtes-vous venue à une carrière théâtrale ?
    Josiane Balasko : Au départ, je dessinais. Dès 8 ans, je peignais, mais ce n’était pas très convaincant. J’ai arrêté mes études, j’étais très en retard et j’ai dit à ma mère que je voulais faire du dessin. C’était plus l’idée d’une carrière artistique que j’avais en tête. Ma mère s’est saignée aux quatre veines pour m’envoyer dans une école qui existe toujours Penninghen. Je me disais que j’allais peut-être entrer aux Beaux-Arts ou aux Arts Déco. J’ai fait une année de préparation, qui me sert toujours pour composer mes affiches. Dans les années 69/70, j’ai été recalée au concours des Arts Déco et je me suis dit : « mais qu’est-ce que je peux faire ? » J’avais une amie d’enfance, Laura Laufer qui était une fan de cinéma, une cinéphile, et qui prenait des cours de théâtre chez Tania Balachova. Elle m’a demandé : « pourquoi tu ne viens pas me voir ? ».

    Cela a-t-il été une révélation, ou bien avez-vous découvert un métier ? Josiane Balasko : A l’époque, ces endroits n’étaient pas des usines. Les élèves payaient quand ils pouvaient. Donc je suis restée à regarder ses cours. Je trouvais ça intéressant. L’ambiance était bonne, il y avait des copains, des copines... Un jour, on m’a demandé de donner la réplique. C’était une pièce très rigolote d’Obaldia : Le Cosmonaute agricole. J’ai donné la réplique, et tout le monde s’est mis à rire. A partir de là, j’ai compris que j’avais une fibre comique et j’ai commencé à travailler dans ce sens. C’est donc venu un peu par hasard et je n’ai pas vraiment décidé de devenir actrice.

    Dès votre première apparition au cinéma, dans Le Locataire de Roman Polanski, vous jouez sur vos différences physiques ? Vous semblez même en avoir fait un point fort...
    Josiane Balasko : Si on commence une carrière sur un physique c’est très dur de s’en défaire, car l’on vous sollicite pour cela. Je ne connais que Simone Signoret qui ait résolument cassé son image. La beauté extrême qu’elle pouvait avoir dans Casque d’or elle l’a cassée dans ses rôles ultérieurs, comme dans La Veuve Courderc (Pierre Granier-Deferre, 1971) par exemple.

    En parlant de transformation et d’images, il semble que vous ayez le goût de la métamorphose à chacun de vos personnages ?
    Josiane Balasko : oui, j’adore cela, c’est une manière encore plus forte de donner vie à un personnage, de l’incarner. Dans Un crime au paradis de Jean Becker (2001), j’étais une mégère incroyable. Il y avait Suzanne Flon sur le film, qui comprenait très bien ce choix. Je préfère être un poireau dans un film, plutôt que dans la vie réelle ! (rires) Ca m’amuse toujours de me déguiser. Un acteur se déguise sans cesse. C’est le plaisir du jeu de se transformer. J’ai commencé avec Les Hommes préfèrent les grosses (Jean-Marie Poiré, 1981) et bien sûr je n’étais pas à mon avantage, mais ce n’était pas grave. Dans le fond, j’ai toujours eu des modèles masculins, car il y avait peu de modèles féminins à part les excentriques comme Pauline Carton. Elle est formidable, mais a toujours été cantonnée aux rôles de concierge, de vieille fille, de pharmacienne aigrie... Les jeunes filles séduisantes jouaient assez vite des rôles de mères. Mes modèles étaient donc masculins et je m’étais dit : « J’ai envie de faire un tandem, comme Jerry Lee Lewis et Dean Martin. » (rires). C’est comme cela qu’est né Les Hommes préfèrent les grosses. Un de mes premiers spectacles qui s’appelait : La Pipelette ne pipa plus. Les critiques, même féminines, étaient féroces. On disait « dis-donc, elle a des cuisses avec de la cellulite et elle ose porter une mini-jupe ! » C’est un exemple de réaction qui prouve que parfois les femmes sont les premières gardiennes de la tradition machiste. Ca leur renvoyait une image inacceptable. J’ai eu la même réaction à la lecture de Cliente, auprès de femmes qui s’occupaient de programmation ou de distribution pour les chaînes de TV. Elles ne toléraient pas le scénario : une femme de 50 ans qui va avec des mecs. Elles ne lisaient pas un scénario, mais se projetaient personnellement dans l’histoire. C’est très fréquent ces deux niveaux, il y a les canons de la société d’une part, et l’autocensure des femmes contre elles-mêmes, d’autre part.

    Vous allez constamment au-delà des critiques, vous aimez tendre un miroir à la société pour en montrer les imperfections. On vous voit d’ailleurs de plus en plus dans des engagements différents. Est-ce une des raisons qui vous a conduit aujourd’hui à accepter l’invitation du Festival ?
    J
    osiane Balasko : Les combats féministes ont changé des choses importantes dans la vie des femmes. Pour le cinéma, cela a certainement permis à des réalisatrices de travailler. Moi, à l’époque, je m’en foutais un peu. Il n’y a que depuis quelques années que je m’intéresse à la chose publique. Pour les sans-papier, je peux comprendre que l’on ait des quotas d’entrées, que des gens qui sont là depuis six mois illégalement soient renvoyés à la frontière... mais le drame actuel concerne des gens qui sont là depuis cinq ans, depuis dix ans, qui ont des enfants, qui travaillent. C’est ça le problème. Beaucoup de gens expulsés sont des gens intégrés, qui ont des attaches. Donc cette loi c’est pour faire du chiffre et plaire aux électeurs d’extrême droite. Ca ne résout pas les problèmes et on a besoin des immigrés. Quand on a la chance d’être privilégié, c’est normal de s’intéresser aux autres. Pour moi militer, c’était de faire ce que je faisais. D’une certaine façon, porter une mini-jupe et montrer mon cul aux gens, c’était un acte féministe (rires). C’était pas forcément perçu comme ça, mais c’était tout de même aller contre des stéréotypes. J’ai remarqué que même les grandes causes comme l’Unesco, l’Unicef... utilisent des images de femmes « glamour » pour vendre leurs idées. Au début j’étais très énervée parce que je ne faisais jamais les couvertures, mais maintenant je m’en fous complètement.

    Pour en revenir au cinéma, vos choix d’actrice puis de réalisatrice montrent combien vous êtes en prise avec le réel.
    Josiane Balasko : Oui en effet, j’aime partir du quotidien. Par exemple, Les Keufs (1987) était une commande que j’ai réécrite entièrement. Un producteur m’avait demandé de faire un polar et, dans les années 80, j’avais rencontré une jeune femme-flic très mignonne, qui, dans le cadre de son boulot, devait s’infiltrer chez les dealers. Elle m’a raconté des choses hallucinantes. Elle était de Marseille et avait passé les concours pour entrer chez les flics. Très vite elle a été mutée à Paris, dans un milieu très macho. Les premiers jours, elle arrivait en petit tailleur et on lui disait : « Viens, y a un type qui s’est pendu, on y va ». Arrivée sur les lieux, on lui dit de le dépendre. Et là, évidemment, elle ne pouvait pas le savoir, mais le type se vide complètement sur elle. Elle en avait partout. C’était vraiment un bizutage assez dur. Après elle leur disait « Salut les couilles ! » et j’ai repris cette expression dans mon film. Il y a un autre épisode dans le film qu’elle m’a raconté également. Elle avait des billets pour l’Opéra, donc là encore elle s’était bien habillée. Elle était toute seule. Elle revient de l’Opéra assez tard, en métro, et des mecs commencent à la regarder et à l’emmerder. Tout à coup, elle sort un flingue de son sac, elle, une petite bonne femme très chic. On imagine la tête des types (rires).

    Comment Bertrand Blier a eu l’idée de vous proposer Trop belle pour toi ?
    Josiane Balasko : Bertrand nous connaissait toute l’équipe du Splendid. Il était venu nous voir au Café Théâtre, il a donné des petits rôles à Jugnot et Lhermitte dans Les Valseuses. Il m’avait proposé un tout petit rôle, mais je n’avais pas pu le faire à l’époque à mon grand désespoir car je devais assurer une tournée de spectacle pour enfants. Plus tard, il m’avait parlé du personnage de Miou-Miou dans Tenue de soirée, mais il a tout de suite oublié. Il trouvait que ce n’était pas moi. Et il a eu bien raison de prendre Miou-Miou. Ensuite, il a pris Michel Blanc. Donc il est assez fidèle à nous. Dans Les Acteurs, j’ai joué avec André Dussollier. Pour Trop belle pour toi, je crois que c’est le seul réalisateur à qui j’ai demandé de travailler avec. Un jour, il m’a appelé et m’a proposé cette idée. Bertrand a besoin de penser à des acteurs précis pour écrire ses personnages. Il a besoin de têtes.

    Avec Trop belle pour toi, vous commencez à quitter le registre comique pour aller vers des rôles plus dramatiques et incarner cette Femme-là de Guillaume Nicloux...
    Josiane Balasko : Dans Les Hommes préfèrent les grosses, on ne parle que de cul. Pas d’une manière grasse, mais d’une manière obsessionnelle. J’ai revu récemment Viens chez moi j’habite chez une copine, à peu près de la même époque, et c’est pareil. Tout est basé sur les ouvertures, sur l’écoute, sur ce que l’on peut avoir rapidement... C’était quand même ça le fond de ces histoires. Il a fallu que j’attende Trop belle pour toi (1989) et surtout Cette femme-là (2002) pour aborder un registre dramatique. C’est Thierry Lhermitte qui m’appelle un jour, en me disant « Il faut que tu vois Guillaume Nicloux, c’est un garçon formidable ». On s’est vus, on a discuté, et une alchimie est passée, comme avec Jean-Marie Poiré. Il avait envie d’écrire un film noir, avec un personnage sombre et j’ai dit OK. C’est l’histoire d’une femme-flic qui a des névroses car son fils, quatre ans auparavant, est mort dans un accident de voiture dont elle est responsable. Elle voit un psy, et va être entraînée dans une affaire policière extrêmement violente. C’est un jeu totalement intérieur, pas du tout expressif, à l’opposé de mes rôles habituels, et j’ai beaucoup aimé jouer ce personnage.

    Le bonheur d’être actrice vous a également conduit vers la réalisation. Mais réaliser est-ce encore jouer ?
    J
    osiane Balasko : Sac de nœuds (1985), c’est le premier film que j’ai réalisé, mais je ne voulais pas le faire. Je voulais jouer et écrire, mais pas réaliser. C’est comme si on m’avait dit : « Maintenant tu vas servir la messe, tu vas passer de l’autre côté... J’suis pas curé ! » (rires). Et puis j’ai écrit le sujet avec Jacques Audiard, on avait un producteur et j’ai cherché un metteur en scène, mais on n’en a pas trouvé. C’est un film tellement particulier, tellement personnel que c’était pas évident de trouver quelqu’un. Jugnot avait fait un carton avec Pinot Simple flic et Blanc avec Marche à l’ombre alors le producteur m’a dit : « T’as qu’à le faire ! » Pour Gazon maudit (1994), la production de Claude Berri avait les moyens. On a planté le décor entre Apt et Avignon. On se retrouvait les uns chez les autres. C’était très familial. Tout le monde avait emmené ses enfants, Victoria, Alain Chabat... C’était un peu une fête. Ma fille était avec moi. A la fin du tournage elle me dit « Quand est-ce que je pourrais voir le film ? » Et moi je lui réponds : « C’est pas vraiment pour les enfants, quand tu auras 12 ans ». Le film est sorti quand elle a eu 12 ans et je me disais « Pourvu que de voir sa mère avoir des scènes d’amour avec Victoria Abril ne la traumatise pas ! » (rires). Finalement elle m’a dit « Maman, t’as fait du bon boulot ! ». Après, à l’école, on a dû lui dire que sa mère était une gouine et elle a dû en chier... mais bon. Avoir des enfants pour les couples de lesbiennes, cela me semble normal et logique. Sans même recourir à l’insémination artificielle je pense qu’il y a des couples qui font appel à des amis.

    A travers votre fabuleuse carrière, il semble que vous fassiez tout en restant vous-même. Est-ce là votre philosophie ?
    Josiane Balasko : J’ai la grande chance de faire les films que j’ai envie de faire. Pour un metteur en scène quand il ne travaille pas, c’est très dur. Moi, je suis un peu dilettante. J’écris un livre, je fais une pièce comme actrice... Je ne suis pas là à me dire : « Il faut trouver un sujet, sinon je vais mourir ». Je n’ai pas non plus besoin de faire des publicités pour vivre. C’est un immense avantage de pouvoir faire mille choses, car quand une actrice reste dans l’attente d’un coup de fil, c’est terrible. Tous les acteurs ont des périodes creuses. DansCliente au départ j’avais écrit le rôle pour moi. Ensuite, je suis passée au livre en me disant : « Si j’étais metteur en scène qui je prendrais comme actrice ? ». J’ai fait lire le bouquin à Nathalie Baye et elle m’a rappelée immédiatement en me disant : « Ecoute Josiane, si jamais tu fais le film, je veux le rôle ». Et l’an passé son agent m’a dit : « C’est la première fois de sa vie qu’elle appelle un metteur en scène pour avoir un rôle ». Et elle est formidable. Elle représente la Française, un peu comme Danielle Darrieux à son époque, ou dans un autre style Catherine Deneuve. La beauté française qui n’est pas tapageuse, qui a beaucoup de charme, et à laquelle on peut s’identifier.