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géopolitique - Page 2

  • Repenser le citoyen face au capitalisme néolibéral

    SONIA BRESSLER, Philosophie, Citoyen, Individu, Politique, démocratie, Géopolitique, récit, langage, art, Fatiguée, je suis... Fatiguée de voir que mes étudiants ne rêvent que d'argent, sans même considérer que leur vie est bien plus importante que cet "argent"... Il est grand temps de montrer que la fin de l'histoire de Francis Fukuyama n'existe pas.. C'est juste un impératif lié à une envie de ne pas penser plus loin que le bout de son nez. Il est temps de se réveiller... Et je prends la plume ce matin pour lancer une étincelle, aussi minime soit-elle. 

    Dans l’histoire des idées, le concept de citoyenneté a souvent incarné la promesse d’une communauté politique où chacun peut participer à l’élaboration du bien commun. Pourtant, dans le capitalisme néolibéral qui domine depuis la fin du XXe siècle, cette vision s’est dissoute, laissant place à une figure plus inquiétante : celle de l’individu atomisé, dépossédé de sa subjectivité et réduit à un simple rouage dans la machine économique. Ce phénomène, qualifié par Gilles Lipovetsky comme l’ère du vide, signale une crise profonde de la société contemporaine. 

    La dépolitisation de l’individu dans le néolibéralisme

    Le capitalisme néolibéral, tel qu’il a émergé dans les années 1980 avec des figures comme Margaret Thatcher et Ronald Reagan, a bouleversé le rapport de l’individu à la société. Margaret Thatcher déclarait d’ailleurs en 1987 : « Il n’y a pas de société, seulement des individus. » Cette phrase emblématique traduit l’essence du néolibéralisme : réduire l’humain à un consommateur et à un gestionnaire de soi-même, au détriment de son rôle de citoyen engagé.

    Le philosophe Cornelius Castoriadis évoque cette alénation en ces termes : « La société capitaliste moderne produit des individus qui, tout en étant consommateurs, sont en réalité des êtres mutilés, incapables de s’interroger sur le sens de leur vie et de leurs actions. » Loin de favoriser la liberté et l’émancipation, le néolibéralisme a engendré une société de servitude volontaire, où l’individu est sommé de maximiser son utilité personnelle sans jamais questionner les fondements mêmes du système.

    L’érosion de la subjectivité et de la pensée critique

    La disparition du citoyen dans la sphère publique ne signifie pas seulement une perte d’engagement politique, mais une atteinte à la capacité de penser et de décider collectivement. Des penseurs comme Hannah Arendt ont mis en garde contre cette dynamique. Dans La Condition de l’homme moderne, Arendt observe que l’être humain, en se retirant dans la sphère privée et en se confinant à une logique de travail et de consommation, abandonne sa capacité d’action politique, c’est-à-dire son aptitude à initier quelque chose de nouveau dans le monde.

    L’individu atomisé du néolibéralisme, bercé par le culte de l’efficacité et l’omniprésence des technologies numériques, perd non seulement sa liberté intérieure, mais également sa relation aux autres. Cette rupture collective entraîne ce que le sociologue Alain Ehrenberg a nommé la fatigue d’être soi : un épuisement dû à l’injonction permanente de performance et d’auto-optimisation.

    Un système qui engendre le vide

    Lipovetsky, dans L’Ère du vide, décrit une époque marquée par le désinvestissement collectif et la montée d’un individualisme passif. Loin de l’individu souverain des Lumières, le sujet néolibéral se replie sur ses désirs de consommation et ses angoisses personnelles, abandonnant toute ambition de transformation sociale. Cette société, où le vide existentiel remplace le projet politique, est celle où les questions fondamentales — la justice, l’égalité, l’environnement — sont étouffées par le bruit des logiques de marché.

    Sortir du néolibéralisme : vers une renaissance citoyenne

    Face à ce constat, il est urgent d’inventer une nouvelle ère. Une société où le citoyen, non plus l’individu atomisé, retrouverait sa centralité. Cela nécessite de rompre avec les mécanismes aliénants du capitalisme néolibéral, mais aussi de redéfinir notre rapport à la communauté, à la nature et au sens.

    Une source d’inspiration peut être trouvée dans les pensées de grands réformateurs. Ivan Illich, dans La Convivialité, plaide pour un monde où l’humain ne serait plus l’esclave des outils, mais en reprendrait le contrôle dans une logique de partage et de coopération. De même, les écrits de Naomi Klein insistent sur l’urgence de transformer les systèmes économiques pour mettre fin à l’exploitation des ressources humaines et naturelles.

    Inventer une nouvelle ère : au-delà de l’ère du vide

    Si nous voulons sortir de ce schéma, nous devons imaginer un modèle économique et social fondé sur la coopération, la justice et l’écologie. Cela implique de remettre en question les mythes du néolibéralisme : la croissance infinie, l’efficacité à tout prix, et l’individualisme comme valeur suprême. Il ne s’agit pas d’un retour au passé, mais d’une réinvention : bâtir une société où l’être humain reprend son rôle de citoyen actif, créatif et solidaire.

    Comme le disait déjà Gramsci : « Le vieux monde se meurt, le nouveau tarde à apparaître, et dans ce clair-obscur surgissent les monstres. » Nous sommes dans cette période de clair-obscur. À nous, citoyens du XXIe siècle, de faire en sorte que le nouveau monde émerge, et qu’il soit fondé sur des valeurs qui réparent notre humanité plutôt que de l’éroder.

    En janvier 2025, il est temps de dépasser l’ère du vide. Il est temps de reprendre la parole, d’agir ensemble, et d’affirmer que nous sommes plus que des consommateurs ou des individus atomisés : nous sommes des citoyens, et nous avons un monde à réinventer.

  • La fille rêvée de Kim Jong-un : un voyage philosophique à travers l'imaginaire

    Alain Mamou-Mani, Antoine Lassaigne, Corée du Nord, géopolitique, roman, aventure, route de la soie-editionsDans un monde où les tensions nucléaires et les menaces de guerre totale sont omniprésentes, La fille rêvée de Kim Jong-un d'Alain Mamou-Mani et Antoine Lassaigne offre une évasion bienvenue. Ce livre, qui pourrait facilement être adapté en un film captivant, explore les angoisses de notre époque avec une touche d'humour et une profonde réflexion philosophique.

    L'intrigue du livre tourne autour de plusieurs personnages clés, dont Kim Jong-un, le leader nord-coréen, et une femme mystérieuse nommée Isabelle. Le livre aborde des thèmes tels que la convoitise, le désir intense de posséder ce qui appartient à autrui, et l'envie, un vice dans la tradition chrétienne. Ces thèmes sont explorés à travers des situations qui oscillent entre le sérieux et l'humour, créant un équilibre parfait qui maintient le lecteur captivé.

    L'un des aspects les plus fascinants de La fille rêvée de Kim Jong-un est la façon dont il utilise l'humour pour soulager les angoisses de notre époque. Par exemple, le livre présente une équipe de pom-pom girls coréennes qui, malgré leur entraînement intensif, restent figées sur leur banc, lançant des regards désespérés à leur coach. Cette scène, bien qu'humoristique, souligne également les tensions entre le Nord et le Sud de la Corée, un sujet sérieux qui est au cœur de nombreuses préoccupations mondiales.

    Le livre suggère également que notre réalité dépend en grande partie de notre imaginaire. Les personnages sont constamment confrontés à des situations qui défient leur compréhension du monde, les obligeant à remettre en question leurs croyances et leurs perceptions. Cette exploration de l'imaginaire offre une perspective unique sur la façon dont nous interprétons et réagissons aux événements mondiaux.

    En somme, La fille rêvée de Kim Jong-un est un livre qui invite à la réflexion. Il aborde des sujets sérieux avec une légèreté qui rend la lecture agréable, tout en offrant une profondeur de contenu qui incite à la réflexion. Que vous soyez intéressé par la philosophie, la politique ou simplement à la recherche d'une bonne histoire, ce livre est un excellent choix.


     

  • Femmes & Géopolitique(s)

    Diplômées, AFFDU, femmes, géopolitique, claude mesmin, francine rosenbaum, sonia bressler, égalité, rechercheLa Revue Diplômées est une revue de l’Association Française des Femmes diplômées de l’Université. Revue scientifique à comité de rédaction, elle a pour vocation de promouvoir la recherche et la visibilité des femmes chercheuses en Europe. D’inspiration généraliste et interdisciplinaire, libre à l’égard de toute école de pensée et des modes intellectuelles. Sa périodicité est de quatre numéros par an, elle accueille ainsi des textes théoriques et de recherches.

    Dans ce numéro, nous avons souhaité interroger la thématique  "femmes et géopolitique(s)". Quels sont leurs liens ? Là, nous pourrions très rapidement nous entendre dire que les femmes (en tant que nombre) font partie des variables des stratégies géopolitiques Combien sont-elles ? Manquons-nous de femmes ?

    Pourrions-nous dire si, à l’échelle planétaire ou d’un pays, les femmes sont désirantes (avec la variable du nombre d’enfants par femmes) ? Les femmes ont été pendant des siècles considérées comme des variables d’ajustement, c’est ce que l’archéologue et préhistorienne Marija Gimbutas a démontré dans ses travaux.

    En mettant en avant que l’emprise du discours masculin sur les sciences humaines avait considérablement orienté notre construction mentale et sociétale. Il nous faut donc aborder le lien entre les femmes et les géopolitiques de façon plus ouverte, plus holistique sans doute. Vous l’aurez remarqué, nous ne parlons pas d’une « géopolitique » unique. C’est impossible mais bien de géopolitique(s) plurielles. Il y a, en effet, autant de territoires que d’êtres humains.

    Ont participé à ce numéro : Sylvie Aguire, Jacqueline Andoche, Jean Michel Belorgey, Sonia Bressler, Yvette Cagan, Anne-Sophie Coppin, Simonella Tanguy -Domingos, Angelina Durand-Vallot, Renée Gérard, Béatrice Giblin, Carole Gomez, Marie-Claire Hamard, Martine Lévy, Sylvie Matelly, Claude Mesmin, Anne Nègre, Mélanie Place-Mezzapesa, Francine Rosenbaum

     

    • Genre : Essai/Revue
    • ISBN : 979-1097042202
    • Nombre de pages : 252
    • Format : 15,5 x 22 cm 
    • Prix : 18 €
  • Trump, la Chine et ses voisins

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    Ce matin a eu lieu la conférence Donald Trump face à la Chine. Rendez-vous pris au café Le Procope à Paris pour écouter et rencontrer notamment : Pascal Abb (chercheur au German Institute of Global and Area Studies), Emmanuel Dubois de Prisque (chercheur associé à l'Institut Thomas More), Yannick Mireur (directeur de Nexus Forum, politologue spécialiste des Etats-Unis) et Benoît de Tréglodé, (directeur de recherche à l'IRSEM). 

    Chacun a écrit un article dans le numéro 48 de la revue Monde Chinois. Dans l'éditorial co-signé Emmanuel Dubois de Prisque et Jean-Yves Heurtebise, il est indiqué "par coïncidence dont l'Histoire a le secret, le 9 janvier 2017, quelques jours avant l'investiture de Donald Trump décédait le philosophe juif polonais, naturalisé britannique, Zygmunt Bauman, qui dans son oeuvre démontra à quel point la société postmoderne qui est la nôtre est marquée par un brouillage de toutes les distinctions qui restaient fondatrices de la modernité". 

    Pour ma part, ce brouillage est très intéressant, car il est créatif. Il est comme le déséquilibre permanent de la marche. En ce sens, il nous fait revenir à ce que l'humanité a oublié d'elle-même : le nomadisme. 

    La revue se propose de résoudre une équation nouvelle "quel type d'influence l'administration de Trump pourra-t-elle exercer dans des pays situés dans la proximité immédiate de la Chine, où Pékin semble vouloir avancer ses pions de façon résolue, dans un contexte d'interrogations profondes sur la présence américaine ?"

    Ce sont en suite quinze articles qui sont proposés aux yeux du lecteur attentifs. Des articles pointus, longuement muris de recherches et de confrontations. Ce matin, quatre auteurs ont présenté les grandes lignas de leurs articles. Yannick Mireur propose une mise à plat explicite de la stratégie chinoise en mer de Chine afin de clarifier des enjeux commerciaux avec les Etats-Unis. Pascal Abb pose habilement la question de l'élection de Trump dans les yeux chinois. Résonne quelque part un "mais comment est-ce possible ?" Emmanuel Dubois de Prisque  propose un regard différent en partant de l'analyse de certains discours de Xi Jinping, il propose de s'interroger sur le côté législatif ancestral de la Chine. Cet aspect serait-il un empêchement pour la Chine d'avancer librement pour prendre la place de numéro un mondial ? Enfin Benoît de Tréglodé nous dessine la politique vietnamienne avec comme facteur la Chine. A-t-elle plusieurs possibilités ? Doit-elle valoriser ses échanges avec les États-Unis ou bien tenter un équilibre dangereux entre deux puissances ?  

    Evidemment, il ne faut pas résumer en une phrase ces interventions. Les articles proposent des éclaircissements sur une situation complexe. Chacun laisse la possibilité de s'interroger sur le rôle de l'Europe dans le futur équilibre du monde. 

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    Lors de la discussion, un invité soulève la question de la "critique" et pose comme équation que "la Chine n'aime pas être critiquée"... puis prend pour exemple des sujets du type "la censure, le Tibet, etc." et que "lors de sa visite, tous ses mails ont été lus"... 

    Nous sommes en France et à nouveau ces sujets...

    Pauvre pensée française... 

    Il est intéressant d'opposer déjà que l'ensemble de nos mails sont lus par Google, Facebook, etc. Que nos téléphones sont des espions formidables. Bref donc pas besoin d'être en Chine pour que nos messages soient vus. 

    Je vais ici davantage revenir à cette notion "d'esprit critique". Je ris, je ris, je ris... Sommes-nous capables de critiquer la France ou le pays d'où nous venons avec autant de force que lorsque nous évoquons la Chine ? 

    La réponse est non (voir mon article sur Shaoyo Liu)... 

    Pourquoi ? Car nous sommes, depuis notre tendre enfance, bercés dans une pensée occidentales. Celle-ci est faite d'hégémonie et donc de domination. Les occidentaux colonisent, dominent, domptent, imposent... Comme autour de cette table, finalement, les invités chinois n'ont pas pris la parole. Très peu, à la fin, certes. Mais reprenons, nous sommes, intolérants, voilà ce que nous sommes. Des donneurs de leçon. Je m'inclus, malgré moi, car j'appartiens à cette culture occidentale. Cette culture qui me limite, ferme mon regard. Cette culture dont je dois sans cesse repousser les limites pour voir autrement. 

    A chaque débat sur la Chine, il y a toujours cette crainte sous-jacente de la domination du monde par la Chine (voir mon article sur les craintes occidentales).

    C'est amusant, la Chine représente la plus vieille civilisation. Elle a tout vu, tout vécu, inventé mille techniques (que nous avons pillé par la suite)... et aujourd'hui, nous ne sommes pas capables de prendre des leçons de la Chine. A nouveau, au lieu d'écouter pour essayer de comprendre, d'appréhender, nous voulons imposer nos certitudes. Ne serions-nous pas devenus trop prétentieux ?

    Comment pouvons-nous croire que notre système de pensée est-il encore juste ? L'élection de Trump montre à quel point, nous sommes arrivés au bout de ce dernier. Il est à bout de souffle. Au lieu de nous asseoir pour en imaginer un de nouveau, nous souhaitons le poursuivre, le prolonger jusqu'à explosion complète de notre planète. Et le mieux, c'est que nous avons un coupable tout désigné en cas d'implosion de notre système : la Chine. 

    Cette pensée est bel et bien enracinée en tous les occidentaux. Le regard fixé contre l'ennemi. Là encore, j'insiste, nous devrions remercier Emmanuel Kant (pour sa leçon géographique de la philosophie), ou même les premiers jésuites venus en Chine pour la christianiser. Les difficultés qu'ils notèrent c'est qu'ils n'arrivaient pas à faire comprendre les concepts. Et oui, comment faire entendre une pensée enracinée à des esprits qui pensent mouvement, flux, système ?

    Des siècles plus tard, nous retrouvons les mêmes barrières. Les mêmes schémas mentaux. Sauf que comme à son habitude, la Chine écoute, cherche à intégrer, pendant que les occidentaux cherchent à imposer, un rythme, une pensée. D'un côté la Chine embrasse, pendant que l'Occident oriente, ferme, segmente. 

    Parler de la Chine c'est subsumer 56 ethnies, un territoire immense, varié. Donc, ne devrions-nous pas ouvrir nos yeux, nos oreilles et apprendre ? Pouvons-nous seulement appréhender une telle diversité ? 

    Pour qu'il y ait équilibre du monde, nous devons apprendre à voir autrement. A saisir le monde de façon plus poétique (dans le sens de son mouvement). Le monde est organique, vivant, mouvant...Il suffit de s'intéresser quelque peu à l'histoire de l'écriture chinoise, pour voir que la Chine l'a bien compris.

    Voilà ce que je retiens de cette rencontre : à nouveau notre rationalité doit être interrogée. Nous devons reconnaître les limites de notre culture, analyser nos propres défaillances. Ce n'est qu'à ce prix, que nous pourrons inventer un nouveau système inclusif, coxistentiel. Notre société ne sera réellement post-moderne que si nous acceptons de sortir de la modernité en re-formatant les lumières. 

     

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    Pour vous procurer la revue, rendez-vous sur le site des Éditions EKSA!