Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Rebelle - Page 2

  • Atomisé d’Andrew Fowler : un livre coup de poing qui révèle l’envers d’AUKUS

    Il y a des livres qui se contentent de commenter l’actualité. Et puis il y a ceux qui la bouleversent. Atomisé d’Andrew Fowler appartient à cette seconde catégorie.

    Ce journaliste d’investigation, déjà mondialement reconnu pour ses enquêtes sur Julian Assange et la criminalisation du journalisme, signe ici une déflagration éditoriale. Page après page, il démonte le récit officiel qui entoure l’accord AUKUS, ce pacte militaire entre l’Australie, le Royaume-Uni et les États-Unis, qui a balayé d’un revers de main le « contrat du siècle » conclu avec la France pour la construction de douze sous-marins conventionnels.

    La force du livre ? Andrew Fowler ne se contente pas de poser des questions. Il expose des faits, des noms, des documents. Il montre comment l’Australie, par calculs politiciens et par soumission à Washington, a troqué son indépendance stratégique contre une dépendance totale. Il révèle les manipulations, les pressions des services de renseignement, les jeux d’ombre qui ont piégé Paris, et surtout, il dévoile l’immense opération de désinformation orchestrée pour vendre à l’opinion publique une fuite en avant nucléaire à 368 milliards de dollars.

    À la lecture, une évidence s’impose : ce fiasco dépasse la seule Australie. Il concerne toutes les démocraties. Car Atomisé  pose une question brûlante : que reste-t-il de la souveraineté d’un peuple lorsque les choix les plus engageants sont décidés dans le secret, loin des citoyens, avec pour seul objectif de satisfaire des alliés plus puissants ?

    Clinton Fernandes, ancien officier du renseignement, le résume d’une formule : « un torpille nucléaire au service de la vérité ».

    Ce livre est fort parce qu’il est précis. Fort parce qu’il ose nommer les responsables. Fort (encore) parce qu’il nous oblige à regarder en face un monde où l’on maquille la dépendance en alliance et où l’on justifie l’escalade militaire au nom d’une sécurité illusoire.

    Atomisé  n’est pas un simple ouvrage d’enquête : c’est un acte de résistance intellectuelle. Il appelle les citoyens, en Australie comme en France, à ne pas accepter les récits fabriqués, à refuser la mise sous tutelle de la pensée critique.

    Un livre rare, nécessaire, et pour tout dire : rebelle.

    Andrew Fowler, La route de la soie - Éditions, livre, France, Australie, géopolitique, diplomatie, enquête, AUKUS, sous-marin, nucléaire,

  • Sans excuse : un roman comme lieu d’éveil philosophique

    Qu’est-ce qu’une gifle ? Un geste brutal, presque anodin dans l’histoire d’une vie, et pourtant fondateur. Dans Sans excuse, Christian Brûlard fait de ce geste inaugural la matrice d’un récit qui interroge ce qui construit un être humain : la mémoire des blessures, la quête de reconnaissance, le refus obstiné de se laisser enfermer.

    L’enjeu dépasse largement la chronique familiale. Ici, il s’agit de comprendre ce qui, dans l’intimité, façonne l’universel. La philosophie nous apprend que nous ne sommes jamais réductibles à nos souffrances. Hannah Arendt écrivait que « la natalité » — le fait d’être né — nous condamne à commencer sans cesse. Christian Brûlard semble dire la même chose par la littérature : même marqué par l’injustice, l’homme est appelé à inventer une suite.

    Le titre, Sans excuse, frappe par sa sécheresse. Il dit tout à la fois : qu’aucune violence ne se justifie, qu’aucun pardon automatique n’efface, mais aussi qu’il existe une dignité à ne pas chercher de prétexte. Être « sans excuse », c’est choisir d’assumer, de faire face, de ne pas déléguer sa responsabilité à un alibi. C’est une posture existentielle, presque camusienne.

    Le roman déploie alors une double trame : celle des corps qui encaissent, qui se heurtent au réel social, et celle des consciences qui s’éveillent à la possibilité d’une autre vie. La gifle initiale devient le point de départ d’une réflexion sur la liberté : comment se libérer de l’humiliation, de l’emprise, du déterminisme social ? Peut-être justement en refusant la facilité des excuses, en cherchant dans l’expérience nue la force de se relever.

    Christian Brûlard réussit ici ce que la philosophie ne peut parfois qu’esquisser : il montre dans le tissu concret des existences ce que signifie la lutte pour la dignité. Et, ce faisant, il redonne au roman sa vocation première : être le laboratoire où s’éprouve la vérité de l’humain.

    En refermant Sans excuse, une évidence s’impose : nous avons besoin de ces récits qui ne fuient ni la douleur ni la beauté, qui révèlent l’universel dans le tremblement singulier d’une vie. Non pour s’y réfugier, mais pour apprendre. Car la littérature, quand elle ose ce pari, devient philosophie incarnée.

    Christian Brûlard, livre, roman, sans excuse, la route de la soie éditions, récit, littérature, engagement,

  • Intra-Muros : l'art de rendre visible ce qui demeure en soi

    Il y a encore quelques semaines, Perpignan se consumait dans la lumière. L’exposition SUMMER, à la Galerie de la Main de Fer, portait ce soleil comme une matière. Des couleurs franches, des formes pleines, un monde sans secret.

    Et puis, le 29 août, la pluie est tombée. Une pluie fine, persistante, presque douce. Rue de la Révolution française, les pavés se sont mis à briller. C’est là que commence un autre voyage : Intra-Muros.

    Une vingtaine d’artistes sont réunis, non pas autour d’un thème, mais d’un espace. Un espace chargé. Chargé d’histoires, de mémoire, d’ombres et de lumière. L’intérieur. Mais qu’est-ce qu’un intérieur, aujourd’hui ? Est-ce encore un abri, ou un théâtre ? Est-ce ce lieu à soi que l’on préserve, ou celui que l’on expose à travers l’écran ?

    galerie de la main de fer,torcatis,intra-muros,exposition,art,perpignan,art contemporain,peinture,photographie,sculpture,Gérard Jan, Manolo Sierra, Corinne Tichadou, Nicolas Cussac, Olivier Diaz de Zarate, Alain Fabreal, Michèle Mascherpa, Manel Galia, Julien Laporte Magdalena Kopacz, Élia Pagliarino, Émilie Dumas, Nele Boudry, Yoyo Balagué, Nathalie Charrié, Alice Aucuit, Sonia Reveyaz, Jo Winter, Frédéric Kruczynski,Nele Boudry

     

    “Être chez soi” — un concept fissuré

    Heidegger écrivait que “l’habitation est la manière dont les mortels sont sur la terre”. Habiter ne signifie pas seulement se loger, mais faire monde avec un lieu. Or, aujourd’hui, ce monde-là est troublé. Nos intérieurs ne sont plus nos sanctuaires : ils sont photographiés, filtrés, partagés.

    Intra-Muros pose alors cette question presque vertigineuse : comment représenter ce qui, par essence, devrait demeurer caché ?
    Comment faire œuvre de ce qui nous constitue intérieurement — nos fragilités, nos rituels, nos héritages — sans trahir le silence, sans exhiber ce qui devrait rester nu ?

     

    Les artistes, entre dévoilement et pudeur

    Il ne s’agit pas ici d’un simple accrochage de scènes d’intérieur. Chaque œuvre est un en-soi ouvert, un fragment intime projeté dans l’espace public.

    Gérard Jan, dans un pastel saisissant, évoque les traversins de nos grands-mères. Il peint une matière, un souvenir, une densité affective. On les regarde et on plonge dans leur bleu, dans leur mémoire de corps s’enveloppant dans les draps pour se cacher du monde.

    Michèle Mascherpa grave la maison comme on imprime un souvenir sur la peau : lentement, profondément. Partout on y découvre ses petits mots, ses petites phrases qui nous appellent à une action ou à une contemplation. 

    galerie de la main de fer,torcatis,intra-muros,exposition,art,perpignan,art contemporain,peinture,photographie,sculpture,Gérard Jan, Manolo Sierra, Corinne Tichadou, Nicolas Cussac, Olivier Diaz de Zarate, Alain Fabreal, Michèle Mascherpa, Manel Galia, Julien Laporte Magdalena Kopacz, Élia Pagliarino, Émilie Dumas, Nele Boudry, Yoyo Balagué, Nathalie Charrié, Alice Aucuit, Sonia Reveyaz, Jo Winter, Frédéric Kruczynski,Nele Boudry

    Nicolas Cussac répète le motif du divan pour révéler ce qui, dans l’attente, fait vaciller nos certitudes. Assis ou couchés sur ce divan, notre vie défile à travers les objets que nous laissons là, parfois en désordre, parfois pas… Et pourquoi tout devrait-il être en ordre ? 

    galerie de la main de fer,torcatis,intra-muros,exposition,art,perpignan,art contemporain,peinture,photographie,sculpture,Gérard Jan, Manolo Sierra, Corinne Tichadou, Nicolas Cussac, Olivier Diaz de Zarate, Alain Fabreal, Michèle Mascherpa, Manel Galia, Julien Laporte Magdalena Kopacz, Élia Pagliarino, Émilie Dumas, Nele Boudry, Yoyo Balagué, Nathalie Charrié, Alice Aucuit, Sonia Reveyaz, Jo Winter, Frédéric Kruczynski,Nele Boudry

    Jo Winter sculpte des abris-noirs, totems d’humanité, entre verticalité sacrée et brûlure originelle. Ce sont des maisons à la fois refuge et lieu d’enfermement. 

    Élia Pagliarino, avec sa Balise de Bloomsbury, rend hommage à Une chambre à soi de Virginia Woolf. Un hommage à l’espace que les femmes s’arrachent pour penser, écrire, exister.

    L’intérieur, entre espace mental et image publique

    Tout est là : dans cette tension entre l’intérieur et l’extérieur. Comme l’écrit Byung-Chul Han, notre époque est celle de la “transparence”. Tout doit être visible, tout doit être montré. Mais l’intime ne se livre pas sous la contrainte. Il résiste. Et c’est dans cette résistance que naît l’art.

    Intra-Muros ne prétend pas révéler les secrets. Cette exposition écoute les silences. Elle ouvre les portes — mais ne force jamais les verrous.
    Les œuvres ici parlent doucement. Elles prennent le temps d’être regardées. Elles demandent une attention rare. Les œuvres ne représentent pas seulement des pièces, des objets, des coins de maison, elles invoquent des états intérieurs. L’intérieur devient ici un espace psychique, une topographie du moi.

    Chez Manolo Sierra, les fragments architecturaux s’entrechoquent. Des intérieurs explosés, recomposés, comme si le foyer ne tenait plus tout à fait debout. Un bureau posé devant un mur, et pourtant cette fenêtre sur le ciel nous rappelle que l’on peut s’évader même du vide.
    Émilie Dumas, elle, creuse la perspective pour faire surgir des lignes de fuite, des points de tension. Elle ouvre une fenêtre là où il n’y en a pas, creuse une échappée dans le mur. Une échappée mentale.
    Et Corinne Tichadou, dans sa toile Après la pluie, suspend le regard d’un personnage vers un ailleurs invisible. Une tête de chèvre veille dans le décor. Rien n’est clair, mais tout est chargé — de sens, de mythe, d’interrogation.

    Face à ce foisonnement silencieux, on repense à Gaston Bachelard : “La maison est notre coin du monde. C’est notre premier univers.” Mais que faire, lorsque ce premier univers devient instable, fragmenté, surexposé ? Peut-être que l’art est ce qui nous permet de recomposer un intérieur symbolique, à hauteur d’âme.

     

    Dans une époque où l’on vit sans cesse hors-sol, où l’algorithme décide de ce que nous voyons, Intra-Muros rappelle que regarder prend du temps, que ressentir demande une attention fine. C’est une exposition qui ne hurle pas. Elle chuchote. Elle déplie. Elle accompagne.

     

    La galerie elle-même comme espace intérieur

    Mais ce qui frappe aussi dans cette exposition, c’est que la galerie elle-même devient un intérieur. Ce n’est pas un simple lieu d’accrochage. C’est le lieu d’un regard.
    Celui de Géraldine Torcatis, directrice de la Galerie de la Main de Fer, qui depuis plusieurs expositions affirme une ligne claire : une figuration sensible, incarnée, narrative, toujours ancrée dans une quête de vérité.

    galerie de la main de fer,torcatis,intra-muros,exposition,art,perpignan,art contemporain,peinture,photographie,sculpture,Gérard Jan, Manolo Sierra, Corinne Tichadou, Nicolas Cussac, Olivier Diaz de Zarate, Alain Fabreal, Michèle Mascherpa, Manel Galia, Julien Laporte Magdalena Kopacz, Élia Pagliarino, Émilie Dumas, Nele Boudry, Yoyo Balagué, Nathalie Charrié, Alice Aucuit, Sonia Reveyaz, Jo Winter, Frédéric Kruczynski,Nele Boudry

    En réunissant ces œuvres autour de l’espace domestique, Géraldine Torcatis donne à voir son propre regard : un regard qui interroge le monde depuis ses marges, qui fait de l’intime une force politique et poétique.
    Intra-Muros n’est pas seulement le titre de l’exposition : c’est le dévoilement même d’un intérieur curatorial.
    Un intérieur rigoureux, subtil, construit avec attention, où chaque œuvre choisie raconte quelque chose de cette vision singulière de l’art contemporain : un art qui cherche le vrai, sans bruit, sans fard, sans cynisme.

     

    Et nous, que montrons-nous de notre chez-soi ?

    Chacun ressort de cette traversée avec ses propres résonances. Un objet, une lumière, une matière éveille en nous une chambre, un souvenir, une blessure peut-être. Et on se demande : que dit mon intérieur de moi ? Que donne-t-il à voir ? Et que cache-t-il ?

    Dans un monde qui exige que tout soit montré, Intra-Muros affirme avec force que ce que nous avons de plus précieux résiste à la lumière crue. Et que l’art, parfois, est cette nuit douce où l’on peut regarder sans être vu.

     

    galerie de la main de fer,torcatis,intra-muros,exposition,art,perpignan,art contemporain,peinture,photographie,sculpture,Gérard Jan, Manolo Sierra, Corinne Tichadou, Nicolas Cussac, Olivier Diaz de Zarate, Alain Fabreal, Michèle Mascherpa, Manel Galia, Julien Laporte Magdalena Kopacz, Élia Pagliarino, Émilie Dumas, Nele Boudry, Yoyo Balagué, Nathalie Charrié, Alice Aucuit, Sonia Reveyaz, Jo Winter, Frédéric Kruczynski,Nele Boudry

     

    INTRA-MUROS
    Galerie La Main de Fer
    Du 29 août au 31 octobre 2025
    2 rue de la Révolution française, Perpignan
    www.galerielamaindefer.com



  • « Le Livre de Plume » : une odyssée des esprits libres — pour éclairer nos nuits

    Le livre de plume, route de la soie, éditions, vincent Robin-Gazsity, Contes et légendes d’Eurasie de la nuit des temps à l’ère post-CovidJ'aime les livres qui déplacent les lignes et réveillent les cartes. Avec Le Livre de Plume – Contes et légendes d’Eurasie de la nuit des temps à l’ère post-Covid de Vincent Robin-Gazsity, nous tenons une fresque vagabonde qui traverse mythes, steppes et archives pour retisser une histoire du monde où l’Orient et l’Occident se répondent, se frottent, se contredisent — et s’engendrent. Un livre pour penser large, respirer loin, et chercher la lumière sans renier l’ombre.

    Tout commence « un peu avant la nuit des temps » : cosmogonies comparées (Brahmâ, l’œuf grec, la Voie chinoise) et pédagogie de l’inconnu, comme un prologue qui installe le lecteur dans l’obscurité afin qu’il y voie mieux. L’auteur embraye aussitôt sur la légende de Bördo le loup, ancêtre vif comme le vent, qui dresse un épervier et apprend à vivre « debout » — déjà une politique de l’émancipation. Cette entrée lance une généalogie itinérante qui file de la steppe jusqu’aux murs des empires.

    De l’autre côté du mur, Souen, fille de la steppe, captive, est instruite par le duc de Zhou : musique, rites, « classique des transformations » — l’éducation comme alchimie intérieure. La scène dit tout : la culture n’est pas l’apanage d’un camp, elle circule, transforme, contredit les violences qui la portent.

    Suit un chapelet d’épisodes qui mêle chronique et épopée : Qorcï et l’incendie de Maracanda (Samarkand), Zhang Qian — l’ambassadeur‐passeur des Han — qui épouse Ida la Xiongnu et ouvre des routes que d’autres nommeront « de la soie », puis l’arrivée de Lushi, princesse chinoise qui, par un geste à la fois sacrilège et généreux, transplante secrètement œufs de bombyx, graines de mûrier et savoir-faire vers Khotan — innovation comme acte de dissidence.

    Plus tard, la marée des Huns gagne l’Europe : Bela, Réka, puis Attila, la Puszta, la capitale de bois aux « neuf enceintes » — autant de motifs pour penser l’identité comme agrégat mouvant plutôt que comme bloc. Le chapitre sur les moines et nonnes convoque Bodhidharma et le Chan/Zen : « il n’existe rien à connaître, rien à chercher » — autrement dit, désapprendre pour mieux voir.

    Pourquoi ce livre parle à notre présent

    Défaire les frontières mentales. Ici, l’histoire est une houle où les « barbares » enseignent, les « civilisés » pillent, et où l’on apprend des vaincus autant que des vainqueurs. Toute lecture qui fissure les essentialismes nous arme pour l’ère des murs et des algorithmes.

    Politique de la transmission. De Souen au duc de Zhou, de Lushi à Khotan, de Zhang Qian aux Wusun, l’ouvrage montre que la connaissance voyage par des corps (souvent féminins), des rituels, des amours, des trahisons — pas seulement par des traités.

    Éthique de la lumière. La lumière ne chasse pas l’ombre : elle négocie avec elle. La soie naît d’un cocon dissous ; le Zen sort d’un « pas connaître ». L’auteur nous invite à supporter l’incertitude pour sortir des réflexes d’après-crise — une ascèse post-Covid en creux.

    Femmes-pivots, savoirs vivants

    La force du livre tient à ses figures féminines — Souen, Lushi, Ida, Réka — qui déplacent l’intrigue et reconfigurent les flux (éducatifs, techniques, politiques). Loin des silhouettes décoratives, elles négocient avec les institutions(gynécée, palais, clergés), et arrachent des possibles : soustraire un savoir au monopole (la soie), convertir la musique en puissance d’ordre, subvertir les rites en outils d’auto-défense.

    Une poétique du tissage (et un art de la preuve)

    Robin-Gazsity écrit en conteur : ampleur orale, humour discret, images nettes. Il tisse mythe, archives, et micro-récits, cite Sima Qian, Quinte-Curce, Aurel Stein à l’intérieur même de la fable — un procédé risqué mais fécond : la fiction se donne ses sources et interroge la vérité qu’on fétichise. Résultat : une histoire-caravansérail où la preuve est une halte, pas un tribunal.

    Ce qui dérange (et c’est tant mieux)

    La violence comme moteur. Pillages, esclavages, décapitations : la civilisation avance souvent sale. Le livre n’aseptise pas — il nous oblige.

    La généalogie infinie. Ces parentèles à rallonge peuvent étourdir ; mais c’est le prix de la dé-nationalisation du regard : on sort du roman national pour entrer dans la forêt des filiations.

    À retenir — pour nos Lumières d’aujourd’hui

    Apprendre, c’est voyager — en corps, en langues, en rites.

    La lumière est relation : elle circule, se contredit, se réinvente.

    La liberté suppose du courage conceptuel : accepter de « ne pas connaître » pour déplacer ses certitudes.

    Un livre-route, lumineux et insoumis, qui élargit la pensée en décentrant l’Histoire. À lire pour désengluer l’esprit et remettre nos débats à l’échelle des steppes et des siècles.

    Pour qui ? Lecteurs et lectrices qui aiment l’essai narratif, la philosophie en mouvement, les histoires mondiales sans pancartes.
    Pourquoi maintenant ? Parce que l’époque érige des murs : ce texte rappelle que la connaissance passe par des brèches — et que l’on peut choisir de les ouvrir.

    Le livre de plume, route de la soie, éditions, vincent Robin-Gazsity, Contes et légendes d’Eurasie de la nuit des temps à l’ère post-Covid