En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.
Des années de luttes intellectuelles, de combats de rue, de mises en évidence ne suffisent pas à passer d'une égalité de droit à une égalité de fait. C'est donc bien que quelque chose demeure dans notre manière de percevoir l'égalité qui ne colle pas avec notre perception du monde.
Mathématiquement, nous savons que deux grandeurs sont égales quand elles ne diffèrent en rien. En revanche, pour nous, les êtres humains, l'égalité signifie que nous avons un attribut en commun "notre humanité" au regard duquel nous devons être traités de façon identique. Que nous soyons grands ou petits, femmes ou hommes...
Quand on le dit, quand on l'énonce, rares sont ceux qui vont vous répondre qu'ils sont contre cette idée. Il y a donc une convenance intellectuelle à être pour l'égalité. Cependant, il suffit de lire le Rapport sur les inégalités en France (2021) publié par l'Observatoire des inégalités pour comprendre que l'égalité de traitement des être humains est loin d'être acquise.
C'est en partant de ce constat et des levées de bouclier face à ses combats pour établir une égalité de fait que Anne Bergheim-Nègre s'est plongée dans la rédaction de son essai Histoire de l'inégalité entre les femmes et les hommes.
Elle réussit à nous entraîner au coeur de notre culture, elle est allé chercher le lieu même où s'enracine notre culture des inégalités. En décortiquant l'histoire, les textes religieux avec malice, Anne Bergheim-Nègre, nous fait prendre conscience de l'envers de notre pensée pour l'égalité. Elle met en évidence notre incapacité à se défaire de nos récits anciens, si imbriqués dans notre cognition que nous finissons par ne plus avoir la capacité de nous en détacher. Nous finissons donc par nous accommoder de fragment d'égalité. Or ce morcèlement de l'égalité n'a rien de bon, il fait vivre encore plus fort les inégalités.
Si nous regardons de plus près nous voyons que dès la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen (de 1789) cette séparation des égalités entre de fait et de droit est affirmée "les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits". Cette précision est importante et est confirmée par l'article 6 " La loi est l'expression de la volonté générale, tous les citoyens ont droit de concourir, personnellement ou par leurs représentants, à sa formation ; elle doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse. Tous les citoyens étant égaux à ses yeux sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics selon leur capacité, et sans autres distinctions que celle de leurs vertus et de leurs talents". Nous pourrions questionner le mot "vertus" ici car là encore ce texte, nous el savon s'adresse à des hommes pour des hommes (et non le "h"n'est pas une majuscule et n'englobe pas les femmes).
Donc Anne Bergheim-Nègre remonte le temps historique, elle nous fait découvrir les rouages de cette affirmation de l'égalité des hommes et de leur domination sur les femmes. Elle montre le prisme cultuel et culturel qui ont mis en oeuvre cette domination dont nous ne nous satisfaisons pas, mais avec lesquels nous avons appris à vivre. Elle met en évidence que déjà dans la manière dont on nous enseigne la préhistoire on retrouve ce récit de domination (rejoignant ainsi les travaux de Marylène Patou-Mathis ou encore ceux de Marija Gimbutas).
Anne Bergheim-Nègre met en évidence combien les transformations des structures des états a toujours été menées au profit des hommes (voir notamment le chapitre sur Napoléon Bonaparte). Cependant, loin de nous pousser à croire que l'égalité est impossible, elle met en évidence toutes les luttes menées, tous les combats, une longue marche vers une égalité encore possible. On y lit l'aspiration sociale. Qu'elle soit portée par quelques-unes ou par un grand nombre c'est cette aspiration qui pousse vers l'égalité dans les faits.
En d'autres termes, l'égalité des droits, ne peut pas être purement formelle et illusoire. La question est de savoir si elle ne doit pas reposer sur des moyens identiques et à la limite sur l'égalité effective des conditions sociales ? C'est sans doute là un idéal égalitariste. Et pourquoi pas ? C'est bien ce dont nous avons besoin pour poser les jalons d'une société égalitaire pour un futur en commun ! Particulièrement dans la sphère numérique...
Paradoxe de notre époque, des manifestations sont autorisées, mais les manifestants empêchés de se regrouper ? Les rues coupées, les groupes de manifestants se retrouvent coincés à différents endroits... La colère des camps monte... Et pourtant il n'est pas midi, quand je prends, au vol, cette image.
Il faut donc situer notre époque : pandémie (un peu plus d'un an), manifestations des gilets jaunes, tous les samedis (presque trois ans)... sans oublier les manifestations des soignants (pour demander des moyens pour les hôpitaux, depuis des années), les manifestations contre le changement des régimes de retraite... les manifestations des enseignants... Notre époque est en colère, notre époque crie... Mais qui l'entend ?
J'ai arpenté de nombreuses manifestations, j'ai suivi des mouvements de foule, j'ai essayé de comprendre les discours, d'entendre les revendications. Elles sont multiples : tantôt familières, tantôt singulières, parfois très éloignées du réel. Et toujours, je repense à Gustave Le Bon et à sa Psychologie des foules.Chaque individu en foule a ses présupposés, ses certitudes, mais la foule, elle, porte un autre message. Encore plus aujourd'hui par la médiatisation permanente. Au final, qui veut faire dire à une foule l'inverse des messages portés par les individus qu'elle contient, c'est possible... C'était déjà le cas à l'époque de Gustave Le Bon... alors aujourd'hui... Mais alors pourquoi tant de manifestations et tant de répressions des manifestants ?
Les mots de Nietzsche reviennent en force : "l'État est le plus froid des monstres froids. Il ment froidement ; et voici le mensonge qui s'échappe de sa bouche : “Moi l'État, je suis le peuple“" . Ainsi parlait Zarathoustra.
Qu'est-ce que la violence ?
Le mot en lui-même fait son apparition au XIIIe siècle et signifie "par la force". C'est par la force que l'on obtient des aveux, des conditionnements... La violence est donc assimilée à un certain de degré de force : "vent violent", "film violent"... Paradoxalement la boxe, ou les arts martiaux engagent de la force, et le corps à corps et pourtant ils ne sont pas qualifiés de "sports violents".
La violence, selon Aristote, apparaît dès que l'on contrarie la tendance naturelle d'une chose. Ainsi en va-t-il par exemple d'une pierre que l'on jette vers le haut. Aussi, par analogie, nous pourrions dire que si nous admettons que tout être humain a la capacité de se déterminer lui-même, alors, il y a violence d'ès qu'on use de contrainte sur lui pour infléchir sa volonté. Mais une telle définition ne nous conduit-elle pas à confondre la violence avec la force et donc à reconnaître l'existence même d'une anarchie nécessaire ?
Ne nous faut-il circonscrire la définition de la violence avec les mots de Julien Freund comme étant une "explosion de puissance qui s'attaque directement à la personne et aux biens des autres en vue de dominer soit par la mort, par la destruction, la soumission ou la défaite" ? Ainsi définit la violence se limite aux actes de violence. Freund montre ainsi que peuvent exister des "situations de violence" dues aux violences latentes (institutionnelles ou situationnelles).
Étymologiquement, la violence est liée à la force (vis) et elle l'est sémantiquement au "viol" (faire violence).
En d'autres termes, la violence pourrait être définie comme ce qui porte atteinte à notre intégrité par le moyen de la force. Cela revient à détruire notre capacité d'agir (cf. Ricoeur, Soi-même comme un autre).
En réalité, que l'origine de la violence soit située dans un instinct d'agressivité (cf. Konrad Lorenz), ou dans les conflits liés aux intérêts économiques (cf. Marx), ou dans l'extériorisation d'une pulsion de mort (cf. Freud), nous devons regarder la violence sous deux angles : celui politique et celui philosophique.
Politique & violence
La violence est indéniablement un élément de la conquête et de l'exercice du pouvoir. Cependant Machiavel a bien montré que son efficacité ne réside pas dans l'usage de la force nue (écoutez l'émission de France Inter sur ce sujet).
Pour Machiavel, le prince (celui qui détient l’autorité politique) doit user de tous les moyens nécessaires à la réalisation de ses objectifs : selon une phrase qui lui est injustement attribuée, « la fin justifie les moyens ».
Le prince doit conserver le pouvoir autant qu’il peut ; il peut ainsi user de la force, de la ruse, de la violence ou dissimuler pour y parvenir, le but étant d’être efficace afin de parvenir le plus rapidement possible à ses fins. Le mal est donc un instrument nécessaire en politique.
Selon Machiavel, la meilleur méthode pour arriver au pouvoir consiste en la création de discours autour de mises en scène. Le prince peut également utiliser la religion pour prendre le pouvoir et contraindre son peuple.Machiavel ne voit pourtant pas dans la religion le fondement du pouvoir (qui vient de la force). La politique n’est donc qu’une stratégie, tout étant fondé sur un rapport de force, entre le pouvoir, les rivalités et les conquêtes. Comme une guerre, le jeu politique doit se mettre en place avec une certaine habileté. L'État donc utilise la force pour faire passer des lois pour le "bien" du peuple.
Clairement Machiavel montre que le prince cherche à modifier l'ancien modèle de pouvoir afin de stabiliser le sien. C'est donc une modification totale du système qui doit s’opérer : les habitants devront rebâtir les villes et s’adapter. Une citation pour finir sur le système "Machiavel" : “Gouverner, c'est mettre vos sujets hors d'état de vous nuire et même d'y penser.” (cf. Le Prince).
Attention, cependant, la violence de l'État n'est pas légitime. Selon Max Weber : "un État est une communauté humaine qui revendique le monopole de l'usage légitime de la force physique sur un territoire donné". L'État dispose donc d'un outil que les autres n'ont pas c'est la contrainte pour faire respecter des règles, des lois, le droit...
Pour Max Weber, si l'État a ce monopole de la violence ou de la contrainte, c'est qu'il a su s'en faire reconnaître comme le seul agent légitime.
Nous pourrions lui opposer la vision d'Hannah Arendt "être politique, vivre dans une polis, cela signifiait que toutes choses se décidaient par la parole et la persuasion et non par la force ni la violence". Une telle société est-elle tenable ? L'idéaliste que je suis réponds doublement oui... Mais la philosophe peut-elle suivre ce même raisonnement ?
Violence & Philosophie
Ainsi posée comme sous-rubrique, nous pourrions presque croire que la philosophie est une violence. C'est une joute conceptuelle entre des arguments contraires qui nous est nécessaire pour mieux comprendre le monde (et nous défaire de notre encombrant ego et de ses mauvaises habitudes).
Faut-il dès lors, être comme Calliclès et défendre la violence ? " Certes, ce sont les faibles, la masse des gens, qui établissent les lois, j'en suis sûr. C'est donc en fonction d'eux-mêmes et de leur intérêt personnel que les faibles font les lois, qu'ils attribuent des louanges, qu'ils répartissent des blâmes. Ils veulent faire peur aux hommes plus forts qu'eux et qui peuvent leur être supérieurs. C'est pour empêcher que ces hommes ne leur soient supérieurs qu'ils disent qu'il est vilain, qu'il est injuste, d'avoir plus que les autres et que l'injustice consiste justement à vouloir avoir plus. Car, ce qui plaît aux faibles, c'est d'avoir l'air d'être égaux à de tels hommes, alors qu'ils leur sont inférieurs. (...) Si le plus fort domine le moins fort et s'il est supérieur à lui, c'est là le signe que c'est juste." (cf. Platon, Gorgias, 483b-484a).
C'est un peu ce que l'on retrouve chez Nietzsche qui écrit "vivre c'est essentiellement s'approprier, blesser, subjuguer l'étranger et le faible, l'opprimer, être dur, lui imposer nos formes propres, l'incorporer et au moins - au minimum- l'exploiter" (cf. Par-delà le bien et le mal).
Pour Derrida, la violence est inhérente à la construction des états. "Tous les États-nations naissent et se fondent dans la violence. Je crois cette vérité irrécusable. Sans même exhiber à ce sujet des spectacles atroces, il suffit de souligner une loi de structure : le moment de fondation, le moment instituteur est antérieur à la loi ou à la légitimité qu’il instaure. Il est donc hors la loi, et violent par là-même". Cette violence commence par le discours lui-même. Il faut se faire violence pour reconnaître et désigner l'ennemi par le discours.
Cependant le langage n'est-il pas la clef pour exclure toute violence ? Avec Socrate, nous pouvons faire le choix du dialogue raisonnable avec autrui. En raison de ce qui nous est commun, nous pouvons établir le dialogue, essayer de se comprendre mutuellement. On retrouve aussi cette posture chez Emmanuel Levinas, à partir du moment où nous reconnaissons en autrui un être radicalement différent de nous-même, alors nous sommes dans une posture de respect. L'autre désigné comme tel est autant démuni et vulnérable que nous. C'est précisément cette reconnaissance qui nous fait sortir de la violence, à savoir la volonté s'assujettir l'autre.
Ce que nous pourrions conclure de tout ceci c'est que l'organisation sociale ne peut qu'interdire le déchaînement de la violence. Et si elle le fait c'est qu'elle le confisque à son profit. Nous retombons ainsi sur notre paradoxe : la création d'une violence officielle, légitimée par la nécessité de maintenir l'ordre social. Pour désamorcer la violence, il nous reste la pensée de Vladimir Jankélévitch : "c’est la force qui s’oppose à la faiblesse. La violence elle, s’oppose plutôt à la douceur ; la violence s’oppose si peu à la faiblesse que la faiblesse n'a souvent pas d'autre symptôme que la violence ; faible et brutale, et brutale parce que faible précisément ….» La violence serait-elle une force faible ?
Évidemment, il ne fallait pas que je tombe sur cette vitrine. Et, comme, nous sommes dans l'époque du "en même temps", nous dirons que la vie est bien faite, quand même. N'est-ce pas là un fabuleux sujet ou objet de la rentrée 2021 ?
Il y a tellement à dire que je ne sais plus très bien par où commencer ? Mais nous allons prendre un à un les éléments leurs polysémies, leurs détournements, de sens, ou même leur absurdité...
Génération IKKS
Alors évidemment, comme je suis "vieille", je prononce I.K.K.S, mais ce n'est pas du tout comme cela qu'il faut l'entendre ! Il faut dire "X"...
Génération X ou IKKS comme on peut l'entendre et surtout le voir à 0,03 secondes dans le spot publicitaire "Nous sommes la GENERATION IKKS".
Mais qu'est-ce que cette génération en majuscules ?
Étymologiquement, le mot "génération" désigne ceux qui vivent à la même époque (voir la fiche du CNRTL).
Cependant, selon la marque, être la génération IKKS c'est :
" Nous sommes la génération IKKS. Ceux qui ont choisi d’être des esprits libres, parmi les esprits résignés. Ceux qui ont choisi de ne plus obéir à l’absurdité, et de rester légers quand tout devient lourd. Nous sommes la génération qui va devoir réparer le monde ancien, pour laisser un monde meilleur à nos enfants, Qui seront comme nous. La génération IKKS."
Séduisant, n'est-ce pas ? Afin de pousser la séduction plus loin, le message a son égérie : Lou Doillon. Comme le souligne le magazineGala qui note "Autour d’une team ultra transgénérationnelle venue incarner cette génération IKKS si affranchie, un visage bien connu des français et des aficionados de la maison".
Attention, car le site TF1 Pub, nous explique que le spot publicitaire "Conçu par Jésus et Gabriel, l’agence de publicité d’IKKS, et réalisé par Bonasia et Narcisi (production Bandits), le spot nous rappelle qu’à l'origine IKKS voulait dire "x" en phonétique et que les valeurs de la génération "x" transcendent les âges."
Mais alors reprenons, ce qui doit ici être analysé : les erreurs de sens, ou plus exactement les fausses promesses (pour ceux qui ne connaissent pas le marketing, il y a bel et bien une "promesse" dans les stratégies marketing et publicitaire - voir le site des définitions marketing).
"Nous sommes la génération IKKS" ou donc "X" - Quel est donc ce "Nous", vous ou moi ? Dire "nous", c'est assimiler tout le monde... Mais c'est étrange de vouloir subsumer ainsi une telle différence, car une génération partage une époque, ou du moins, un temps précis. Pas nécessairement une marque, à moins que l'on cherche ici, de façon subtile, à faire entendre que la marque IKKS passe de génération en génération (c'est d'ailleurs la fin de la publicité "Qui seront comme nous. La génération IKKS.")... Là, nous pouvons voir que tout ceci est très éloigné de la définition de la génération X...
Génération X ou IKKS ?
Revenons à la classification de William Strauss et Neil Howe (cf. Millennials Rising : The Next Great Generation, New York, Vintage,
Petites explications sur cette Génération X. Située juste après les baby-boomers de l'après deuxième Guerre Mondiale. Cette génération émerge au moment du déclin social, de la mondialisation de l'économie et la fin de l'impérialisme colonial. Les mutations économiques et sociales des années 1980 puis 1990, entraînent une crise de l'emploi (moins d'emplois stables, dévalorisation des diplômes, etc.).
Sans oublier que le "X" est le signe aussi du déclin de l'environnement et de l'augmentation de la pollution (marrée noire, pollutions nucléaires...).
Génération, de ce fait, nomade, pour laquelle rien n'est impossible... car finalement elle a connu les conquêtes spatiales, l'émergence d'internet... Elle a également refusé les discours religieux, ou du moins questionné les croyances... Face à tout cela, émerge la contre-culture... Et par contre-culture, il faut entendre les mouvements Punk, le Street-art, le Grunge, une littérature plus trash, plus affranchie qui casse les codes... pour ceux qui aiment les expériences, il faut écouter, par exemple : The Cure, Nirvana ou Vision of Disorder ... Bref la Génération X n'est pas la Génération d'une marque... Mais poursuivons...
Qu'est-ce qu'un esprit libre ?
Deuxième phrase qui décrit cette "génération IKKS" : "Ceux qui ont choisi d’être des esprits libres, parmi les esprits résignés".
Même si je comprends cette image, je me demande ce qu'est un "esprit résigné" en ce début de XXIe siècle... Est-ce celui (ou celle) qui n'a pas d'autres choix que la pratique de plusieurs petits boulots pour payer son loyer ou son prêt ? Est-ce celui (ou celle) qui se lève tous les jours pour travailler en horaires décalés ? Est-ce celui, qui après avoir manifesté pendant des années, obtient une augmentation des tarifs du gaz, de l'essence après un gel de quelques mois ? Et il y a mille autres exemples...
C'est là où l'on se dit, qu'en fait, il s'agit bien d'une génération IKKS et non X, car au passage, la génération X est bien énervée et a bien sous tension (volontairement ou non) tous les gouvernements (que ce soit par les arts, par sa liberté de ton, par son refus d'appartenance, par ses pratiques...)...
Mais revenons au plus important : "l'esprit libre". Bien que nous puissions nous demander si cela est possible à un esprit d'être libre (d'une part parce qu'il est enfermé dans une boîte crânienne et d'autre part parce qu'il obéit à des schémas physiologiques et psychologiques), nous devons nous référer à ce que signifie cette expression.
Initialement, c'est l'Inquisition qui désigne, par "Libre-esprit" un courant de pensée qui se répand à travers l'Europe. L'esprit est libéré du superflu et put ainsi se consacrer à Dieu... Rappelons que l'Inquisition est un "tribunal" créé au XIIIe siècle par l'Église catholique et relevant du droit canonique dont le but est de combattre toute forme d'hérésie. En d'autres termes soit vous respectiez les dogmes de l'Église soit vous receviez une peine variant de simples peines spirituelles (prières, pénitences) à la confiscation de tous vos biens ou encore à la peine de mort.
Il faut attendre Nietzsche pour que la notion "d'Esprit libre" désigne un esprit dégagé de tout préjugé. Le Freigeist de Nietzsche se trouve au chapitre II de son ouvrage Par delà le bien et le mal. Notons, cependant, que Nietzsche dénonce l'illusion du libre-arbitre, né d’une interprétation erronée de la psychologie humaine liée à l’emprise de la morale chrétienne sur la civilisation moderne. La liberté est alors une lutte de soi à soi pour déconstruire son savoir, ses émotions...
Vous voyez le paradoxe, comment pouvons-nous être libres si nous sommes IKKS (une marque donc) ? Finalement n'est-ce pas être résigné que de porter des vêtements avec des slogans de liberté, ou encore avec des slogans du type "je fais ce que je veux" ou "laissez-moi faire ce que je veux" en anglais car cela passe mieux...
Petite citation de Nietzsche pour nous remettre de cette émotion "Si les esprits libres ont raison, les esprits serfs ont tort, peu importe que les premiers soient arrivés au vrai par immoralité, que les autres, par moralité, se soient jusqu'ici tenus au faux. - Au reste, il n'est pas de l'essence de l'esprit libre d'avoir des vues plus justes, mais seulement de s'être affranchi du traditionnel, que ce soit avec bonheur ou avec insuccès. Pour l'ordinaire toutefois il aura la vérité de son côté, ou du moins l'esprit de la recherche de la vérité : il cherche, lui, des raisons, les autres une croyance" (Humain, trop humain, I §225).
Je tiens à rassurer la marque IKKS, vous n'êtes pas la seule, à en vouloir à cette liberté, à ce doux miroir de l'esprit libre... Attention, 2021 vient avec son lot de liberté (paradoxale puisque commerciale) : le Club Med a lancé en mai 2021 son "esprit libre", la BNP a aussi ses formules "esprit libre", etc. Il y a même des thérapies, des coaching, des team-building... Bref du vide, du creux en somme...
"Ne plus obéir à l'absurdité" :
Mais oui que ce morceau de phrase est génial. J'adore ! (comme Dior, nan je plaisante). Si j'étais devenue une fan de Heidegger, je vous dirai que "ne plus obéir à l'absurdité" de notre existence, c'est en avoir fini avec le Dasein, àsavoir l'être-là pour la mort ! Ce serait génial : finie la mort... une vie éternelle à baigner dans le consumérisme, avec le confort des marques pour se rassurer. C'est un peu comme cela que j'interprète cette phrase "Ceux qui ont choisi de ne plus obéir à l’absurdité, et de rester légers quand tout devient lourd."
"Quand tout devient lourd" ? Qu'est-ce que cela signifie ? Notre monde est-il trop triste ? Face à cette tristesse, "soyons légers" car tout est foutu ? Oui "soyons légers" parce qu'il faut "s'en foutre". C'est vrai que notre actualité n'est pas top : les femmes à Kaboul, les attentats, les réfugiés climatiques, l'environnement, la pollution, la fin des ressources... Mais restons légers "consommons" donc sans nous poser de questions... Car c'est bien là que se referme le piège de l'attention.
Au fait, IKKS ? Vous fabriquez vos vêtements en France ? Vous évitez les polluants ? Vous n'exploitez personne ? Et votre entreprise est-elle le symbole de l'égalité salariale ?
"Pour laisser un monde meilleur à nos enfants"
Je vous cite, à nouveau "Nous sommes la génération qui va devoir réparer le monde ancien, pour laisser un monde meilleur à nos enfants"... Donc dans ce "nous" globalisant, la génération IKKS va "réparer le monde ancien". Belle intention mais dans le faits ?
Initialement, vous étiez bien une marque française, fondée, en 1987, dans un village à la Séguinière, par Gérard Le Goff. Pendant plusieurs années, vous avez intégré le groupe Zannier. Puis en 2015, vous êtes vendu au fonds White Knight de Lbo France un des premiers acteurs français du prêt-à-porter moyen/haut de gamme avec une diffusion large : magasin, corners et revendeurs multi-marques (voir l'article des Échos).
Personnellement ce qui m'amuse, c'est de découvrir grâce au Guide des marques, qu'initialement Gérard Le Goff voulait appeler sa marque "X", ce qui risquait d'être un peu gênant (le X ou la classification de la pornographie). Enfin bref, pourquoi un tel retour sur les origines de la marque ? Après être noyée, il faut la distinguer des autres comme The Kooples ou autre ?
"Pour laisser un monde meilleur à nos enfants" il faudrait déjà arrêter de les prendre pour des cons et leur donner la possibilité de s'ouvrir à l'esprit critique. Cela permettrait sans doute de "réparer le monde ancien" et de gagner à être des "esprits libres" ou plus exactement "libérés" d'une charge mentale faite de débilités sans nom... Bref un peu de sémiologie et d'éthique publicitaire seraient les bienvenues ! Car c'est cela, avant tout, la génération X...
Un jour, nous aurons à justifier notre incapacité à accueillir et à défendre les droits humains... Migrer n'est pas nécessairement un choix. C'est même, souvent l'inverse. C'est une obligation pour défendre sa vie, pour espérer avoir un toit et vivre dignement tout simplement. Nous n'imaginons pas ce que ces adultes mais aussi ces mineurs (dits isolés) ont traversé. Les nuits sans sommeil, l'absence de nourriture, la violence des passeurs, la peur constante d'être attrapés par les uns ou les autres. La mort le long des chemins. Le froid, la poussière, l'extrême chaleur... Et cette phrase de Nelson Mandela qui résonne : « Priver les gens de leurs droits humains revient à contester leur humanité même. »
Notre monde est-il devenu fou ? Dans les pays occidentaux, l'expérience ultime semble être la survie dans des conditions dites extrêmes : des candidats s'affament pour courir après un totem, d'autres nous montrent comment survivre en pleine jungle (comme si, demain, nous allions être parachutés à un endroit inconnu). Pire, nous regardons ces personnes faire des épreuves de survie pour un sac de riz, nous regardons sans penser à ceux qui sont là au pied de notre immeuble, au coin de notre rue. Combien de kilos de riz aurions-nous pu envoyer, donner le temps de ces émissions de télévision ?
Contrairement à cette introduction le livre d'Isabelle Verneuil n'est pas une leçon de morale, c'est une ode à la vie. Elle rend vivante la situation des mineurs isolés. Un instant d'une vie, d'une tentative de régularisation, ces mineurs se retrouvent dans une famille qui les accueille. Mais comment échanger ? Comment parler ? Comment rassurer ? C'est un apprentissage dans les deux sens. Il faut trouver les mots justes, les mots universels, au départ, pour se comprendre, pour s'apprivoiser.
Y a pas problèmeest un livre qui se lit avec délectation littéraire ou plus exactement avec humanité. Nous entrons dans les trajectoires de ces jeunes : Amir (syrien), Zyane (syrienne), Metsi (burkinabaise), Yonas (érythréen), Mina (afghane), Nazélie et son frère (Arménie), Kymia (congolaise), Waris (somalienne)...
Isabelle Verneuil a une plume littéraire, vagabonde et précise. Elle se joue des temps, des enthousiasmes et des pleurs. Elle relate avec audace et malice, les respirations, les découvertes, les oublis, les tentatives administratives répétées, les premiers émois, les sourires, les joies, les tristesses... Avec elle, nous entrons au coeur de ses familles qui livrent cette bataille d'une humanité partagée, souriante, accueillante. Nous sommes, à table, nous écoutons les premiers mots de français. Nous écoutons les silences des blessures. Musicalité des mots et des engagements.
Derrière chacune de ces histoires, de ces rencontres, résonnent, pour moi, les mots de Desmond Tutu : « Ne laissez jamais personne vous dire que ce que vous faites est insignifiant. »
Pour être honnête, j'ai été surprise de recevoir le manuscrit d'Isabelle Verneuil. Surprise mais heureuse.
Surprise, car Isabelle Verneuil est une auteure, au sens plein du terme, elle a publié de nombreux ouvrages. Sa vie est un engagement de mots, de forces littéraires. Écrivaine engagée, elle a la rage des mots pour percer notre (in)humanité.
Heureuse car son texte venait frapper mes expériences personnelles et résonner en ma sensibilité. Noyée dans les engagements scolaires et les désespoirs des confinements, j'ai mis du temps avant de le publier.
Ce livre est un récit qui vient corroborer les essais d'ethno-psychologie de Claude Mesmin et de Francine Rosenbaum. Il n'y a pas de hasard, si sous le doux nom de Route de la Soie - Éditions, je cherche à questionner les récits de notre monde, à collectionner les regards sur les migrations, à interroger ce qui fait de nous des êtres humains, et, à promouvoir des auteurs sensibles, humanistes. Ils constituent une grande famille, dans laquelle, l'humanité se regarde, se devine, s'envisage, s'engage... Avec Isabelle Verneuil et son ouvrage Y a pas problème, c'était évident. Nous retrouvons, chez elle, les mots de Martin Luther King : « La moindre injustice, où qu’elle soit commise, menace l’édifice tout entier. » Avec Isabelle, avec ses mots, son phrasé incisif et doux, nous nous (r)éveillons, nous nous engageons à rallumer les Lumières.